Après que la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) s’est récemment réunie, la rencontre du Monetary Policy Commitee (MPC) de la Banque de Maurice devrait se tenir prochainement. À quoi peut-on s’attendre au niveau de la politique monétaire en ce début d’année ? Dans le contexte actuel, faut-il baisser ou augmenter le taux d’intérêt ? Le point avec des observateurs économiques.
La Réserve fédérale (Fed) a maintenu son principal taux à 5,25 % - 5,50 % pour la quatrième fois consécutive, conformément aux attentes. Bien qu’elle ait évoqué des baisses possibles en 2024, elle souhaite davantage de certitudes quant à une diminution de l’inflation vers la cible des 2 % avant d’agir. Les taux pourraient avoir atteint leur pic pour ce cycle de resserrement. Ainsi, une réduction pourrait être envisagée cette année si l’économie évolue comme prévu. D’ailleurs, certains analystes anticipent une baisse dès mars, mais la majorité penche pour mai, soutenue par des données optimistes sur l’inflation publiées récemment. Néanmoins, la Fed exclut une baisse en mars.
À Maurice, une baisse du taux directeur (« Key Rate ») n’est également pas à l’agenda dans un futur proche, selon l’économiste Kugan Parapen. « Il est plus que probable que le Key Rate reste inchangé en ce début d’année. D’une part, l’inflation au niveau local devrait connaître une remontée dans le sillage des aléas climatiques (vague de forte chaleur suivie de pluies torrentielles). D’autre part, les banques centrales à travers le monde sont en mode ‘wait and see’ après des relèvements considérables de la politique monétaire lors de ces 18 derniers mois », indique-t-il.
Il est fort probable que la Banque de Maurice maintienne une position de statu quo.»
Le CEO d’ANNEAU, Amit Bakhirta, abonde dans le même sens. « Il est probable que les taux soient maintenus, au plus tard jusqu’en mai 2024. Lorsque l’inflation devrait continuer à baisser, il est vraisemblable que la Réserve fédérale américaine (FED) commencera à inverser sa politique en entamant ses premières baisses de taux d’intérêt », affirme-t-il. Selon lui, le marché obligataire américain anticipe un assouplissement à venir d’au moins 0,80 à 1,50 %. « Par conséquent, le statu quo est susceptible de durer encore deux à trois mois maximum, avant le début du cycle d’assouplissement, à moins d’une catastrophe inflationniste géopolitique ou induite par les matières premières », explique notre interlocuteur.
Les économistes Swadicq Nuthay et Rajeev Hasnah misent également sur le statu quo. « Il est fort probable que la Banque de Maurice maintienne une position de stabilité », disent-ils.
La meilleure décision à prendre
Kugan Parapen explique que le taux réel de l’inflation est resté négatif tout au long de 2023, c’est-à-dire que le taux de l’inflation est resté plus élevé que le taux directeur. Selon lui, la théorie recommande le contraire pour lutter effectivement contre les effets inflationnistes. « Je doute que l’inflation retombe drastiquement cette année. À défaut d’une hausse des taux directeurs (improbable étant donné le calendrier politique), on devrait garder le taux directeur inchangé pour un bout de temps encore », fait-il ressortir.
Une baisse du taux d’intérêt pourrait accentuer le manque de devises.»
Chez ANNEAU, on estime que la Banque centrale de Mongolie devrait maintenir le statu quo au moins jusqu’à la fin du premier trimestre 2024, en se basant sur les données réelles de l’inflation pour cette période. « Le cycle d’assouplissement n’est peut-être pas encore là à Maurice. Ainsi, nous ne nous attendons donc pas à ce que la BoM modifie les taux d’intérêt pour le moment », précise Amit Bakhirta.
Un point de vue que partage Rajeev Hasnah. « En tant que garant de la stabilité financière de notre pays, en sus des objectifs pour maîtriser le taux d’inflation, garder le statu quo pour l’instant serait une bonne décision à prendre », explique-t-il. Selon lui, l’impact de toute décision de la MPC sur le taux de change et, par ricochet le taux d’inflation, devrait être au centre des considérations de ce comité. « De ce fait, hausser le taux d’intérêt devrait impacter les ménages, diminuant ainsi leurs revenus disponibles après paiement des obligations bancaires et devrait pénaliser les entreprises encore plus, après les augmentations de leur coûts généraux récemment », dit-il.
Notre interlocuteur fait aussi comprendre que baisser le taux d’intérêt pourrait accentuer le manque de devises sur le marché des changes, et déclencher une dépréciation additionnelle de la roupie mauricienne, avec des effets en cascade sur l’inflation. De son côté, Swadicq Nuthay avance qu’une politique monétaire visant à éponger l’excès de liquidité sur le marché à travers des émissions des obligations par la banque centrale visant les épargnants devrait être adoptée.
Effet de second tour de l’inflation
L’augmentation des salaires en vigueur cette année risque d’être de nature inflationniste. C’est du moins ce qu’estime Amit Bakhirta. « Ajouté à cela, la vélocité de l’argent au cours d’une année électorale fournira probablement un soutien inflationniste suffisant. En décembre 2023, l’inflation globale s’était néanmoins affaiblie à 7 % », dit-il. Du coup, il est d’avis que la BoM ne va pas changer les taux d’intérêt pour l’instant. Un avis que partage Swadicq Nuthay. « Il faudrait se méfier de l’effet de second tour de l’inflation, qui désigne une spirale d’augmentation prix-salaires-dépréciation de notre monnaie », indique-t-il. Kugan Parapen, pour sa part, pense que la BoM a perdu son indépendance sous le gouverneur Seegoolam. « C’est le ministre des Finances qui tire les ficelles. Et lui, le féru de croissance nominale ne craint pas l’inflation, il en raffole on dirait », déclare l’économiste.
Questions À…Manisha Dookhony, économiste : «On peut s’attendre à une baisse du taux directeur en fin de 2024»
Anticipez-vous une augmentation de l’inflation avec la hausse des salaires cette année ?
Je crains que les augmentations salariales ne conduisent à une hausse de l’inflation. Deux raisons principales expliquent cette situation. Premièrement, nous pourrions être confrontés à une situation connue sous le nom de « trop d’argent pour trop peu de biens ». Avec une plus grande quantité de monnaie en circulation, cela pourrait exercer une pression inflationniste en raison d’une augmentation de la consommation. Deuxièmement, de nombreuses entreprises seront directement touchées par l’augmentation des salaires, ce qui entraînera une majoration de leurs coûts et, par conséquent, une hausse des prix. Actuellement, nous sommes dans un contexte de quasi-plein emploi, ce qui alimente également cette tendance inflationniste.
Pensez-vous que la BoM interviendra pour contrôler l’inflation via le taux d’intérêt ?
Je ne sais pas vraiment comment la Banque Centrale réagira à cette situation, mais je peux dire que la décision sera difficile. D’une part, il est nécessaire de stimuler les investissements, mais d’autre part, il est également nécessaire de contrôler le taux d’inflation. En général, l’inflation diminue au niveau international, en particulier en raison de la croissance en Europe et en Asie, ce qui réduit les pressions sur l’économie mondiale. Par conséquent, nous pourrions nous attendre à une baisse de l’inflation importée à Maurice.
Après plusieurs hausses consécutives, le taux directeur est resté inchangé récemment. Est-ce que cette situation va perdurer en ce début d’année ?
J’espère qu’il y aura une baisse du taux directeur, mais je ne pense pas qu’il y aura de réductions en ce début d’année. Vers la fin de 2024, les pressions inflationnistes mondiales devraient diminuer, ce qui pourrait alors entraîner une baisse du taux directeur.
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