Depuis quelque temps, les banques commerciales accordent des devises en fonction des priorités. Cela, en raison d’un manque de devises sur le marché. Or, ce problème est en passe d’être résolu avec l’intervention de la Banque de Maurice qui a vendu, le mercredi 13 avril, 200 millions de dollars, soit l’équivalent de Rs 8,6 milliards sur le marché.
Publicité
200 millions de dollars, soit l’équivalent de Rs 8,6 milliards. C’est le montant que la Banque centrale a vendu sur le marché des changes, le mercredi 13 avril, pour régler le problème de devises. Elle révèle qu’elle a vendu pas moins de 175 millions de dollars aux banques commerciales, soit un total de Rs 7,5 milliards. Il s’agit de l’intervention unique la plus importante que la BoM ait jamais effectuée sur le marché jusqu’à présent. Une intervention qui tombe à point face à la disponibilité de devises sur le marché. Depuis ces derniers temps, les banques accordent des devises en se basant sur les priorités, indique-t-on chez les importateurs. Le sujet a même été longuement évoqué au Parlement, le mardi 12 avril.
La BoM n’a ainsi pas tardé à réagir avec son intervention « massive ». « Nous observons une reprise soutenue des entrées de devises dans le pays depuis la réouverture totale des frontières en octobre 2021. Ceci est soutenu par un plus grand dynamisme dans les secteurs de l’exportation et du tourisme. Au cours des deux derniers trimestres, soit le quatrième trimestre 2021 et le premier trimestre 2022, les entrées de devises dans le pays se sont élevées à près de 2 milliards de dollars, soit l’équivalent de Rs 86 milliards », avance également la BoM.
La Banque centrale constate aussi que les conditions économiques qui ont entraîné une dépréciation de la roupie depuis le début de la pandémie se sont largement estompées. « À mesure que les perspectives économiques s’améliorent, la Banque s’attend à ce que les conditions de l’offre et de la demande sur le marché des changes continuent de s’améliorer, inversant ainsi la tendance à la dépréciation », soutient la Banque. En effet, elle continue de surveiller de près le marché des changes intérieur et rassure le marché et le grand public qu’elle est prête à vendre des devises supplémentaires en cas de besoin. Dans les milieux bancaires, on n’a pas souhaité commenter cette intervention.
Le dollar à Rs 42,95
Avec l’intervention de la Banque centrale, le taux échangé est de Rs 42,95 le dollar, contre Rs 43,15 lors de sa précédente intervention sur le marché des changes le vendredi 8 avril. « Ce qui représente une appréciation continue de la roupie », soutient la BoM. À savoir que depuis le début de 2022, la BoM est intervenue sur le marché des changes pour un montant total de 401,6 millions de dollars, soit l’équivalent de Rs 17,4 milliards.
Mise en garde contre les banques commerciales
Dans le cadre de cette intervention unique sur le marché des changes, le Gouverneur de la BoM, Harvesh Seegolam, a rencontré les trésoriers des banques, mercredi matin, pour discuter des dernières conditions. Au cours de la réunion, le Gouverneur les a aussi mis en garde à l’effet que la BoM sanctionnera « tout écart » aux lettres circulaires en vigueur et émises par la Banque centrale.
Réactions
Xavier-Luc Duval : « Un désaveu pour Padayachy »
La Private Notice Question (PNQ) du leader de l’Opposition, Xavier-Luc Duval, mardi, portant sur la dépréciation de la roupie et la pénurie de devises a fait mouche. « C’est extraordinaire et surprenant qu’une Banque centrale désavoue son ministre des Finances ! Car, en moins de 24 heures, la Banque de Maurice a réagi en intervenant massivement sur le marché des changes. C’est un désaveu complet pour Padayachy qui, la veille au Parlement, a induit tout le monde en erreur en disant qu’il n’y a pas de pénurie », fait-il ressortir. Pour Xavier-Luc Duval, cette intervention et la « menace » du Gouverneur de la BoM aux banquiers viennent confirmer la pénurie de devises et le manque de confiance des Mauriciens dans la roupie. « Je suis heureux d’avoir posé cette PNQ qui va aider les Mauriciens et freiner la dépréciation de la roupie », ajoute-t-il. Xavier-Luc Duval craint cependant que la dépréciation de la monnaie ne reprenne de plus bel bientôt.
Cédric Béguier, d’Ekada Capital : « Difficile pour la BoM de trouver le juste équilibre »
L’intervention record de la BoM met en exergue son rôle de maintien de la stabilité monétaire et de la stabilité des prix. C’est ce qu’estime Cédric Béguier, Head of Research and Portfolio Management International chez Ekada Capital. « Toutefois, elle risque de se heurter à l’environnement économique global en pleine période d’inflation. Même si cette intervention est fort louable, elle montre également le caractère urgent de la situation quant au maintien de la stabilité macroéconomique et du système financier mauriciens », soutient-il. Quant à l’amélioration globale de la situation, poursuit-il, dans l’état actuel des choses, il sera « difficile pour la BoM de trouver le juste équilibre afin de maintenir l’inflation », souligne l’intervenant. Quoi qu’il arrive, dit-il, Maurice a besoin de devises pour faire face à l’augmentation des importations, mais également pour ses propres réserves de changes. « L’attractivité de Maurice doit être une priorité pour faire redémarrer l’industrie du tourisme, mais aussi favoriser les investissements directs étrangers », avance Cédric Béguier. Toutefois, dit-il, malgré cette intervention, si l’augmentation du prix des commodités continue, cela aura un impact sur la balance commerciale déjà bien déficitaire;
Kevin Teeroovengadum, économiste : « Les banques commerciales doivent jouer le jeu »
Depuis deux ans, le secteur du tourisme n’a pas enregistré de recettes. Aussi, les exportations et investissements directs étrangers sont en baisse par rapport à 2019. Au niveau de l’importation, Maurice est frappé de plein fouet par la hausse constante du coût de fret, du carburant et des produits alimentaires. « Il faut payer plus en termes de dollars pour ces produits. Du coup, nous nous retrouvons avec moins de devises. C’est la raison pour laquelle la BoM est obligée d’intervenir régulièrement et de vendre des dollars sur le marché », dit-il.
Dans une situation critique, il faut faire des choix et donner la priorité ce qui est important pour notre survie. « La sécurité alimentaire est plus importante pour le pays que l’importation des voitures de luxe », soutient-il. Par ailleurs, Kevin Teeroovengadum est d’avis que la Banque centrale doit émettre des directives aux banques commerciales pour s’assurer qu’elles « jouent le jeu et accordent des devises en fonction des priorités ».
La situation s’améliore, selon les importateurs
S’il y a deux semaines, les importateurs avaient des difficultés à trouver des devises pour les paiements, il y a une aujourd’hui une amélioration à ce niveau. Dominique To, directeur de Topodom Distribution Ltd, affirme qu’il peut avoir le volume de devises demandé. « Même si j’importe d’Europe, d’Asie ou encore de Turquie, les paiements sont effectués en dollar. Et à présent, il n’y a pas de pénurie comparé à il y a deux semaines », appuie-t-il. Comme il est engagé dans l’importation des produits de première nécessité, il a déjà un avantage. Même son de cloche du côté de Panagora Marketing. « À présent, nous n’avons aucune peine à avoir des devises auprès des banques commerciales », précise Yovan Jankee, Head of Marketing & Communication.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !