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Amputé d’une jambe : le policier Yudhishteer Bhujun devient champion de bodybuilding

Coup d’essai, coup de maître pour Yudhishteer Bhujun.

Deux ans après l’amputation de sa jambe, le policier Yudhishteer Bhujun remporte sa première compétition de bodybuilding et décroche une Pro Card, symbole d’une résilience hors norme.

JinFei, 16 novembre 2025. La salle vibre d’une énergie particulière. Cinquante participants, des corps sculptés par des années de discipline, des regards concentrés. Sous les projecteurs, un homme se prépare. Yudhishteer Bhujun, 35 ans, policier depuis 13 ans, monte sur scène. C’est sa première compétition de bodybuilding. Un an après l’amputation de sa jambe.

Le public applaudit. Les juges observent. Et lui, dans sa tête, repasse le chemin parcouru. Les 12 interventions chirurgicales entre Maurice et l’Inde. Les nuits longues. Les doutes. Les journées à essayer de comprendre ce nouveau corps, cette nouvelle réalité. Et surtout, cette décision prise quelque part entre la douleur et l’espoir : refuser la fatalité.

Quand son nom résonne dans les haut-parleurs, un silence se brise. Yudhishteer Bhujun – Winner, Mr Mauritius - Special Abilities Category. Quelques secondes plus tard, l’annonce qui change tout : Pro Card officielle. Une reconnaissance professionnelle. Un passeport vers les compétitions internationales. 

Les applaudissements sont longs. Les regards sont humides. La Mauritius Body Building and Fitness Foundation vient de couronner un champion qui incarne bien plus qu’un physique impressionnant : un symbole national de force, de discipline et d’espoir.

Il y a deux ans à peine, rien de tout cela ne semblait possible. Yudhishteer vit à Pointe-aux-Piments, dans le Nord, un village bercé par la force tranquille des vagues. C’est là qu’il a dû reprendre son souffle après les mois les plus difficiles de sa vie. C’est là aussi qu’il a appris à réapprendre.

Car en 2023, lors d’une opération policière, sa jambe est broyée. Malgré les traitements, l’amputation est inévitable. La vie, le futur, les certitudes : tout ce que l’on croit acquis se dérobe. « Au début, je n'y croyais pas. Je vivais dans un brouillard. Je ne savais plus si j’allais pouvoir vivre comme avant. »

Les interventions chirurgicales s’enchaînent. Des mois de patience, de résilience, de doutes aussi. Des nuits où le sommeil ne vient pas. Des journées à observer ce corps transformé, à négocier avec la douleur, à chercher un équilibre nouveau. « Chaque intervention était un pas. Parfois un petit pas, parfois un pas difficile. Mais je savais que j’avançais. »

Sa famille traverse ce combat avec lui. Son frère Yovan, 28 ans, entrepreneur, reste à ses côtés. L’émotion est forte, mais chacun puise dans la force de l’autre. « Je devais rester fort. Pour eux, pour moi. Pour prouver qu’on peut se relever. » 

Mais très vite, son regard change. Très vite, il refuse de laisser une épreuve dicter ce qu’il deviendra.

Cette capacité à tenir bon, Yudhishteer la doit en partie à son métier. Avant d’être bodybuilder, il est policier. Et ce métier, il le porte au cœur. Un métier fait de rigueur, de sens du devoir, d’attention aux autres. Treize ans aux Casernes centrales forgent un homme. Treize ans à apprendre le calme dans la tempête, la discipline, la maîtrise de soi. « Le travail m’a appris le mental. C’est ce qui m’a sauvé. »

Aujourd’hui, il mène une vie presque identique à celle d’avant. Chaque matin, il prend sa voiture et se rend aux Casernes centrales. Il travaille normalement. Même durant son rétablissement, il est resté en contact avec ses collègues. Beaucoup le soutiennent, l’encouragent, lui rappellent qu’il n’est pas seul. Une solidarité qui lui donne le courage d’avancer. 

Bien sûr, certaines choses demandent plus de temps. Certains gestes sont nouveaux. Mais il refuse de considérer cela comme une limitation. « Je veux montrer qu’on peut vivre normalement avec un handicap. On ne doit jamais abandonner. »

C’est précisément cette volonté de normalité qui le pousse, un jour, à franchir les portes de My Fit, sa salle de sport. Lorsque sa rééducation commence, il comprend qu’il doit trouver une nouvelle boussole. Quelque chose pour reconstruire, pour reprendre le contrôle. Et cette boussole, il la trouve dans le sport. Les premiers jours sont hésitants. Son équilibre n’est plus le même. Les charges semblent plus lourdes. Son corps lui envoie des signaux nouveaux. Mais son mental, lui, est intact. « Le gym est devenu ma thérapie. C’est là que j’ai senti que je pouvais redevenir moi-même. »

Repousser les limites

Il s’entraîne six à sept fois par semaine, avec une discipline presque militaire. Le matin, il travaille à la police. L’après-midi, il se concentre sur le sport. Un rythme exigeant, mais qui le maintient debout. Chaque séance est un défi. Chaque mouvement est une victoire. Et ce n’est pas seulement le corps qu’il travaille. C’est l’esprit, la volonté, la capacité à se relever. Pour lui, le sport est un excellent moyen d’oublier et de persévérer, d’avancer.

Sous la supervision de ses entraîneurs Shaffik et Deen, il repousse constamment les limites. Comme ce squat qu’on lui interdit théoriquement de faire – il faudrait porter 59 kilos – mais qu’il réalise quand même. Ou cet appareil pour travailler le dos qu’il utilise à sa manière, refusant les compromis. Chaque obstacle devient une invitation à aller plus loin. 

Au fil des mois, sa transformation impressionne. Ses coachs voient en lui un potentiel exceptionnel. Un mélange de discipline, d’endurance et de feu intérieur. Alors, un jour, on lui parle de la compétition Mr Maurice, dans la catégorie Special Abilities, organisée par la Mauritius Body Building and Fitness Foundation. Au début, il hésite. L’idée semble immense, presque irréelle. « Je me suis dit : pourquoi pas ? Pourquoi ne pas essayer ? Pourquoi ne pas montrer que tout est possible ? »

Il se donne à fond. Nutrition, entraînement, rythme de vie, préparation mentale – rien n’est laissé au hasard. Et surtout, il veut envoyer un message : « Même avec un obstacle, on peut réaliser des choses extraordinaires. »

Ce qui nous ramène à cette soirée du 16 novembre à JinFei. À ce moment où son nom résonne dans la salle. À cette Pro Card qui fait de lui non seulement un champion mauricien, mais un ambassadeur de Maurice, non seulement pour son physique, mais pour son combat, pour sa résilience, pour l’image d’un homme capable de transformer ses épreuves en force.

Depuis ce jour, Yudhishteer répète son mantra : « Tant qu’il y a la vie, il y a de l’espoir. » Pour lui, ce n’est pas une phrase. C’est une façon de vivre. « La vie, c’est un combat. On doit se battre tous les jours. Je veux être un modèle, surtout pour ceux qui vivent des moments difficiles. »

Il insiste : il ne veut pas être vu comme un héros. Il veut être vu comme un exemple de persévérance. « Avec une jambe en moins, ce n’est pas facile, mais je m’efforce de faire des choses extraordinaires. La persévérance finit toujours par payer. »

Il rêve maintenant de représenter Maurice à l’étranger. Et il sait qu’il le fera. Parce qu’il a déjà accompli l’essentiel : redevenir lui-même. Son histoire n’est pas seulement celle d’un athlète. C’est un appel à croire en soi. Un rappel que la volonté peut réinventer n’importe quel destin : « Si mon parcours peut aider une seule personne à ne pas abandonner, alors tout aura eu un sens. » 

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