Live News

«Pape des pauvres» : aux racines de la compassion de François

Photo d’archive du pape François, alors jeune garçon en Argentine.

Le père Philippe Fanchette, qui l’a côtoyé durant sa formation en Argentine, retrace l’engagement du pape François auprès des démunis, depuis les favelas jusqu’au Vatican, guidé par sa foi jésuite, son désir de justice, et son choix de vivre avec simplicité.

Publicité

Des favelas d’Argentine au Vatican : l’itinéraire d’un pape au service des plus démunis. Le père Philippe Fanchette, qui a rencontré à plusieurs reprises celui qui allait devenir le pape François, alors qu’il n’était encore qu’un jésuite, lève le voile sur l’engagement profond et volontaire de François auprès des oubliés. Une compassion ancrée dans son passé jésuite. Découvrez l’histoire du « pape des pauvres ».

Pour comprendre pleinement la compassion du pape François envers les démunis, il est essentiel de remonter le fil de son histoire et d’explorer son immersion dans les favelas, qu’il a profondément chéries.

ertains avancent qu’il y fut contraint, mais pour le père Philippe Fanchette, il s’agissait bien d’un choix pleinement assumé. Ce dévouement remarquable envers les plus pauvres lui a valu le surnom de « pape des pauvres ». 

Le père Philippe Fanchette nous aide à comprendre cette orientation fondamentale, enracinée dans une compassion forgée dès ses années de formation jésuite en Argentine. Fort de son propre vécu en Amérique latine, il partage une analyse nourrie par l’expérience. « Pour saisir pleinement cet état d’esprit, il faut revenir aux origines », confie le père Fanchette, installé sous la varangue de l’église Saint-François-Xavier à Port-Louis.

« Lorsque je suivais ma formation à l’Institut économique pour le développement humain en Argentine, un mouvement de fond prenait son essor au début des années 60, dans le sillage du Concile Vatican II lancé par Jean XXIII. C’est à cette époque que le futur pape, en visitant régulièrement les bidonvilles, a initié un programme ambitieux pour réfléchir à la manière dont l’Église pouvait réellement venir en aide aux plus démunis », raconte le père Fanchette.

Il explique qu’après la Seconde Guerre mondiale, les théologiens s’étaient fortement engagés sur cette voie, et un vent de renouveau soufflait alors sur l’Église, particulièrement en Argentine, qui s’ouvrait de plus en plus aux réalités des favelas. « Nombre de prêtres quittaient le confort de leurs paroisses pour vivre au plus près des populations défavorisées », ajoute le père Fanchette.

Il évoque également le principe fondateur adopté par les jésuites de cette époque, s’inspirant d’une image symbolique : « Moïse entend la voix de Dieu lui disant, pour paraphraser : ‘J’ai entendu la souffrance de mon peuple, va et répands mon amour pour les pauvres à travers le monde’. »

À cette époque, deux courants de pensée majeurs se faisaient face : l’un misait sur des actions individuelles d’aide aux démunis, l’autre relevait de la théologie de la libération. Ces visions divergentes provoquaient de véritables affrontements idéologiques quant aux façons d’aider les populations marginalisées. Le futur pape François évoluait alors dans ce climat tendu, en pleine dictature militaire argentine, une période sombre marquée par la disparition de plus de 30 000 personnes et l’enlèvement d’enfants. 

En tant que responsable des jésuites, il a vu ses confrères abandonner tout confort pour vivre dans les favelas, en Argentine comme ailleurs en Amérique latine. Les militaires cherchaient à l’arrêter, lui et ses compagnons, mais la protection que leur offrait l’Église leur servait alors de rempart, bien que fragile.

Cette protection, toutefois, ne fut pas accordée à tous. « La majorité des jésuites sous sa responsabilité l’ont durement critiqué pour avoir rappelé à l’ordre deux de leurs confrères. Cette décision les a exposés aux représailles des militaires, car en les retirant de sa juridiction, ils perdaient la protection de l’Église. Cela a valu au futur pape d’être considéré par certains comme un traître. L’un des deux prêtres lui a finalement pardonné, mais l’autre ne l’a jamais fait. Cette blessure l’a profondément marqué et a influencé son cheminement spirituel. Rejeté par une partie de ses pairs, il a développé une nouvelle vision de la vie religieuse, optant pour la simplicité et renonçant aux fastes du Vatican », souligne le père Fanchette.

Il a volontairement renoncé aux privilèges et au confort que lui offrait son rôle de chef spirituel de 1,5 milliard de catholiques, fidèle à sa vision d’une Église humble, proche des plus vulnérables et véritablement au service de l’humanité. D’ailleurs, le pape François a décidé, en toute conscience, de vivre et de mourir dans l’humilité.

Pour lui, « le pape a délibérément choisi d’être celui qui tourne le dos aux honneurs, qui défend les causes essentielles et qui n’hésite pas à prendre position sur des sujets sensibles ».

Sans préjugés ni parti pris, le pape François a également osé questionner certaines conventions rigides de l’Église, notamment en ce qui concerne sa légitimité à juger les personnes de la communauté LGBT, poursuit le père Fanchette. Il affirmait que, lorsqu’un fidèle vient se confesser, le devoir du prêtre est de lui accorder l’absolution sans jugement, car telle est la mission profonde de l’Église. À l’image de tous ces hommes et femmes qui demandent pardon, le pape a reconnu la dignité des personnes LGBT en déclarant simplement : « Qui suis-je pour juger ? ». 

Cette position, qu’il considère naturelle, a suscité l’opposition de certains membres influents de la hiérarchie vaticane, notamment en Afrique. Malgré les tensions, le pape François est resté fidèle à ses convictions, affirme le père Fanchette.

Quant à l’avenir de l’Église, le père Philippe Fanchette exprime ses réserves sur certaines spéculations. À ceux qui évoquent le nom du cardinal Robert Sarah comme potentiel successeur du pape François, il répond avec lucidité : « Je n’y crois pas vraiment. D’abord, il a déjà 80 ans. Ensuite, il y a de puissants lobbies en jeu… S’il devait être élu, ce serait probablement un pape de transition, appelé à être remplacé assez rapidement, le temps que les cardinaux s’entendent sur un candidat de consensus. » 

Un propos qui en dit long sur les dynamiques internes du Vatican, et qui souligne, une fois de plus, la singularité du pape François dans un univers souvent marqué par les compromis et les calculs politiques.

Mgr Durhône sur les pas du pape

Pour le père Philippe Fanchette, Mgr Jean-Michaël Durhône a saisi en profondeur l’appel du pape François : « Il a compris qu’il faut avant tout être à l’écoute de l’autre, sans préjugés, quel que soit le dossier. Il faut prendre le temps d’étudier, de réfléchir et de comprendre. Ce que propose le pape, ce n’est pas un simple discours ponctuel : c’est un dialogue permanent, une conversation continue, car tout évolue, tout se transforme. »

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !