Une école de chasse est ouverte à Maurice. La question fait débat avec, d’un côté ceux qui sont contre. Ceux-ci affirment qu’il ne faut pas apprendre aux jeunes à tuer. Pour sa part, le promoteur affirme que la chasse est une forme de protection de la nature.
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Noémie Barragan, militante de la cause animale : «Les animaux morts sont des cadavres, pas des trophées»
Vous vous opposez à l’ouverture d’une école de chasse à Maurice. Pourquoi ?
Nous n’avons rien contre le promoteur de ce projet, mais autoriser une telle chose, c’est autoriser n’importe quoi. Par la suite, quelle autre école allons-nous créer ? Pourquoi ne pas plutôt apprendre aux enfants et adolescents d’aimer réellement la nature et les animaux. Une école de chasse équivaut à apprendre à tuer. Ce serait mieux d’apprendre à aimer. Puis, il faut arrêter de dire que le chasseur s’exhibe sur des photos avec ses trophées. Ce sont des cadavres d’animaux morts qu’on exhibe. Certainement pas des trophées. L’argument qui veut que les chasseurs aiment les animaux ne tient pas. Quand on aime, on ne tue pas.
Le promoteur de cette école affirme que la chasse génère 1 500 emplois directs à Maurice...
Transformer ces chasses en havres pour animaux créerait beaucoup plus d’emplois. Il y a des choses bien plus belles à faire avec des animaux vivants. Et ce serait beaucoup mieux pour tout le monde si on apprenait aux enfants à vivre avec des animaux vivants plutôt que de leur apprendre à tuer. Puis, ce serait une meilleure publicité pour le pays. Mieux vaut se faire connaître pour ses efforts de protection des animaux plutôt que d’être connu comme une destination de chasse. Déjà que la marée noire engendrée par le Wakashio fait beaucoup de tort à l’image du pays.
Les cours de cette école de chasse sont destinés à ceux qui ont plus de 16 ans. Les enfants ne sont pas concernés...
Même à 16 ans, une personne est encore très malléable. On parle d’adolescents. Il faut être réaliste. On ne peut pas apprendre à un adolescent que c’est bien de tuer. Une prise de conscience est nécessaire. C’est ridicule de venir dire qu’il est dommage que tout le monde n’a pas la chance d’avoir des grands-parents chasseurs. D’ailleurs, je dois faire ressortir que j’ai eu deux grands-pères chasseurs, mais heureusement qu’ils ont compris que les animaux ont aussi une âme et ils ont arrêté avec cette pratique.
Que répondez-vous à l’argument que les cerfs ne sont pas des animaux en voie de disparition et que les chasseurs aident à maintenir un équilibre naturel ?
Quand l’homme est venu à Maurice, le dodo aussi n’était pas en voie de disparition. Pourtant, il n’existe plus. Ces cerfs dont on parle sont élevés et reproduits pour les besoins de la chasse. Ils sont nourris à la main, afin qu’ils ne se méfient pas de l’homme. Ensuite, on les relâche pour les tuer et on appelle ça un équilibre naturel ? Venir dire que ces animaux sont tués de « manière propre », ce n’est que passer de la pommade. Ces animaux souffrent beaucoup avant de mourir. Il est faux de dire que la chasse est noble. C’est cependant réconfortant de voir qu’énormément de Mauriciens nous soutiennent dans notre combat. Peu importe leurs origines, les Mauriciens sont solidaires dans cette lutte. Nous n’allons pas nous arrêter en si bon chemin.
Lionel Berthault, directeur de l’école de la chasse et de la faune sauvage de Maurice : «Beaucoup de fausses informations circulent à ce sujet»
Votre projet d’école de chasse crée une véritable polémique...
Beaucoup de fausses informations circulent à ce sujet et il y a de la diffamation à mon encontre aussi. Depuis jeudi, j’ai toutes les autorisations pour opérer cette école de chasse. Nous avons déjà une centaine d’inscrits. On ne va pas apprendre aux enfants à chasser, car il faut avoir au moins 16 ans pour pouvoir s’inscrire. Nous ne mettons pas de fusil entre leurs mains. Une bonne partie d’entre eux ont quarante ans et plus. C’est une école de la vie et de la raison. Je tiens aussi à souligner que je suis à Maurice depuis 2003 et que je suis naturalisé mauricien. Je me suis très bien adapté ici.
Mais vous pouvez comprendre qu’il y a des personnes qui s’opposent à votre projet…
Je peux comprendre que certains sont contre la chasse et je peux aussi comprendre que certains n’acceptent pas ce loisir. Peut-être est-ce parce que les chasseurs n’expliquent pas cette tradition qui est vieille de plus de 350 ans à Maurice. Mais je ne comprends pas quand certains se lancent dans la diffamation, le mensonge, versent dans la subjectivité et utilisent des mots négatifs pour essayer d’influencer l’opinion publique, quand ils ne savent même pas de quoi ils parlent. À Maurice, on ne chasse que le cerf de Java, également connu comme le cerf rusa. Je ne comprends pas qu’on puisse vouloir interdire quelque chose qui rassemble toutes les communautés qui mangent du cerf, qui est chassé quatre mois dans l’année. Ils disent qu’il faudrait capturer et euthanasier. Or, la chasse créée plus de 1 500 emplois directs à Maurice. Elle ne coûte rien à l’État et lui rapporte de l’argent. Le cerf de Java n’est pas en voie de disparition. Il y en a 70 000 à 80 000 à Maurice et nous en prélevons 15 000 par an. Ce que nous prélevons est au-dessous du taux d’accroissement national du cerf. Nous, chasseurs, aidons à préserver, grâce aux chasses, qui sont des exemples de préservation et de biodiversité.
Il y a combien de chasseurs à Maurice ?
Il y a 6 000 détenteurs de permis, mais 3 000 à 4 000 personnes chassent régulièrement. Nous avons 80 à 100 terrains de chasse à Maurice, qui sont des havres de biodiversité. On parle ici de 25 000 hectares, dont 10 000 sont ce qu’on appelle des crownlands pour la chasse. Ces terrains sont très bien entretenus et on les préserve des espèces envahissantes. Quant aux cerfs, les stocks sont très bien gérés. Si cette activité était interdite, on aurait vu une recrudescence de braconniers, avec tous les risques que cela comporte.
Pour certaines personnes, la chasse a une image de cruauté et de violence…
Nous sommes très loin d’être des sanguinaires assoiffés de sang. Nous aimons et respectons la nature. Malheureusement, les chasseurs en général ont communiqué très mal autour de leur activité. Pour ce qui est du côté cruel, est-ce plus cruel de faire venir des animaux dans des cales de bateau ? Quid de les véhiculer dans des camions pour les amener à l’abattoir ou de tuer avec la moindre souffrance un animal qui a grandi librement dans la nature ?
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