La liste de décès de la Covid-19 s’allonge, or des appareils de sauvetage de dernier recours en réanimation dorment toujours. Manque d’équipements additionnels. Telle est la raison évoquée par le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, pour leur non utilisation par le ministère de la Santé plusieurs mois après leur obtention. L’appareil a pour nom l’ECMO, un appareil d’oxygénation par membrane extracorporelle.
Face à la situation de la Covid-19, la Commission de l’océan Indien (COI), en partenariat avec l’Agence française de développement (AFD) et l’Union européenne, a fait don d’un appareil d’oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO) au ministère de la Santé. C’était le 24 mai 2021. À ce jour, soit sept mois bientôt, l’appareil n’a pas encore pu être mis en service. La raison évoquée : il manque des pièces pour son bon fonctionnement.
Il s’agit d’un « heater-cooler machine » ; un near-infrared spectroscopy » et un « activated clotting machine » au coût total de Rs 2 millions, a soutenu le ministre de tutelle, Kailesh Jagutpal. C’était au Parlement le 30 novembre dernier en réponse à une question du député Farhad Aumeer. Les spécifications ont été envoyées à la COI a affirmé le ministre. Une demande a été faite auprès de cet organisme pour l’acquisition d’une deuxième machine ECMO. Par ailleurs, le ministre Jagutpal a aussi soutenu que la formation du personnel pour l’utilisation de l’appareil a déjà été complétée.
Selon la littérature, l’ECMO est une technique de sauvetage de dernier recours en réanimation. L’appareil permet une circulation sanguine extracorporelle pour plus d’efficacité dans la prise en charge des cas graves de Covid-19, entre autres. Ce type d’équipement améliore la chance de survie des patients en soins intensifs en offrant une assistance importante aux patients dont les fonctions cardiaques et/ou respiratoires sont gravement altérées.
Cependant, il se trouve que le protocole des patients qui vont être placés sur l’ECMO Machine, une fois qu’elle sera mise en fonction, n’a pas encore établi, selon le Dr Aumeer. « Le ministre dans sa réponse au Parlement n’a pas pu expliquer dans quelles circonstances les patients vont être placés sur cet appareil et s’il sera suivi d’un protocole qui n’a pas fonctionné », nous a expliqué le député.
Pour sa part, le ministre Jagutpal a répondu que c’est à la lumière de l’appréciation des experts, des anesthésistes et des personnes travaillant dans le service de réanimation, en particulier en soins intensifs qui se sont occupés des patients atteints de la Covid-19, que le ministère mettra en œuvre leurs recommandations.
De son côté, le Dr Dandathvanee Samoo, spécialiste en médecine d’urgence et ancien responsable du Service d’aide médical d’urgence (SAMU), explique que « pour placer une personne sur ECMO, il faut être très sélectif. Ce sont les patients les plus gravement atteints, en arrêt respiratoire ou qui sont complètement désaturés et qui ne répondent pas à la ventilation mécanique qui sont placés sur oxygène et sur ECMO. Les critères de sélection doivent être rigides. Il faut avoir un bon protocole thérapeutique, un mélange de personnel du Service d’aide médicale d’urgence (SAMU) et d’anesthésistes et une formation avancée dans l’utilisation de l’ECMO ».
Parmi les critères à prendre en considération, il y a l’âge, l’état du scanner, le nombre de jours que le patient est malade, le pourcentage de poumons affectés et le niveau d’oxygène dans le sang, ajoute un pneumologue qui n’a pas souhaité être cité. Il souligne cependant qu’il est difficile de déterminer qui sont ceux qui vont être placés sur ECMO. D’autant plus que ce n’est pas sans conséquences, fait ressortir le Dr Samoo. Selon lui, le patient risque de subir une infection et d’avoir des complications, parmi l’hémorragie. D’où l’importance de « bien réfléchir avant de placer une personne sur ECMO ».
L’appareil ECMO peut sauver des vies. Avoir un tel appareil dans chaque hôpital sera à l’avantage des patients, ajoute le pneumologue. Cela d’autant plus que les unités de soins intensifs des hôpitaux sont devenues des Covid-ICU, car tous les patients ne peuvent être transférés au New ENT Hospital. « Un patient est placé sous ECMO lorsque les poumons sont bien infectés. À l’exemple d’une machine pour la dialyse lorsque les reins ne fonctionnent pas. Ainsi, c’est l’appareil qui prend le relai pour agir comme un rein artificiel. Il en est de même pour l’ECMO lorsque les poumons ne peuvent fonctionner normalement pour donner de l’oxygène et éliminer le dioxyde de carbone. L’ECMO va pouvoir réoxygéner le sang et retirer l’oxyde de carbone qui est à l’intérieur des poumons », explique le pneumologue.
Professeur Vêlayoudom Marimoutou : «L’appareil répond aux spécifications du ministère de la Santé»
Sollicité quant aux difficultés du ministère de la Santé à faire fonctionner l’appareil ECMO reçu de la Commission de l’océan Indien (COI), son secrétaire général, le Professeur Vêlayoudom Marimoutou, nous a fait parvenir la réponse suivante : « La COI a remis un appareil ECMO au ministère de la Santé de Maurice le 24 mai 2021. L’appareil remis répond aux spécifications transmises par le ministère mauricien de la Santé. Une demande pour des équipements supplémentaires a été reçue. La procédure d’acquisition est en cours ». Le secrétaire général de l’organisme ajoute qu’une formation a été dispensée à 27 personnes les 13 et 14 juillet à l’hôpital ENT. Ce don de matériel s’inscrit dans le plan de riposte de la COI contre la Covid-19, soutenu par l’Agence française de développement et l’Union européenne.
Le personnel formé pour une bonne prise en charge des patients
Le New ENT Hospital s’est fait une mauvaise réputation avec le nombre de décès qui ont été recensés au sein de cet établissement depuis ces dernières semaines. Selon le directeur de l’établissement, le Dr Sok Appadu, le personnel est formé pour encadrer des patients. « Nos anesthésistes sont formés pour assurer une bonne prise en charge des patients. Leur formation est basée sur l’intubation et la ventilation », dit-il.
Il précise que l’urgentiste et l’anesthésiste peuvent, à travers leur formation, être postés dans différents services. « Les urgentistes ont une connaissance dans la réanimation qui est le domaine dans lequel les anesthésistes sont formés et dans lequel ils peuvent pratiquer », explique-t-il.
Toutefois, un avis que ne partage pas le Dr Dandathvanee Samoo, spécialiste en médecine d’urgence et ancien responsable du Service d’aide médical d’urgence (SAMU). « Il faudrait avoir un mélange de médecins, urgentistes et d’anesthésistes au New ENT Hospital », fait-il ressortir. « Il n’est pas vrai de dire qu’il faut des anesthésistes pour faire l’intubation. L’anesthésiste ne fait qu’intuber et ventiler qu’au bloc opératoire. Avec l’émergence de la médecine d’urgence et de réanimation, la pré-médecine est dirigée par le Service d’aide médicale d’urgence (SAMU). Les médecins de ce service sont spécialisés en médecine d’urgence et en réanimation. Ils font aussi l’intubation », dit-il.
Par ailleurs, le directeur de l’hôpital ENT, le Dr Sok Appadu, affirme qu’avec la formation continue bénéficiés par les membres du personnel, ils ont l’opportunité d’acquérir de nouvelles connaissances médicales. Dans ce contexte deux urgentistes réunionnais étaient à Maurice pour des sessions de formation d’une semaine. Le Dr Appadu explique qu’ils y étaient pour la formation de l’équipe d’anesthésistes et de réanimation. D’autres formateurs étrangers feront aussi le déplacement à Maurice si la situation sanitaire liée à la Covid-19 le permet.
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