Live News

Monde du travail : les demandeurs d’emploi vont se bousculer au portillon

Publicité

L’emploi est une des préoccupations majeures pour 2021. Doit-on s’attendre à une amélioration de la situation ou, au contraire, craindre une vague de licenciements ? Quelles sont les mesures qui seront introduites par le gouvernement pour éviter une aggravation de la situation l’an prochain ? Quels sont les secteurs qui vont recruter malgré la situation économique difficile ? Éléments de réponse.

L’évolution du marché de l’emploi en 2021 

thierry
Thierry Goder.

Thierry Goder, CEO d’Alentaris : « Il n’y a pas une grande visibilité sur comment se portera le marché de l’emploi en 2021. Nous avons noté, toutefois, à notre niveau, que certains postes se sont libérés au mois de décembre. Or, ces postes doivent être remplis en janvier et en février. Il n’y a rien de nouveau à cela. C’est le même schema que nous retrouvons chaque année. Nous ne pouvons pas nous baser dessus pour dire qu’il y aura le plein emploi en 2021. » 


Aurélie Marie.
Aurélie Marie.

Aurélie Marie, Communication & Recruitment Specialist chez Myjob.mu : « Nous nous attendons à une nette augmentation des demandeurs d’emploi et des licenciements en plus grand nombre. Le mois de décembre est généralement le plus faible de l’année. Or, tous les jours, nous sommes contactés par les candidats en poste qui disent que ce n’est qu’une question de deux à trois mois avant qu’ils ne soient officiellement mis à la porte pour des raisons économiques. Autre constat, celui des entreprises qui communiquent avec clarté avec les employés les incitant même à rechercher un autre emploi bien que leur poste et une partie du salaire soient maintenus. 2021 sera une année marquée par de nombreux challenges pour les entreprises. Aucune compagnie n’est épargnée. Qu’il s’agisse d’une PME ou d’un groupe d’entreprise présente depuis des décennies, limiter les licenciements et maintenir au minimum 60 % des activités sera les deux principaux objectifs de la nouvelle année. »


Ravish Pothegadoo.
Ravish Pothegadoo.

Ravish Pothegadoo, directeur de Talent on Tap : « La situation est plus ou moins constante pour le moment. On espère pouvoir s’attendre à une amélioration graduelle vers mars 2021. Les demandes dans les deux secteurs qui étaient dans le Top 5, notamment le tourisme/ l’hôtellerie et la construction, sont toujours relativement très basses. Cependant, on peut constater que le secteur de la construction reprend graduellement de l’ampleur. J’espère qu’il en sera de même pour le tourisme et l’hôtellerie. »


Vers une amélioration ou une dégradation ?

Aurélie Marie : « Nous considérons que le premier trimestre 2021 sera déterminant pour le marché de l’emploi et les conséquences sur le taux du chômage. Par ailleurs, étant une plateforme d’emploi en ligne, nous surveillons de très près les indicateurs de création d’emploi ou au sens large, l’offre d’emploi sur le marché. Certains secteurs maintiennent leur recrutement et ont même du mal à trouver les compétences. »

Thierry Goder : « Après les festivités, beaucoup d’entreprises risquent d’avoir des difficultés financières après avoir payé le boni et la compensation salariale qu’il faudra payer en janvier. Cela aura un impact sur leur trésorerie. La situation est compliquée. Les signaux ne sont pas forcément au vert, ni forcement au rouge. Tout le monde est suspendu à la décision concernant l’ouverture des frontières. À un moment donné, il faudra prendre le risque, car sinon nous risquons de mourir économiquement. Il faudra donner un boost à l’industrie touristique dont la contribution au Produit intérieur brut (PIB) est non négligeable et réfléchir sur le protocole à adopter. »


L’offre et la demande 

Ravish Pothegadoo : « La demande a toujours été disproportionnée par rapport à l’offre. À titre d’exemple, une annonce pour un poste dans l’administration ou un poste avec des horaires de bureaux « classiques » va recevoir 500 demandes en comparaison avec une annonce dans le BPO qui en recevra moins de 50. Les salaires proposés ont considérablement baissé : cela reste un élément déterminant pour les profils avec expérience. Donc, on peut se retrouver dans un contexte où, l’employeur qui cherche à recruter un profil avec un certain niveau d’expérience, se retrouve avec plus de demandes de candidats ayant moins d’expérience, mais qui souhaitent considérer le poste, et ne seront pas forcément retenus. S’agissant de l’offre, l’écart risque de se creuser entre l’offre et la demande. On compte une moyenne d’environ 500 profils (tous secteurs/ postes confondus) par semaine qui mettent à jour leur Curriculum Vitae en vue de postuler pour un nouvel emploi. On compte aussi, au minimum, environ une centaine d’incorporation de nouvelles compagnies par semaine, dont des snacks, des salons de coiffure, des compagnies de nettoyage et des management companies, entre autres. »

Aurélie Marie : « Une inadéquation totale ! Une demande d’emploi qui surpassera largement l’offre. Nous sommes déjà à un niveau de 56 000 candidats ayant postulé pour 500 postes vacants. Autant dire que l’écart est considérable. »


Ces chiffres à retenir

  Juillet  Septembre  Changement 
Nombre d’employés  498 000 506 300 + 8 300
Nombre de chômeurs  57 300 62 200 + 4 900
Main-d’oeuvre ouvrière  555 300 568 500 + 13 200
Taux de chômage  10,3 % 10,9 % + 0,6 %
Source : Statistics Mauritius

 

Ces secteurs qui vont recruter en 2021

  • TIC (ingénieurs informatiques, réseaux et sécurité, développeurs web/ logiciels)
  • BPO
  • Global Business (administrateur/ client services/ Company Secretary)
  • Finance 
  • Construction 

*Des postes liés à comptabilité, l’audit et la taxe seront aussi à pourvoir. Idem pour les postes dans l’administration générale, le légal/compliance, les ressources humaines, le digital marketing, les réseaux sociaux et la vente. Dépendant de la situation sanitaire, le commerce et la restauration pourraient voir leurs recrutements à la hausse.

La situation au niveau des demandeurs d’emploi 

Ravish Pothegadoo : « Nous approchons de la fin de la période du Workfare Programme qui a commencé vers mars 2021 pour la plupart des employés licenciés. Il y aura aussi ceux qui attendaient le paiement du boni de fin d’année en décembre pour considérer un nouvel emploi en début de 2021. »

Thierry Goder : « Il y aura davantage de demandeurs d’emploi, notamment ceux qui ont perdu leur emploi. D’ailleurs, nous avons constaté qu’après la Covid-19, le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté. Ceci dit, dans, certains secteurs tels que la construction, le développement foncier, les TIC, il y a des postes à pourvoir. Nous avons aussi des requêtes des entreprises, notamment des compagnies étrangères, qui recherchent des Mauriciens pour travailler à mi-temps ou trois fois par semaine. Ce qui est quand même positif. Bref, les secteurs où il y a des signaux de reprise vont continuer à recruter. Avec le vaccin et les signaux de croissance, espérons que les entreprises seront plus confortables à se diversifier et à grandir en recrutant encore plus. » 

Aurélie Marie : « Les demandeurs d’emploi seront véritablement en hausse à la fin du deuxième trimestre de 2021. Ils viendront se rajouter aux licenciés pour cause économique, aux jeunes gradués et aux détenteurs du Higher School Certificate. »


Soodesh Callichurn, ministre du Travail : «Nous soutiendrons 13 000 sans-emploi en 2021» 

soodeshJanvier 2021 marquera le coup d’envoi de la formation de 9 000 sans-emploi. D’autres mesures seront introduites si la situation l’exige, assure le ministre du Travail. 

 « Nous avons pu éviter le pire en termes de pertes d’emploi en mettant en place des mesures telles que le Wage Assistance Scheme, le Self-Employed Assistance Scheme ou encore l’interdiction aux entreprises bénéficiaires des aides de l’État de licencier », avance Soodesh Callichurn. Et le gouvernement, poursuit-il, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. 

Ainsi, 9 000 sans-emploi seront formés dans des activités où il y a des opportunités d’emplois telles que la construction, la sécurité alimentaire et l’aquaculture, entre autres. « La formation débutera en janvier. Actuellement, nous mettons les bouchées doubles pour recruter des instructeurs. Outre le Human Resource Development Council  (HRDC) et le Mauritius Institute of Training and Development (MITD), nous aurons aussi recours aux centres de formation privés pour cette mesure », indique le ministre Callichurn. Par ailleurs, Landscope Mauritius recrutera 2 000 personnes. « C’est une mesure temporaire jusqu’à ce que les activités reprennent et que les gens retrouvent leur job », indique-t-il. Autre mesure : l’embauche de 1 000 pêcheurs par le Mauritius Oceanography Institute et l’Albion Fisheries Research Centre pour des projets de conservation des coraux et d’élevage de poissons. Il y aura aussi des opportunités d’emploi pour des Mauriciens au Canada, annonce-t-il. 

« Un total de 13 000 sans-emploi bénéficieront de ces nouvelles mesures. Nous continuons à suivre la situation de près et nous viendrons avec d’autres mesures si besoin est en 2021 », indique Soodesh Callichurn. 

S’agissant de l’aide qui sera accordée aux entreprises par rapport au paiement de la compensation salariale en janvier, Soodesh Callichurn indique que les modalités sont en cours de finalisation. Il précise, toutefois, au passage que la Workers’ Rights Act ne sera nullement revue. « Il y a des grosses entreprises qui paient des dividendes à leurs actionnaires, mais qui cherchent à ce qu’on amende la loi juste pour pouvoir licencier. Il est hors de question que nous touchions à la loi pour leur donner carte blanche pour limoger », a-t-il conclu.


Areff Salauroo, président de l’Association of Human Resource Professionals of Mauritius : «Il y a une réelle volonté de préserver les emplois»

areffIl est grand temps qu’on fasse confiance à la capacité du personnel de nos entreprises à créer de la valeur  ajouté et à la détermination de nos entrepreneurs à sauver leurs entreprises. Tel est l’appel d’Areff Salauroo. Le président de l’Association of Human Resource Professionals of Mauritius insiste que la restructuration du personne ne doit se faire qu’en dernier recours. Il reste confiant qu’il n’y aura pas de licenciements massifs et de fermetures abruptes en 2021.

Comment devrait évoluer la situation au niveau de l’emploi en 2021 ? 
Il y a de réelles préoccupations concernant l’emploi en 2021. En lisant les rapports et en écoutant les chefs d’entreprise, nous constatons qu’il y a une grande appréhension concernant le marché du travail. Cependant, je pense que la détérioration du marché du travail pourrait finalement être moins catastrophique que prévu. Il faut reconnaître que beaucoup d’efforts sont consentis pour préserver les emplois, que ce soit au niveau du gouvernement ou des chefs d’entreprise. Notre association des directeurs de ressources humaines a lancé un appel afin que soient analysés tous les postes de dépenses avant de considérer la restructuration du personnel qui doit se faire en dernier recours. D’ailleurs, il y a une réelle volonté de préserver les emplois, du moins autant que possible. Par ailleurs, il y a des investissements qui généreront de nouveaux emplois. Aussi; le choc de l’activité que nous avons connu n’a pas été aussi dévastateur qu’il aurait pu l’être si les bonnes décisions n’avaient pas été prises pour gagner la bataille contre la pandémie à Maurice. Nous avons toujours su nous remettre debout et faire face aux défis. Les Mauriciens sont connus pour leur détermination. Tous ensemble, nous allons contribuer à préserver les emplois. Et l’optimisme est de mise avec les bonnes nouvelles concernant les vaccins. On s’attend également, très vite, à ce que les autres secteurs d’activités redémarrent et ils auront besoin de personnel pour bien fonctionner.

Avec la Covid-19 et ses effets néfastes sur les entreprises, doit-on s’attendre à davantage de licenciements et de fermetures de compagnies en 2021 ? 
Les effets néfastes sur les entreprises sont visibles. Ces dernières ont toutes été affectées par la pandémie, en grande partie parce qu’elles n’ont pu opérer pendant le confinement et d’autres même après. Il y a déjà eu des fermetures. Si les entreprises n'ont pas encore mis la clé sous le paillasson, c’est qu’elles sont déterminées à persévérer les emplois. Les entrepreneurs mauriciens sont des personnes honnêtes et sincères et qui sont prêtes à faire face aux défis que nous a imposés la pandémie. De ce fait, je ne crois pas qu’il y aura des licenciements massifs et de fermetures abruptes en 2021. Les managers ont appris bien des leçons de la Covid-19 et se montreront encore plus déterminés. 

Il y a une étude de l’Institute of Leadership and Management qui démontre que seulement 29 % des Business Leaders interviewés placent l’humain avant la profitabilité. Je crois que nous devons tous absolument placer l’humain avant la profitabilité. C’est cela qui nous mettra sur la voie du succès. Nous oublions souvent que ce sont les hommes et les femmes qui constituent l’entreprise et que la profitabilité dépend d’eux. Il est grand temps que nous fassions confiance à la capacité du personnel de nos entreprises à créer de la valeur  ajouté et à la détermination de nos entrepreneurs à sauver leurs entreprises.

Nous oublions souvent que ce sont les hommes et les femmes qui constituent l’entreprise et que la profitabilité dépend d’eux.»

L’AHRIM a lancé un appel pour que les lois du travail soient revues dans le contexte actuel. Quelle est la position de l’association à ce niveau ? 
L’Association des Directeurs des Ressources Humaines de l’île Maurice a toujours demandé à ce qu’il y ait plus de flexibilité au niveau des lois du travail. La pandémie a été (si l’on peut la qualifier comme ça) « une force majeure » qui a apporté des adaptations majeures dans le monde du travail. Le travail à distance, par exemple, a requis une certaine adaptation. Nous pensons que les lois peuvent aider, mais ne suffisent pas. Il faut une réelle détermination à reveler les défis liés à la pandémie. Ce qui fait défaut en ce moment, c’est une solidarité nationale. Nous devons nous entraider. 

En vérité, cette solidarité était très présente pendant le confinement. Cela doit également être le cas également maintenant. Au niveau de l’Association of Human Resource Professionals of Mauritius, nous sommes  disposés à collaborer avec toutes les parties prenantes, dont  le gouvernement, afin que le dialogue prime et qu’ensemble nous trouvions la bonne formule pour sortir de ces moments difficiles. 
Est-ce que les entreprises recruteront en 2021 en dépit du contexte difficile ? 
Définitivement. Bon nombre d’entreprises recruteront, mais il y aura beaucoup de reconversion. Le maître-mot pour les employés sera adaptation. Les salaires n’évolueront pas en 2021 et cela permettra de préserver les emplois. Il y aura également la création de postes temporaires. La Mauritius Investment Corporation joue et jouera un rôle très important dans la préservation et la création des emplois. La promotion de la consommation de la production locale va également y contribuer. Mais c’est surtout le réalignement des stratégies pour privilégier l’humain pendant cette période difficile qui va grandement aider à offrir des opportunités à ceux qui ont été les plus touchés par la pandémie. Mais, il nous faut prier pour qu’il n’y ait pas un deuxième lockdown et pour la reprise des vols aériens. Cela en respectant le protocol strict mis en place. C’est à ces conditions que nous aurons une meilleure année 2021.

Le saviez-vous?

Le moratoire visant à prévenir les licenciements économiques, qui devait prendre fin le 31 décembre 2020, a été étendu. Ainsi, toute entreprise qui a bénéficié du soutien de l’État au paiement des salaires ne pourra pas licencier jusqu’au 30 juin 2021. 

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !