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Meurtre de Nadine Dantier : «Zot inn byen batte mwa», confie Marcelin Azie, forcé à passer aux aveux

Marcelin Azie Marcelin Azie

L’eau a coulé sous les ponts depuis l’arrestation de Marcelin Azie qui date du 28 juillet 2003 dans l’affaire Nadine Dantier.  Cependant, cet habitant de Camp-Créole se remémore encore aujourd’hui du traumatisme subi lors de son interrogatoire par les enquêteurs du CCID pour le forcer à passer aux aveux. Lui aussi veut connaître l’identité des coupables.

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Le viol et le meurtre de Nadine Dantier, âgée de 20 ans, en fin d’après-midi du mercredi 25 juin 2003, avaient défrayé la chronique. Cette étudiante de l’université de Maurice venait de descendre à l’arrêt d’autobus, jouxtant l’église, lorsqu’elle a été entraînée dans les bois bordant la route qui mène à son domicile. Qui sont les auteurs de ce crime atroce ? Une question qui demeure toujours sans réponse et qui taraude non seulement les parents de la victime, mais également Marcelin Azie. Ce dernier est aujourd’hui âgé de 45 ans, mais les enfants de Camp-Créole, Albion, le considèrent comme l’un des siens. Chaque jour qui passe, ils le taquinent gentiment et l’appellent « vieux garçon », sachant pertinemment qu’il va encore une fois esquisser un sourire timide avant d’aller trouver refuge dans sa petite bicoque en tôle. Sa couardise est légendaire dans le quartier, indique Louloune, sa tante maternelle qui veille sur lui depuis un quart de siècle.

Originaire de Palissade Ternel, à Rodrigues, Marcelin Azie a débarqué à Maurice le 11 février 1996 en quête d’un travail, comme bon nombre de ses compatriotes. Il a décroché un emploi dans une usine de nouilles instantanées à la sortie de la capitale comme ouvrier. Mais il a ensuite opté pour la maçonnerie, un métier plus rémunérateur. 18 ans de cela, un de ses oncles qui réside à Les Salines, Port-Louis, l’a mis en contact avec un entrepreneur qui l’a chargé de s’occuper du mur d’enceinte de l’église Notre-Dame-de-La-Mer, à Albion. Marcelin Azie  a accepté, mais il a travaillé là-bas durant une seule journée. N’empêche que le Central Criminal Investigation Department (CCID) a considéré que sa présence dans la localité faisait de lui le suspect idéal. Deux autres éléments ont joué contre lui, notamment qu’il s’est teint les cheveux et qu’il a quitté la localité.  33 jours plus tard après le meurtre de la jeune fille, il est arrêté.

Si les enquêteurs avaient contre-vérifié leurs renseignements, ils auraient pu établir qu’à l’heure du crime, il jouait avec une douzaine de jeunes sur le terrain de foot de Camp-Créole. Concernant ses cheveux, c’est la fille du travailleur social, Pran Seetohul qui les a teints par pure plaisanterie. Ensuite, c’est sa tante Louloune qui l’a conseillé d’aller habiter chez son oncle qui réside à Les Salines pour trouver un travail afin qu’elle n’ait pas à lui donner de l’argent pour payer ses trajets par autobus.    

Ses travers jouent contre lui

« Il était environ 4 h 00 du matin quand ils ont enfoncé la porte de la maison de mon oncle. Ensuite, ils m’ont emmené aux Casernes centrales où ils m’ont frappé avec une matraque. J’ai reçu des coups sur la plante des pieds et à mes côtes. Puis, ils ont menacé de me noyer et m’ont dit que j’ai abusé et tué une fille que je ne connaissais même pas de vue. Par la suite, ils m’ont fait signer des aveux et m’ont emmené sur les lieux du crime pour une reconstitution des faits », relate-t-il. 

« Zot ine amen mwa laba, zot dire montrer la, montrer laba. Si mo em ti fer mwa, mo ti pu montrer par moem. Monn gayn coute parasol, dimun ti pe rode batt mwa », relate avec peine Marcelin Azie. Ce dernier avoue s’être tourné vers l’alcool pour oublier cette période traumatisante de sa vie. « Stress… Monn byen souffer. Zot kuma dire ine fer ene film ar mwa. Kan monn andan, mone prier buku. Bann kamarad laba inn dir mwa pran kuraz, mo pu sorti ladan » se souvient-il. Il ajoute : « Zame mo pu blier sa. Tou lezour mo pense sa. Zot inn byen batte mwa. Zot ti pe batter kuma dire pu touyer. Mone gayn buku dimal. Zot fine force mwa dire mone fer sa crime la. Monn criye mo mama... Buku plorer monn plorer », lance-t-il avec un léger bégaiement lorsque l’émotion l’assaille. « Zot ti met cagoule lor mo la tete et zot finn rebatte mwa. Raddhoa ti fer so lekip vinn pran mwa ». 

Il a passé 14 mois en détention préventive, mais par la suite, il a été disculpé grâce à des tests ADN. Après toutes ces années, même s’il est capable d’identifier ses tortionnaires, il n’a jamais vraiment songé à poursuivre le CCID pour brutalité policière. L’argent, il s’en moque, mais le fait qu’il bégaie et qu’il a sombré dans l’alcool,  auraient pu jouer contre lui, fait remarquer sa tante. Ce que Marcelin Azie souhaite avant tout, c’est que Nadine Dantier puisse reposer en paix lorsque les enquêteurs, qui ont repris le dossier,  mettront la main sur ses assassins. Mais pas en les forçant à passer aux aveux comme avec lui, mais en utilisant l’ADN.

Nous lui avons demandé s’il a vu des personnes rôder près de l’église dans la période précédant le crime ? « Non, mo pann trouv narien », déclare Marcelin Azie. Lui, le gars des quartiers pauvres d’Albion n’allait jamais du côté des riches. Entre Camp-Créole et le lotissement où résidait Nadine Dantier, il n’y a qu’une zone boisée où seuls ceux en quête de nourriture pour leur bétail s’aventurent. 
Enfin l’espoir
Le dimanche 20 juin, Pran Seetohul a montré à Marcelin Azie une copie du Défi Plus de la veille. Il a été bouleversé par l’article dédié à Nadine Dantier et à deux éventuels suspects.  Il a dit à l’épouse de Pran Seetohul, en se tournant vers les divinités où elle fait ses prières : « Chachi, mo fer serment mo pa konn narien dan sa crime la. Mwesperer pu gayn sa bann dimoun kinn fer sa la, zot pu bizin payer pu sa ». 

Quand on l’a quitté le mercredi soir, il nous a dit : « Finn akiz mwa pu naryen ». Et cette fois-ci, il va s’endormir dans les bras de Morphée sans toucher une goutte d’alcool.

 

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