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Médicaments - manque de transparence et baisse de qualité : des réformes urgentes réclamées

Les acteurs du secteur sont d’avis que le système d’appels d’offre pour l’approvisionnement en médicaments doit être revu.

Il y a un manque de transparence dans le « procurement » des médicaments, affirme Siddique Khodabocus, président de l’association des petits et moyens importateurs de médicaments. Pour lui, c’est là où le bât blesse, car cette opacité entrave un processus clair et équitable.

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Nouvellement installé, le ministre de la Santé, Anil Bachoo, compte mettre de l’ordre dans l’approvisionnement des produits pharmaceutiques. L’objectif est d’éviter que « les maldonnes observées pendant la période de la Covid-19 ne se reproduisent », comme l’achat de médicaments à des prix exorbitants du jour au lendemain ou encore l’acquisition d’équipements ne répondant pas aux spécifications requises et qui n’ont pas pu être utilisés. Cette initiative qui est favorablement accueillie. Nos différents interlocuteurs appellent ainsi à des réformes afin de mettre fin à ces pratiques frauduleuses.

Siddique Khodabocus président de l’association des petits et moyens importateurs des produits pharmaceutiques est catégorique : le système d’appels d’offre des médicaments doit être revu. « On publie uniquement le nom du ‘bidder’, sans mentionner celui du laboratoire. Sans cet élément d’information, il est difficile de déterminer la réputation du laboratoire et la qualité des médicaments qu’il produit », explique-t-il.

Il ajoute que les « international bidders », lorsqu’ils peuvent soumettre leurs offres directement, ouvrent la voie à des pratiques douteuses. Selon lui, il est facile de falsifier des documents, car les évaluations sont basées que sur les documents fournis d’où la nécessité de mettre en place un laboratoire dédié à la vérification de la qualité des médicaments. « Nous devons avoir un organisme de contrôle qui soit également ‘accountable’ », insiste-t-il.

liste de vendeurs agréés

Siddique Khodabocus souligne que de nombreux pays établissent une liste de vendeurs agréés (Pre-qualified vendors) après avoir effectué des vérifications appropriées. Parallèlement, les médicaments doivent également être enregistrés, précise-t-il. « N’importe qui ne peut pas participer à un exercice d’appel d’offres », déclare-t-il. À Madagascar, les produits doivent être préqualifiés pour pouvoir être cotés, affirme-t-il.

Il déplore l’absence de contrôle, qui a permis à des bijoutiers et à des propriétaires de quincailleries d’importer des produits pharmaceutiques durant la pandémie de la Covid-19, alors que cela ne relève pas de leur compétence. « Ce n’est pas logique », insiste-t-il. Pour lui, seuls les grossistes enregistrés auprès du ministère de la Santé devraient être capables de participer aux appels d’offres.

Un pharmacien ayant longtemps évolué dans le domaine de l’approvisionnement en médicaments affirme qu’il n’y a pas de maldonnes flagrantes dans l’exercice de « procurement ». Cependant, il estime que les conditions et les critères de sélection des produits, en particulier des médicaments, doivent être revus. Selon lui, la qualité des médicaments s’est considérablement dégradée ces cinq dernières années. « C’est horrible ce qui s’est passé avec les médicaments anticancéreux ou ceux destinés à traiter les maladies cardiovasculaires, le diabète et l’hypertension », affirme-t-il.

Pour lui, il est primordial que seuls des médicaments brevetés soient utilisés pour traiter les maladies chroniques afin de garantir une meilleure prise en charge. « Ce sont des pathologies où la qualité des médicaments influe directement sur l’efficacité du traitement », ajoute-t-il. Avec environ 20 % de la population souffrant d’hypertension et 20 à 25 % du diabète, cela représente en moyenne 20 à 30 % des Mauriciens qui nécessitent des médicaments de qualité, souligne le pharmacien. De ce fait, il ne devrait pas y avoir de compromis à ce sujet. « Les critères de sélection pour ces médicaments doivent être revus », insiste-t-il.

Siddique Khodabocus avertit également qu’on ne peut pas acheter des médicaments en se basant uniquement sur leur prix (lowest bidder). Il faut vérifier si le produit contient la quantité exacte du principe actif indiqué sur l’étiquette. Il se peut que certains produits contiennent une quantité insuffisante de principes actifs simplement pour réduire les coûts.

« Nous évaluons uniquement sur la base des documents fournis. Cela explique pourquoi certains médicaments n’ont pas les effets escomptés. Cela pourrait être la raison pour laquelle certains patients n’arrivent pas à contrôler correctement leur maladie », s’interroge-t-il. 

« Offrir des médicaments gratuitement ne suffit pas. Il faut aussi comprendre pourquoi de nombreux patients préfèrent les pharmacies privées au service de santé publique gratuit », souligne Siddique Khodabocus. Pour lui, il est impératif de mettre en place de nouvelles normes. Le président de l’association des petits et moyens importateurs de produits pharmaceutiques insiste sur le fait que le service d’approvisionnement en médicaments doit être transparent et comporter des garde-fous pour éviter que des produits douteux n’entrent sur le marché mauricien. Il souligne que les appels d’offres ne doivent pas uniquement passer par l’e-procurement (le système numérique pour la soumission des cotations) mais des enveloppes scellées doivent aussi être déposées au département concerné à des fins de vérification en cas de litige.
 
Nouvelles normes

Alors que le ministre de la Santé envisage de s’assurer qu’il n’y ait pas d’actes de corruption lors de l’exercice d’approvisionnement des médicaments, Siddique Khodabocus ajoute qu’outre une enquête, il faut aussi une prise de conscience concernant les processus d’achat. « Il faut examiner les bénéficiaires des appels d’offres et les critères retenus. De nouvelles normes doivent être instaurées, tant pour la qualité des médicaments que pour garantir qu’il n’y ait pas de maldonne lors des exercices de cotation », explique-t-il. Selon lui, il y a parfois des manipulations visant à favoriser une entreprise au détriment d’une autre. « Le système des appels d’offres doit être revu. N’importe qui ne peut participer à un tel exercice », insiste-t-il. Pour conclure, Siddique Khodabocus appelle à la rédaction d’un « white paper » sur l’approvisionnement en médicaments.

Analyse systématique

Le pharmacien qui a tenu à s’exprimer sous le couvert de l’anonymat ajoute qu’il est inadmissible d’utiliser des méthodes vieilles de 10 ou 15 ans pour approvisionner le pays en médicaments. Il plaide en faveur de l’analyse systématique des médicaments importés à Maurice et distribués dans le service public. Bien qu’un système de pharmacovigilance soit en place, selon lui, médecins et patients ne rapportent pas suffisamment les effets secondaires des médicaments. Pour le pharmacien, le système doit évoluer afin de faciliter ce processus. « Cela est d’autant plus urgent compte tenu de la baisse de qualité de certains médicaments », souligne-t-il. Pour lui; il est impératif que le nouveau ministre de la Santé revoie le fonctionnement du Pharmacy Board.

Le pharmacien estime également que la National Medical and Healthcare Product Regulatory Authority doit être promulguée. Selon lui, il s’agirait d’un véritable « game changer » qui permettrait à Maurice de devenir compétitif sur le marché africain. « Nos lois doivent être harmonisées avec celles en vigueur sur le continent africain, ce qui représenterait un avantage pour le pays », affirme-t-il. Ainsi, les produits pharmaceutiques mauriciens pourraient être commercialisés en Afrique, ajoute-t-il.

Pour Ashwin Dookun, président de la Pharmaceutical Association of Mauritius (PAM), une enquête devrait être menée pour faire la lumière sur les différents appels d’offres effectués durant la pandémie de Covid-19, en particulier en ce qui concerne les « Emergency procurement ». Ceux qui ont approuvé ces appels d’offres doivent venir s’expliquer, insiste-t-il.

« Quand on a besoin de médicaments, même en urgence, il faut faire appel à des personnes déjà dans le domaine pour les obtenir au plus vite et selon les qualités requises. On n’octroie pas des contrats à des proches qui n’ont aucune notion de l’approvisionnement des médicaments », dit-il.

 

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