Kailash Dabeesingh compte dix ans de carrière dans le domaine de l’arbitrage de différends dans le secteur de la construction. Il est le président de la Society of Construction Law (Mauritius) et a récemment prêté serment comme avocat. Rencontre.
C’est un homme à l’apparence sévère que je rencontre à son bureau à Port-Louis. L’escalier et le mobilier en bois font office de décor. Je prends place sur une chaise en bois. Sur la table, un ordinateur portable est entrouvert.
Cela fait dix ans que Me Kailash Dabeesingh pratique le métier d’arbitre de différends. Il en parle : « L’arbitre prend une décision, sous la forme d’une sentence fondée sur les preuves, les faits et la loi. Un arbitre a une fonction similaire à celle d’un tribunal. Il est un juge extraordinaire privé entre les parties. Il est choisi avec le consentement mutuel des parties pour que la décision qu’il prend les lie. La sentence arbitrale qu’il rend a la valeur d’un jugement d’un tribunal. Il ne peut y avoir aucun verdict à la fin d’un arbitrage. Un juge, à l’opposé, est un personnage officiel, imposé aux parties par l’État. » Le ton de notre interlocuteur contraste avec l’apparence stricte du personnage.
Qu’est-ce qui fait un bon arbitre ? « La connaissance de l’objet du différend que l’arbitre est censé résoudre, l’expérience et les compétences sont très certainement nécessaires. Il va sans dire que personne ne choisit un arbitre pour son manque d’expérience. La rapidité et l’efficacité de l’arbitrage seront fortement influencées par l’arbitre, qui reste maître de la procédure. Beaucoup de professionnels du secteur diront que l’arbitrage est aussi bon que l’arbitre lui-même. »
Est-il impératif d’être un avocat pour pratiquer ce métier ? « À l’origine, la notion d’arbitrage comme méthode de résolution des litiges était simple. Le processus arbitral moderne a perdu sa simplicité. Il est devenu plus complexe, plus légaliste, plus institutionnalisé. Les arbitres qui sont des avocats seront capables de déterminer des questions de droit complexes et de démêler des preuves compliquées de faits et d’opinions. Cette double qualification contribue à créer la confiance dans cette méthode de règlement de différends. »
Est-ce un métier qui permet de bien gagner sa vie ? L’avocat explique qu’il n’y a pas suffisamment de disputes pour le garder occupé toute l’année. Il ajoute qu’il pratique généralement deux arbitrages par an.
Comment expliquer cette situation, alors qu’il est question de faire de Maurice un centre d’arbitrage par excellence dans la région ? « Il y a une pénurie de personnes pratiquant l’arbitrage. Autrefois, les juges en fonction pouvaient pratiquer des arbitrages privés hors du circuit de la cour. Maintenant, cette pratique a cessé. »
À sa connaissance, il est un des deux seuls arbitres agréés reconnus à Maurice dans le domaine de la construction, qui est sa spécialité. Pourquoi la construction ? « La majorité des disputes se trouvent dans le secteur de la construction », dit-il. Toutefois, il explique que l’arbitrage étant de nature confidentielle entre les parties et l’arbitre, il lui est difficile de mettre un chiffre sur ses propos. Il ne peut que parler de son expérience.
Il entrevoit un bel avenir pour l’arbitrage dans le secteur de la construction. Cela, eu égard aux grands projets de construction qui se profilent, à l’instar du projet de Metro Express. « Les projets de construction deviennent de plus en plus complexes. C’est un terrain fertile pour les disputes. Plus il y a de parties concernées, plus grande est la probabilité de conflits. Je vous cite un exemple complexe que j’ai été appelé à arbitrer. C’est le projet de réaménagement de l’aéroport SSR. L’entrepreneur était chinois, le consultant américain et la conception fut confiée à des Français. Heureusement, on a pu résoudre toutes les disputes qui sont survenues. »
Quel avenir pour l’arbitrage ? « Il n’est pas exagéré de dire que le marché d’avocats est saturé. Une façon de diversifier, c’est de sensibiliser les jeunes à l’arbitrage. À la différence d’un procès formel, qui peut souvent mettre des années à aboutir, avec les parties qui risquent de s’enliser dans des appels en cour, l’arbitrage se veut plus rapide et moins coûteux. »
Mais que dire du manque de transparence des arbitrages, du point de vue du public ? Me Kailash Dabeesingh explique que la nature de l’arbitrage étant privée, toute divulgation d’information ne peut se faire qu’avec le consentement des parties. Toutefois, des aspects de l’arbitrage peuvent être rendus publics, lorsqu’il y a une contestation après la procédure.
Les arbitres opèrent sous la supervision de la Cour suprême. Il ajoute qu’un arbitre doit veiller à sa réputation avant tout. « J’agis avec rigueur, car je ne veux pas que demain la Cour suprême jette la sentence arbitrale que j’ai rendue à la poubelle. »
Parcours
Né dans le Ward 4 à Port-Louis, Kailash Dabeesingh fait ses études primaires à l’école primaire Raoul-Rivet. Il étudie ensuite au collège John-Kennedy. Il commence sa carrière en tant qu’ingénieur civil après des études à l’université de Maurice. Il étudie ensuite l’architecture à la Bartlett School of Architecture de l’University College of London. Il a également étudié l’arbitrage international au Keble College de l’université d’Oxford et a obtenu un diplôme en arbitrage commercial international. Il a étudié le droit au Royaume-Uni et a été admis au barreau en Angleterre et récemment à Maurice.
Expérience
Me Kailash Dabeesingh est le président de la Society of Construction Law (Mauritius). Il a agi en tant qu’arbitre dans le Dispute Adjudication Board pour aider l’industrie de la construction à régler certains différends. Il a notamment arbitré des différends lors de la construction et le réaménagement de l’hôpital A.-G. Jeetoo, lors des travaux à l’aéroport de Plaisance et aussi lors de ceux portant sur la construction de la prison de Melrose.
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