Interview

Me Juneid Kodabux : «La lutte contre le blanchiment d’argent doit être constante»

Me Juneid Kodabux 

Le blanchiment d’argent est le mal de l’économie d’un pays, soutient l’avocat Juneid Kodabux. L’homme de loi dit que cela peut avoir des conséquences néfastes sur notre société. Et d’ajouter que nos lois permettent de saisir les biens mal acquis et de les récupérer.

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Qu’est-ce que le blanchiment d’argent ?
Le blanchiment est le processus qui permet de donner une légitimité apparente à des fonds illicites. C’est le procédé à travers lequel les criminels cachent la provenance des gains générés par des activités criminelles telles que la fraude ou le trafic de drogue. Ils cherchent à se procurer une couverture légitime pour la source de leurs revenus et biens illicites en les investissant dans des activités légales ou en se procurant des biens immobiliers ou des produits de luxe.

La Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act 2002 (FIAMLA) prévoit que toute personne qui s’engage dans des transactions qui impliquent des fonds ou des biens de quelque nature que ce soit qui, en tout ou en partie, représentent directement ou indirectement des gains générés par un crime, commet un délit de blanchiment. Le délit s’étend aussi à toute personne qui reçoit, possède, cache, dissimule, transfère, convertit, retire du ou apporte au pays tout bien qui représente, en tout ou en partie, directement ou indirectement, des gains générés par un crime.

Quels sont les moyens utilisés ?
Le blanchiment d’argent se fait généralement en trois étapes. Il y a la première phase de placement, à l’occasion de laquelle les fonds d’origine criminelle sont introduits dans le système financier. Par exemple, les malfrats vont avoir recours à de nombreuses personnes qui auront la tâche d’aller déposer des sommes en espèces dans divers comptes bancaires.

Ensuite vient la deuxième phase d’empilement, durant laquelle on accumule de nombreuses transactions pour réduire la traçabilité des fonds. Les blanchisseurs achètent et paient en espèces des biens de grande valeur tels que des automobiles, des bateaux ou certains biens de luxe. Aussi, ils se distanceront de ces biens en les enregistrant au nom de prête-noms. Ils achètent des commerces qui génèrent beaucoup de recettes brutes en espèces (bars, boîtes de nuit, etc.).

La phase finale vise à intégrer les fonds dans des activités légales variées. Les blanchisseurs réintroduisent des sommes dans l’économie après leur avoir donné une certaine légitimité.

«Le blanchiment d’argent peut aussi nuire à l’image de Maurice comme centre financier international de premier plan.» 

Quelles en sont les conséquences sur notre société et  notre économie ?
L’argent sale pollue l’économie. Le blanchiment d’argent peut avoir des conséquences lourdes d’un point de vue socio-économique. Il nuit au développement de l’économie.

Il est difficile pour les activités légitimes de concurrencer celles mises en place par les blanchisseurs qui fournissent des produits évalués en dessous du coût de la production réelle.

Le blanchiment d’argent réduit également les recettes fiscales car il devient difficile pour les autorités fiscales de collecter des revenus provenant des transactions de blanchiment.

Les effets sur la société peuvent être néfastes. À mesure que l’argent sale, généré par les activités criminelles, est blanchi en fonds légitimes, ces fonds sont utilisés pour étendre les opérations criminelles existantes et en financer de nouvelles.Par exemple, le blanchiment peut permettre à un trafiquant d’importer de nouvelles cargaisons de drogue.

Le blanchiment d’argent peut nuire non seulement aux institutions financières impliquées dans des transactions de blanchiment mais aussi à l’image de Maurice comme centre financier international de premier plan.Cela peut entraîner une perte de confiance de la part des investisseurs étrangers.

Comment Maurice combat-il ce fléau ?
Maurice a mis en place une armada de textes de lois depuis le début des années 2000 pour lutter contre le blanchiment d’argent. Le FIAMLA est la législation principale concernant le blanchiment. En sus des délits spécifiques de blanchiment, le FIAMLA prévoit qu’on ne peut faire ou accepter des paiements en espèces de plus Rs 500 000 ou l’équivalent en devise.

Il y a une obligation légale sur les banques, les institutions financières, les cash dealers et certains corps de métiers (comptables, auditeurs, avocats, avoués, notaires, gérants de casinos ou de maisons de jeux, bijoutiers, agents immobiliers) de s’assurer qu’ils ont pris les mesures adéquates afin qu’ils ou leurs services ne soient pas utilisés pour commettre ou faciliter le blanchiment d’argent.

Ils ont aussi l’obligation de rapporter dans un délai de 15 jours toute transaction suspecte. C’est-à-dire une transaction qui peut inclure des fonds émanant d’activités criminelles. Celles qui sont faites dans des circonstances inhabituelles ou injustifiées, et qui semblent n’avoir aucune justification économique.

La Banque de Maurice (BoM) et la Financial Services Commission (FSC), qui sont les entités régulatrices des banques et des institutions financières non-bancaires respectivement ont chacune émis des codes contre le blanchiment d’argent et les entités auxquelles elles ont octroyé des licences doivent respecter strictement ces mesures de lutte anti-blanchiment.Maurice aussi adhère généralement aux normes internationales en matière de lutte anti-blanchiment, notamment ceux du Financial Action Task Force.

Est-il possible de récupérer l’argent blanchi. Comment et qu’advient-il de cet argent ?
Tous les biens qui appartiennent ou sont en possession d’une personne qui a été condamnée pour un délit de blanchiment d’argent seront considérés comme étant dérivés d’activités criminelles.

La Cour peut, en plus de la peine imposée, ordonner la saisie des biens. Des actions peuvent également être entreprises par l’Asset Recovery Unit (ARU) en relation avec ces biens qui seront en cas de recouvrement reversés sous le Recovered Assets Fund (RAF)

Qu’encourt une personne jugée coupable de blanchiment d’argent ?
Si une personne est poursuivie et jugée coupable d’un délit de blanchiment, elle encourt une peine d’emprisonnement n’excédant pas 10 ans et une amende n’excédant pas deux millions de roupies (Rs 2 000 000).

Pensez-vous que nos lois sont assez dissuasives pour combattre le délit de blanchiment ?
La lutte contre le blanchiment doit être constante et soutenue. Nous avons le cadre requis sous les lois existantes pour combattre le blanchiment mais il y a lieu de fine-tune certaines dispositions.

 

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