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Marek Ahnee: pour l’amour d’une langue

Marek Ahnee
Fasciné par les langues orientales, le fils de Gilbert et Christine Ahnee est allé jusqu’en France pour étudier la langue tamoule. Avec son ami Kavinien Karupudayyan, il vient de traduire les poèmes de la littérature classique tamoule (Le paysage intérieur — Psaumes tamouls), ouvrage publié par les éditions de L’Atelier d’écriture. Le jeune homme continue chaque jour à découvrir les beautés de cette langue. Étudiant-chercheur en histoire culturelle des mondes indiens, avec une formation en anthropologie et histoire des religions, Marek Ahnee, fils de Gilbert et Christine Ahnee, s’intéresse énormément aux langues et à l’histoire des cultures et des idées. À Maurice, le temps d’un lancement de livre, le jeune voue une passion inconditionnelle pour la littérature. Il vient de lancer « Le paysage intérieur » avec Kavinien Karypudayyan, son ami.
« Ma première passion est avant tout la littérature, ou plutôt les littératures. Ce sont elles qui m’ont toujours guidé dans mon parcours universitaire aussi bien que personnel », raconte Marek Ahnee, qui a fait ses études d’anthropologie et d’histoire des religions au Canada, où il a obtenu sa licence et une maîtrise. Actuellement, il est à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), où il apprend le tamoul. Soif d’apprendre, il compte aussi faire un doctorat par la suite. « Ce qui m’intéresse, c’est l’imaginaire des sociétés à travers la littérature, le cinéma ou même la vie de tous les jours. Je voudrais aussi être traducteur. La fiction et la poésie sont aussi des activités de cœur. Je faisais partie des sociétés littéraires de l’université McGill et je suis aussi membre de L’Atelier d’écriture de Barlen Pyamootoo depuis un an. Il m’a d’ailleurs encouragé à publier quelques-uns de mes textes », ajoute-t-il.

Parcours de 2007 à 2016

  • 2007: l’écriture et la mise en scène de la pièce « Zadig » au théâtre de Port-Louis, avec les élèves du Lycée des Mascareignes.
  • 2009: bac avec Félicitations du Jury, Lycée des Mascareignes.
  • 2009-2014: les études d’anthropologie et d’histoire des religions à McGill, à Montréal.
  • 2014: la publication d’une nouvelle dans l’anthologie  « When Young Dodos Meet Young Dragons ».
  • 2015: lancement du livre « Le paysage intérieur ».
  • 2016: à paraître : une publication d’une série de poèmes dans la deuxième édition de « When Young Dodos Meet Young Dragons ».

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Une enfance marquée

Ce parcours et ses intérêts, c’est dû à son enfance. « C’était une enfance marquée par le rêve dû à la ville magique qu’est Rose-Hill, où j’ai grandi. Il y avait aussi les pièces du Plaza, les samedis matins au Centre Charles Baudelaire, les parfums du bazar, de Notre-Dame de Lourdes. Que des lieux remplis d’un mystère onirique qui ont jalonné mon enfance. Et puis, bien sûr, il y a mes parents, Gilbert et Christine. Mon père m’emmenait aux meetings et dans ses virées de journaliste, et ma mère n’a jamais cessé d’attiser ma curiosité littéraire. La liste est longue : Garcia Marquez, Albert Cohen, Italo Calvino… Il y aussi l’influence de ma grand-mère et de ma nounou Chris, deux femmes pieuses qui ont marqué mon enfance. La première me lisait des psaumes, la deuxième me chantait des hymnes », remémore Marek avec nostalgie. Il souligne d’ailleurs que c’est à ce moment-là qu’il a eu cette fascination pour le monde religieux. « Une enfance à écouter plusieurs langues, surtout j’ai été encouragé par mes parents à tendre l’oreille. Je me rappelle regardant le Ramayana de Ramanand Sagar à la télévision et être pris d’un désir de comprendre, parce que l’histoire n’avait rien de mystérieux, c’était une légende d’aventure, rien d’étranger. J’ai toujours été pétri par le monde indien. Rien d’orientaliste, parce qu’ayant grandi à Maurice, tout cela fait partie de moi, le nier, c’est donner raison au communalisme », avoue-t-il.

Vivre un rêve

Et lorsqu’il est arrivé à l’université McGill au Canada et qu’il a fallu choisir un terrain, cela ne pouvait être que l’Inde. J’étais conscient de la différence entre l’Inde et Maurice. Je voulais découvrir plus. Ensuite, je suis arrivé à Delhi où je suis resté pendant quatre mois pour apprendre l’hindi en 2013. J’avais l’impression d’être immergé dans un film, confronté au « Jagaad » de la vie quotidienne nord-indienne, me rappelant celle de Maurice », rajoute Marek Ahnee. Et l’aventure a continué pour ce jeune homme qui est ensuite allé à Chennai. « Là, j’avais l’impression d’être vraiment chez moi. On dit du tamoul qu’il est une berceuse. D’une certaine manière, j’étais renvoyé au plus profond de mon être dans le monde tropical du Tamil Nadu. En prenant le bus de Chennai à Pondicherry, je voyais la côte du Coromandel défiler, avec ses cocotiers, ses palmiers, ses églises, ses temples et ses mosquées. C’était voir Maurice étaler sur des kilomètres de tous les côtés. Maurice dans toute sa beauté, mais sans sa malédiction : sa petitesse ». Et au loin, invisibles, Bangalore, le Punjab, l’Afghanistan… C’était un sentiment merveilleux pour le jeune homme qui vivait un rêve. « Je me passionne aujourd’hui pour l’histoire littéraire et religieuse tamoules, que l’on connaît bien moins. C’est un monde coloré, imagé et plein de gouaille. C’est cet univers que Kavinien et moi avons voulu faire découvrir à travers les poèmes du Paysage intérieur », souligne Marek Ahnee. Avec la traduction, les frontières sont abolies, selon le jeune homme.

Richesse littéraire

Pour ce qui est des langues à Maurice, Marek Ahnee pense qu’il est indispensable d’apprendre des langues qu’on n’aurait jamais pensé à apprendre. « À Maurice, on est un laboratoire parfait pour apprendre des langues, mais on est complètement déphasé. Il y a quelque temps, il a été dit dans une conférence que seul un créole peut enseigner le kreol. Ainsi, seul un hindou peut enseigner le hindi, un télégou, le télégou, entre autres. C’est catastrophique de ne voir l’enrichissement linguistique qu’à travers l’ancestralité ou la religion », estime ce spécialiste de la langue. À Maurice, le lancement du livre « Le paysage intérieur » n’est qu’un début. « Kavinien et moi espérons aussi traduire les classiques de la littérature tamoule mauricienne, tel le Nallatangakattai ou le Kattavarayenkattai, parce qu’il y a une richesse littéraire immense à Maurice, enfouie et méconnue parce que liée à la tradition orale. » Avec des magnétos et encore plus de lecture, l’aventure continue.
 

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