Interview

Mardayah Kona Yerukunondu : «Un meilleur environnement d’affaires est nécessaire»

Mardayah Kona Yerukunondu

Dans son premier entretien depuis sa nomination au poste d’Ombudsperson for Financial Services, Mardayah Kona Yerukunondu fait le point sur son rôle, un condensé de ses interactions avec les institutions financières commerciales du pays. Ce n’est que le début d’un vaste chantier.

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Où commence et où se termine le rôle d’Ombudsperson for Financial Services ?
Mon rôle et le champ d’action de mon bureau sont déterminés par la loi-cadre, l’Ombudsperson for Financial Services Act. Ma tâche est   de jauger les griefs des consommateurs envers les assurances, banques, sociétés de courtage, la Bourse de Maurice et toute autre institution tombant sous ma juridiction. La création de ce bureau a été motivé par le fait qu’il y a beaucoup de plaintes des clients envers les prestataires de services bancaires, d’assurances et autres. Je pense que le législateur a pensé que ce serait mieux d’avoir un Ombudsperson, comme c’est le cas ailleurs. Maurice se met donc au diapason de ce qui se fait dans les juridictions financières respectées.

Vous conviendrez que cette position est sujette à critiques parce que vous opérez dans un secteur ayant beaucoup de prestataires, incluant des opérateurs de l’État. Est-ce que vous garantissez que les actions de votre bureau se dérouleront en toute indépendance ?
La loi est claire. Mon bureau agira en toute indépendance. J’ai été nommé par le président de la République, sur recommandation du Premier ministre, qui garantit cette indépendance. Pour votre information, je n’ai jamais rencontré le Premier ministre ou n’ai-je abordé avec lui les attributions de ce bureau.

Pour vous dire, tout a commencé par un appel d’un haut cadre de la Fonction publique qui m’a demandé si je suis intéressé par ce poste. Je lui ai répondu par l’affirmative. À sa demande, je lui ai envoyé mon CV. J’ai appris ma nomination dans la presse. J’ai reçu ma lettre signée par la présidence par la suite.

Ma rencontre avec le chef du gouvernement remonte à quelques jours, le temps d’une visite de courtoisie.

Vous affirmez être indépendant. Et pourtant, vous êtes dans le même bâtiment et au même étage que le ministère des Services financiers. Est-ce là une étrange coïncidence ?
Mon bureau est indépendant sous la loi. J’entends conserver cette indépendance. D’ailleurs, le bureau sera transféré dans un autre endroit qui sera aussi plus accessible au grand public.

Comment s’est passé la prise de contact avec les banques et assurances?
J’ai eu une rencontre avec toutes les Chief Executive Officers des banques, de la Mauritius Bankers Association (MBA), des compagnies d’assurances de même que le secrétaire de l’Insurers’ Association of Mauritius. Mon message à leur intention a été claire. Ça ne peut plus être du « business as usual. »

Est-ce que ce message a été relayé?
Je crois qu’ils l’ont bien compris.  Avec la collaboration de Ravin Dajee, le précédent président de la MBA, nous avons pu résoudre le cas où les commerçants passaient aux clients la commission prélevée quand ces derniers effectuent des paiements par carte. Les commerçants ont saisi le message. En cas de récidive, ils risquaient de perdre leur Point of Sales.

Un exercice de communication a été effectué pour véhiculer ce message. Ce problème est maintenant résolu. Je remercie Ravin Dajee pour son soutien.

Faisons un bilan chiffré. Combien de plaintes votre bureau a été appelé à traiter pendant la période de mars à mai ?
Au cours de ces trois mois, nous avons reçu 304 cas qui se déclinent comme suit : (i) 69 émanant de la Banque de Maurice, (ii) 75 venant de la Financial Services Commission et (iii) 160 plaintes directement du public. En moyenne quotidienne, nous recevons 10 cas et une quinzaine d’appels téléphoniques des Mauriciens. Chaque jour, nous avons des interactions avec le public qui vient nous solliciter.

Il existe une guéguerre entre les compagnies d’assurances.»

Qu’en est-il du nombre de cas ayant abouti ?
De ces 304 plaintes traitées, 115 ont déjà été résolues. Nous avons eu une trentaine de réunions de médiation entre les clients et les institutions financières. À titre d’exemple, notre équipe a réussi, avec le bon vouloir d’une banque, à stopper la saisie de la maison d’une personne n’étant pas en mesure de travailler, ayant perdu l’usage d’une main.

Au vu de ces cas, quelle est votre analyse ? Y-a-t-il des abus ? Est-ce que le Mauricien connaît ses droits ?
C’est un fait qu’une meilleure éducation financière serait d’un apport considérable pour les Mauriciens. En contrepartie, que ce soit les banques et assurances, elles doivent œuvrer davantage pour un meilleur environnement d’affaires.

Vous faites mention d’un meilleur environnement. N’est-il pas déjà le cas ? Les banques et assurances ne sont-elles pas tenues à adhérer à un code ?
Chaque catégorie d’institutions financières dispose d’un code. N’empêche que ce code ne les engage pas. J’ai demandé à ce que tel soit la norme dans un proche avenir. Ce faisant, le code aura un effet juridique. Elles seront tenues de suivre le code. Dans le concret, de simples réajustements suffisent pour faciliter la vie des clients. Par exemple, on pourrait réduire le temps d’attente dans une succursale. Il suffirait d’avoir davantage de guichets opérationnels pendantles heures et jours de pointe. Entre autres, nous serons appelés à travailler avec les banques sur le quantum des frais et commissions pour les services offerts.

Et quid des assurances ?
À mon avis, c’est le secteur où il existe davantage de problèmes, tant le niveau de services varie d’une institution à l’autre. Les paiements dans les cas d’accidents se font en retard. Les procédures ne sont pas claires. Il existe une guéguerre entre les compagnies d’assurances. J’attends à ce que le code pour les assurances soit finalisé. J’en prendrais connaissance. J’agirai en conséquence.

Quelle serait la finalité de toutes ces décisions ? Votre bureau consoliderait-il sa position de chien de garde à une industrie essentielle pour l’économie mauricienne ?
Nous sommes au-devant d’un vaste chantier. Au final, la clientèle des compagnies d’assurances et des banques devrait s’apercevoir d’un changement positif dans les services offerts par les institutions financières tombant sous la juridiction de l’Ombudsperson for Financial Services Act. Nous devons tous œuvrer pour que le rapport de force entre les clients, les banques et les assurances soit plus équilibré, ce dans l’intérêt de tous.

Portrait-minute

34 ans au service de la Banque centrale

Avocat de profession et âgé de 62 ans, Mardayah Kona Yerukunondu compte 34 années de bons et loyaux services à la Banque de Maurice. Avant sa retraite en 2013, il occupait le poste de Head of Legal Services. Il compte également quelques années au barreau. Marié, il est père de deux fils.

 

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