Un mari qui asphyxie sa femme, un autre qui étrangle son épouse avant de se donner la mort et un jeune qui tue sa grand-mère. Qu'est-ce qui pourrait mener à une telle situation ? Mahensingh Deonaran, psychologue spécialisé en ‘Forensic Science’ et Chargé de cours à l’université de Middlesex Mauritius, décrit les différents facteurs.
Ces derniers temps, il y a une recrudescence des cas de crimes atroces. À quoi peut-on attribuer cette tendance ?
Il n'y a pas d'explication universellement acceptée quant aux raisons pour lesquelles les gens commettent des crimes. Pour la simple et bonne raison que les déterminants sont multifactoriels et donc englobent un large éventail de facteurs individuels, interpersonnels et intrapersonnels. Les différents facteurs à prendre en considération sont les prédispositions génétiques, la personnalité, l’intelligence, l’état mental, les facteurs de développement de l’enfance, les facteurs environnementaux tels que le dysfonctionnement familial, la participation de la famille, la scolarisation, les groupes d’influence et les médias.
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La violence domestique est devenue un problème alarmant. Avez-vous une explication ?
Selon les recherches, les hommes et les femmes qui ont recours à la violence conjugale ont des facteurs de risque communs au niveau individuel, tels que les troubles de la personnalité, des antécédents de violence ou de maltraitance dans l'enfance et la toxicomanie. Les autres facteurs menant à ce type de violence incluent des difficultés financières, la grossesse, une jalousie morbide, un comportement dominant, une rupture de couple, des menaces, des abus sexuels, certains traits de personnalité tels que la méfiance et un faible contrôle des impulsions.
Comment peut-on endiguer la violence domestique ?
Cela dépend des antécédents de violence domestique. Si la violence découle de croyances patriarcales, l'éducation peut être utilisée pour socialiser les hommes sur le lien qui existe entre leur comportement agressif et leur croyance dans la différence des genres. En outre, pour les deux sexes, c’est important d’avoir une compréhension psychologique par le biais d'une évaluation. Les évaluations psychologiques doivent chercher à comprendre le point de vue de l'auteur de la violence domestique. En effet, plusieurs outils d’évaluation des risques ont été mis en place, par exemple le Spousal Assault Risk Assessment (SARA). Une fois que les cas de violence domestique ont été identifiés, un modèle d’intervention pourrait également être mis en place à Maurice par des professionnels dans les organismes concernés. Les interventions psychologiques pourraient mettre l'accent sur le développement de la conscience de soi, d'un meilleur contrôle des impulsions, de la résolution de problèmes, de la capacité de raisonnement, de la maîtrise de la colère et de la promotion du comportement pro social. De même, les détenus ayant des antécédents de violence domestique pourraient être encouragés à entreprendre des programmes de travail en groupe ou des interventions psychologiques visant à remettre en question leurs attitudes contribuant à leurs actes de violence.
Je ne suis pas entièrement convaincu que l’introduction de la peine capitale entraînera un changement radical"
Mais la violence est aussi présente parmi les enfants. Il y a plusieurs cas de harcèlement chez les adolescents. Comment y remédier ?
Nous pouvons envisager d’élaborer des programmes afin de lutter contre le harcèlement. Par exemple, KiVa est un programme de lutte contre l’intimidation le plus utilisé au monde. Le programme a été initié par le gouvernement finlandais en 2006. Le programme comprend des leçons structurées couvrant des sujets tels que les types de harcèlement et leurs conséquences, le respect des autres, le travail en équipe, la compréhension des émotions et la pression des pairs. Ce programme peut être animé en petits groupes en utilisant des petites vidéos, des jeux de rôle, des devoirs écrits et activités en classe. À travers ce programme, les parents ainsi que les enseignants auront des conseils détaillés afin de faire face à des actes d'intimidation.
Notre pays se développe à grands pas. Quels pourraient être les autres défis à relever ?
L’augmentation exponentielle de l’abus de drogues entraînera une augmentation proportionnelle du nombre de personnes vivant et recevant un traitement pour des épisodes psychotiques induits par la drogue. Avec la croissance économique du pays et la demande de travail, nous allons faire face à une incidence accrue de maladies liées au stress et à la dépression. Parallèlement à nos avancées technologiques, on peut également être confronté à une augmentation de la cybercriminalité.
Pour accroître la sécurité du public, le gouvernement a lancé le projet Safe City. Est-ce que ces caméras vont impacter sur la criminalité ?
Ce projet est une bonne initiative, mais la surveillance, à elle seule, n’aidera pas à réduire les crimes. Au contraire, une surveillance excessive peut engendrer d'autres problèmes. L’expansion continue d’une société de surveillance favorisera l’apparition de nouvelles normes sociales dans lesquelles la perspective de faire l’objet d’une surveillance deviendra normale. Il convient de se demander si les membres du public voudront vivre dans un État avec la vidéosurveillance et d’autres modes de surveillance qui se cachent dans tous les coins. La solution réside peut-être dans l’introduction d’un plus large éventail de mesures et d’initiatives, telles que des programmes de surveillance dans les quartiers ou une surveillance accrue dans les régions où la criminalité est plus répandue.
Avec tant de crimes et violence, le débat sur l'introduction de la peine de mort revient toujours sur le tapis. Est-ce une solution ?
Il s’agit bien d’une question litigieuse qui suscite de nombreuses questions d’éthiques. Je ne suis pas entièrement convaincu que l’introduction de la peine capitale entraînera un changement radical. Même si je pense que la prévention est primordiale, je suis d’avis que Maurice devrait consacrer ses ressources au développement et à la mise en place de mesures proactives visant à promouvoir des attitudes morales, altruistes et pro sociales chez nos jeunes.
Est-ce que l'enregistrement de l'interrogatoire des suspects doit être obligatoire ?
L'enregistrement des interrogatoires permet d’avoir une plus grande transparence. L'enregistrement pourrait protéger les policiers contre des allégations les accusant d’avoir eu recours à la manipulation ou à la force pour obtenir des aveux. En ce qui concerne le suspect, les recherches suggèrent que certaines personnes pourraient être psychologiquement vulnérables lors des interrogatoires en raison de leurs expériences. Cette sensibilité peut contribuer à donner des fausses déclarations ou à faire de faux aveux. Donc, les enregistrements peuvent aider les enquêteurs à interpréter les enregistrements eux-mêmes avant ou pendant le procès.
Les procédures pénales prennent du temps à Maurice. Quels sont leurs effets sur les accusés et les victimes ?
La manière dont l'accusé gère la situation varie d'une personne à l'autre en fonction de la situation. Pour les délinquants primaires ou les jeunes contrevenants, cela peut être une expérience décourageante, une source d’anxiété, pleine d’incertitude et de stress. À l'inverse, d'autres personnes plus habituées aux procès peuvent ne pas l'être autant. Dans le cas des victimes, elles peuvent se retrouver entre différents états émotionnels. Immédiatement après le crime, ils peuvent éprouver un sentiment de colère, puis éprouver de l’anxiété au cours du procès. Pendant le procès, il y aura de la colère, de l'anxiété, de l'incrédulité, du soulagement ou d'émotions mixtes.
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