
Alors que les municipales de 2025 – les premières depuis une décennie – ont été marquées par une forte abstention, une jeunesse mauricienne engagée fait entendre sa voix. À Le Dimanche/L’Hebdo, Émilie Soogund, Nawsheen Sakhabuth et Marwan Javed racontent leur envie de réveiller la démocratie locale.
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Émilie Soogund : « Nous avons une voix, utilisons-la »
Émilie Soogund fait partie de cette nouvelle génération de jeunes Mauriciens qui croient dur comme fer en la force du vote. En 2025, elle a glissé son tout premier bulletin dans l’urne, à l’occasion des élections municipales – un geste à la fois symbolique, personnel et profondément politique. Elle revient sur cette expérience forte pour Le Dimanche/L’Hebdo.
Le déclic, elle l’a eu dès les premières lueurs de la campagne. « Cela faisait dix ans qu’on n’avait pas eu d’élections municipales. Dix ans de silence démocratique au niveau local. Alors, dès que l’annonce a été faite, j’ai su : cette fois, j’y vais ! » raconte-t-elle avec détermination.
Non inscrite sur la liste électorale, elle n’a pas attendu que les choses se fassent d’elles-mêmes : elle a pris sa plume pour écrire au bureau du commissaire électoral et demander la réouverture des inscriptions. « Quand cela a été fait, je me suis dit : peu importe si c’était grâce à moi ou non, j’allais voter. »
Pour Émilie, être électrice, ce n’est pas qu’une formalité. C’est un acte fort. « C’est une reconnaissance. Une manière de dire : To ena to plas dan sa pei-la, to lavwa konte. » Un credo qui résonne avec sa mission de vie : « Que chacun trouve sa place dans ce pays. » Ce premier vote marquait ainsi un pas vers cet idéal.
Le jour du scrutin, malgré un emploi du temps chargé et le fait qu’elle ne votait même pas dans son propre Ward, il n’était pas question de rater ce rendez-vous. « C’était non négociable », affirme-t-elle. Dans l’isoloir, face au bulletin, aux noms, aux symboles – et même à des amis parmi les candidats – une vague de fierté l’a submergée.
« C’était un moment intense. Je me suis dit : ‘Now is the time to do what you preach’, Émilie. À toi de montrer l’exemple. »
Mais ce geste portait une signification encore plus intime : « Je suis la première de ma famille, depuis trois générations, à voter. Ni mes parents, ni mes grands-parents ne l’ont jamais fait. Alors oui, ce jour-là, je portais bien plus qu’un bout de papier : je portais une promesse. Celle d’être le changement que je veux voir. »
À ceux qui ont boudé les urnes, Émilie lance un message sans détour : « Si vous ne votez pas, ne vous plaignez pas. Des femmes et des hommes se sont battus pour ce droit. » Elle rend hommage à ces figures féminines qui ont tracé le chemin : Anjalay Coopen, Basantee Bissoondoyal, Sarojini Jugnauth, Santoshi Gokhool… « Grâce à leur courage, nous avons aujourd’hui une voix. À nous de l’utiliser. »
Après une décennie de pause démocratique, voter en 2025 était, pour elle, bien plus qu’un devoir : un véritable acte de résistance. « Un rappel qu’on ne peut pas suspendre la démocratie », insiste-t-elle. Convaincue de la force de chaque voix, elle ajoute avec conviction : « Les élections se jouent parfois à un seul vote près. Comme je le dis toujours : la politique, c’est comme les mathématiques, chaque chiffre compte. »
À travers son engagement, Émilie Soogund incarne l’espoir d’une jeunesse qui refuse de se taire. Son vote, nourri de fierté et de responsabilité, résonne comme un appel clair à toutes les générations : la démocratie appartient à ceux qui osent la faire vivre.
Nawsheen Sakhabuth : « Je ne voulais pas rester spectatrice »
À Phoenix, dans le quartier de Palmerstone, Sakhabuth Nawsheen, membre de Nouveaux Démocrates, partenaire de l’Alliance du Changement, a vécu son premier vote comme une expérience vibrante, mêlant émotion et détermination. Pour cette jeune femme engagée de 29 ans, glisser son bulletin dans l’urne n’était pas qu’un geste : c’était un acte de foi en un avenir meilleur pour sa ville.
« J’ai ressenti un immense plaisir à aller voter aux élections municipales. C’était la première fois, et pour moi, c’était essentiel », confie Nawsheen à Le Dimanche/L’Hebdo. « Je l’ai fait pour un grand changement, pour un nettoyage en profondeur de notre ville. L’ambiance sur le terrain était incroyable, pleine d’énergie et d’espoir. » Cette effervescence, elle l’a vécue au cœur des discussions avec ses voisins, dans une communion collective portée par l’envie de renouveau.
Pour Nawsheen, voter va bien au-delà d’un simple droit civique. « Je suis convaincue que voter n’est pas seulement un droit : c’est une responsabilité », affirme-t-elle avec conviction. Refusant de rester en marge, elle a choisi de s’impliquer pleinement : « Je ne voulais pas rester spectatrice. Je voulais être actrice de ce changement que nous appelons tous de nos vœux. » Son engagement reflète une vision claire pour Maurice : « Nous avons un pays magnifique, et il faut le remettre entre les mains de personnes capables de le valoriser et de le protéger. »
Mais la jeune femme ne se contente pas de célébrer son propre geste. Elle adresse un message direct à ceux qui ont choisi l’abstention : « J’ai un message pour tous ceux qui ne sont pas allés voter : vous avez manqué une occasion importante. On ne peut pas se plaindre si on ne participe pas. »
Pour elle, le vote est une porte ouverte vers l’avenir : « Aller voter, c’est contribuer à dessiner l’avenir de notre ville, de notre quartier, de notre pays. Chacun a un rôle à jouer, et chaque voix compte. »
À Palmerstone, comme dans le reste de Phoenix, l’engagement de Nawsheen résonne comme un appel à l’action. D’ailleurs, pour elle, ce premier vote n’est que le début. En choisissant de s’impliquer, elle a posé les bases d’un changement qu’elle compte bien voir s’épanouir, scrutin après scrutin, pour faire de sa ville un modèle de justice et de responsabilité.
Marwan Javed : « Voter, c’est aussi pouvoir demander des comptes »
Pour Marwan Javed, le droit de vote ne se limite pas à un simple passage dans l’isoloir. Lors des élections municipales, ce résident de Beau-Bassin/Rose-Hill a posé un acte fort, mû par un sentiment d’urgence après une décennie d’absence de démocratie locale. Pour lui, voter, c’était beaucoup plus qu’un devoir citoyen : c’était le premier pas vers une ville plus équitable, plus responsable.
« J’avais le choix : aller voter ou rester chez moi. Il fallait, à un moment, trancher entre l’indifférence et l’action », confie-t-il avec calme, mais détermination. Rester spectateur ? Inimaginable. « Soit je restais spectateur, cautionnant silencieusement la mise à mort de la démocratie régionale depuis dix ans ; soit je sortais de chez moi pour faire entendre ma voix, pour participer à rendre ma ville meilleure en choisissant ceux qui nous représenteront au sein du conseil municipal. J’ai choisi de voter. »
Un choix pesé, mûri, loin d’un simple réflexe électoral. « Ce n’était pas une décision impulsive, c’était un choix réfléchi », souligne Marwan. Car derrière chaque nom sur le bulletin, il voit plus qu’une étiquette politique : il voit des personnes enracinées dans sa communauté. « Ce sont des gens du quartier, des visages familiers, des personnes qui connaissent la réalité de notre quotidien, qui comprennent les besoins réels de nos rues, de nos enfants, de nos espaces publics. » Voter, pour lui, c’est leur confier la mission – et la responsabilité – d’agir concrètement au service des habitants.
Mais au-delà du droit, c’est une question de conscience. Marwan parle de devoir civique avec une ferveur tranquille : « En allant voter, j’ai affirmé ma volonté d’être acteur de ce changement. Et surtout, j’ai posé un acte qui me permettra demain de les interpeller, de leur demander des comptes. » Et il insiste, le regard droit : « Si je n’avais pas voté, je n’aurais pas eu, moralement, la légitimité pour les questionner. Le vote, ce n’est pas seulement un droit civique dont je suis fier. C’est aussi un devoir civique que je suis tout aussi fier d’avoir accompli. »
Le jour du scrutin, en glissant son bulletin dans l’urne, Marwan a ressenti un profond sentiment d’accomplissement. « Ce jour-là, je n’ai pas seulement choisi des noms sur un papier. J’ai choisi de m’impliquer, de défendre mes convictions, et de rappeler que la démocratie commence d’abord là où l’on vit, dans nos villes, dans nos quartiers », confie-t-il. Un geste porteur de sens, qu’il revendique sans détour : « Je ne regrette rien. Au contraire. Je suis fier.»

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