
Si la répression et les débats autour de la dépénalisation occupent l’espace public, la sensibilisation, elle, demeure le parent pauvre de la politique anti-drogue. Malgré des stratégies, des plans d’action et des institutions dédiées, le message de prévention peine à atteindre sa cible, surtout les jeunes. Les campagnes se succèdent, souvent sous forme d’affiches, de conférences ou de marches symboliques, mais leur impact semble s’essouffler. Un constat que plusieurs observateurs jugent préoccupant dans un contexte où la consommation se banalise et où les drogues de synthèse se diffusent jusque dans les établissements scolaires. Pour Javed Bolah, expert en communication stratégique, certaines campagnes échouent tout simplement parce que l’approche et la méthode sont dépassées. « Les marches sont une action importante pour dire que le combat continue, mais il y a trop souvent une mauvaise conception entre le message et l’audience. Très souvent, nous remarquons que la communication ne passe pas. Pourquoi ? Pour la simple raison qu’elle demande une réflexion dès le début, et non après — c’est ce que l’on voit trop souvent. Quand nous parlons de lutte contre la drogue, c’est une urgence nationale. Pour moi, chaque audience mérite un message spécifique et clair », explique-t-il.
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L’expert va plus loin : selon lui, le combat contre la drogue prend parfois une tournure trop politique ou trop « glamour », au détriment de la réalité du terrain. « La drogue ne touche pas uniquement les personnes issues de milieux vulnérables ou de la classe moyenne. Elle touche tout le monde, peu importe le statut social ou l’âge. Dépenser des millions dans un billboard qui ne reflète pas cette réalité ne sert à rien. Il faut aller là où se trouve le problème. Les vieilles méthodes sont dépassées et fatiguées. Il faut pouvoir communiquer autrement, pour provoquer un véritable éveil de conscience », soutient-il.
Jameel Peerally, fondateur du Kollectif 420, abonde dans le même sens. Il plaide pour une communication plus transparente et moins culpabilisante, mais dénonce surtout l’absence d’avancées concrètes. « Depuis plus de 40 ans, nous ne cessons de crier sur les toits qu’il faut des mesures draconiennes si l’on veut mettre un terme au trafic de drogue. Malgré tous les policiers et tous les beaux discours, nous sommes toujours en recul. La drogue de synthèse est devenue aujourd’hui un ennemi redoutable, un véritable business. Cette drogue amène à des actes de violence, voire même à des meurtres, et là encore, les autorités ne réagissent pas », déplore-t-il.
Le militant dit également avoir pris note de la récente conférence de presse de Rezistans ek Alternativ, qui a évoqué la lenteur de la mise en œuvre de la politique anti-drogue. Mais selon lui, le silence autour de la dépénalisation du cannabis demeure incompréhensible. « Rien n’a été dit sur ce sujet. Aucune mesure concrète n’a été prise pour entamer des discussions sur la dépénalisation ou pour frapper fort contre les trafiquants. Maintenir le silence, c’est devenir complice », affirme-t-il, tout en laissant entendre qu’une manifestation pourrait être organisée prochainement pour dénoncer cette inaction.
Pour lui, comme pour d’autres acteurs de la société civile, le changement ne viendra pas seulement des lois, mais aussi d’une communication honnête, directe et humaine. Tant que le discours officiel restera figé entre morale et répression, la lutte contre la drogue continuera de manquer sa cible : le cœur et la conscience des citoyens.

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