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Lindsay Rivière : «Les radios privées seront en quelque sorte ‘en liberté surveillée’» 

L’éditorialiste et ancien chairman du Media Trust se dit déçu de la démarche du gouvernement de venir avec les amendements à l’Independent Broadcasting Authority (IBA) qui vont selon lui à l’encontre du principe fondamental de la démocratie.

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Vous avez été, avec le Comité Germain Comarmond, Mohamad Vayid, Bickramsingh Ramlallah et Kenneth Noyau , il y a une quinzaine d’années, en quelque sorte un des pères fondateurs de l’IBA en proposant la législation qui a mené à l’établissement des radios privées à Maurice. Comment réagissez-vous aujourd’hui à la décision du gouvernement d’aller de l’avant avec l’IBA Amendment Bill en dépit de la levée de boucliers ?
Je suis surpris et très déçu de la précipitation avec laquelle plusieurs amendements sont actuellement apportés à tout le cadre législatif régissant les médias (réseaux sociaux, radios privées et demain peut-être la presse écrite avec le Press Council ramené sur le tapis par la MBC ‘out of the blue’). Le rapport Comarmond a longuement discuté et a anticipé toutes les controverses possibles dans les radios. Si, 15 ans après, il doit y avoir des amendements à l’IBA Act, il importe de renommer un comité et un dialogue national pour se pencher sur la question et les plaintes formulées. À l’heure où la COVID-19 ébranle le pays, il n’y a aucune nécessité d’ouvrir un nouveau front de contestation qui va détourner les esprits au lieu de garder le pays mobilisé.

La Freedom of Information Act, promise depuis des lustres, (…) n’est qu’une immense fumisterie et une hypocrisie..."

À quel point ce projet de loi peut-il porter atteinte à la liberté d’expression ?
De plusieurs manières. Les radios privées seront en quelque sorte « en liberté surveillée » et, à la moindre incartade, les permis d’opérer sautent. Ce qui va paralyser les radios et les forcer à se censurer. Cette attitude va totalement à l’encontre du courant dans le monde moderne qui veut qu’on agrandisse l’espace de liberté publique et qu’on amplifie la démocratisation de la vie nationale. Ici, au lieu d’avancer vers plus d’ouverture, nous reculons vers davantage de repli. Tout ceci ne fait pas honneur à Maurice et va inévitablement attirer l’attention internationale de façon négative sur nous. Le monde est devenu un village et la dernière chose qu’il nous faut, c’est de passer outre-mer pour un pays autoritaire dont les libertés individuelles régressent. Cela peut même avoir des conséquences économiques, alors que nous sommes déjà à genoux.

Ne met-il pas en danger un principe sacrosaint du corps journalistique en exigeant de dévoiler les sources d’information ?
Absolument. Tout journaliste qui se respecte ne révèle pas ses sources d’information. Il faudrait peut-être tester ce concept devant la cour, mais ce principe est très largement accepté dans toutes les démocraties. Il y a déjà toute une panoplie de lois sur les médias pour redresser les torts. Ce n’est pas très intelligent d’aller chercher querelle avec les médias en pleine crise de la COVID-19 et d’ouvrir ainsi un nouveau front d’hostilité.

Est-ce que le gouvernement n’aurait pas dû avant tout venir de l’avant avec la Freedom of Information Act ?
Très certainement, mais ne nous leurrons pas : la Freedom of Information Act promise depuis des lustres par tous les gouvernements successifs n’est qu’une immense fumisterie et une hypocrisie sans nom. Il y a longtemps que j’ai cessé d’y croire. Aucun gouvernement n’estime qu’il a intérêt à proposer une Freedom of Information Act.

Est-ce un acharnement contre la liberté d’expression après la tentative de réguler les réseaux sociaux ?
 Ce n’est pas un accident ou une coïncidence qu’on touche aux réseaux sociaux et aux radios privées et que, ‘all of a sudden’, la MBC nous propose une émission de deux heures sur le Press Council en faisant les journalistes passer pour des irresponsables. Il faut, en fait, lier les trois medias dans une même démarche d’intolérance accrue. Nous revivons un peu les années 83-87 de sir Anerood, mais SAJ, imitant Singapour, confisquait les libertés en échange d’un grand développement économique, alors qu’aujourd’hui, le gouvernement, en ces temps de COVID-19, et de terrible crise économique n’a rien à offrir en contrepartie au peuple. Nous sommes sur une très mauvaise pente.

  • LDMG

 

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