Les jeunes diplômés qui choisissent de se tourner vers l'enseignement se retrouvent rapidement confrontés à une réalité complexe et exigeante. Entre l'enthousiasme de transmettre leur savoir et les nombreux obstacles du quotidien, ils doivent naviguer entre passion et adaptation. Ci-dessous des témoignages de jeunes enseignants, leurs motivations, des propositions, ainsi que les défis qu'ils rencontrent dès leurs premiers pas dans ce métier en constante évolution.
Krishan Kurmoo, instituteur du primaire qui enseigne en Grade 6, nous confie : « Étant jeune éducateur, notre profession est toujours très stimulante, mais de jour en jour, cela devient de plus en plus difficile. La raison est que l'attitude des élèves change au fil du temps. Ils ne connaissent plus la persévérance ». Ces derniers, selon lui, se désintéressent des études. Toutefois, ce n’est pas pour autant qu’il baisse les bras. En effet, en tant que « role model », il ne manque pas un moment pour les encourager et les rappeler l'importance de l'éducation. Malheureusement, il déplore le désintérêt des parents. « Il n'y a plus de suivi de la part des parents qui sont trop occupés avec leur travail. Quand ils sont à la maison, ils sont souvent épuisés et ne demandent pas aux enfants comment était la journée à l'école. Ils préfèrent que ces derniers passent leur temps sur leur portable », dit-il.
Krishan Kurmoo avance qu’à l'école, il y a beaucoup d'enfants qui parlent du temps qu'ils passent à la maison et des problèmes qu’ils rencontrent. « Nous ne sommes pas que leur enseignant. Nous sommes aussi en quelque sorte des psychologues qui sommes à leur écoute. Les enfants sont influencés par leur environnement, c'est-à-dire par ce qui les entoure. Or, la discipline est primordiale pour la bonne marche de l'école. Si les enfants sont bien encadrés, la classe sera gérée facilement et l'enseignement et l'apprentissage se feront avec succès », fait-il ressortir.
Notre interlocuteur souligne que les enfants « difficiles » sont principalement ceux qui ne peuvent pas lire. « Nous encourageons les enfants à lire et à écrire et essayons tant bien que mal de rendre l'apprentissage amusant à travers des jeux », explique Krishan Kurmoo. Pour ce dernier, « la responsabilité d'un enseignant ne se limite pas qu’à éduquer. Son rôle consiste aussi à aider les élèves à acquérir les compétences nécessaires pour résoudre des problèmes, analyser, se concentrer sur des tâches difficiles, développer une pensée créative, communiquer et travailler en équipe ».
Privilégier une approche holistique
Harrish Reedoy, président de l'United Deputy Rectors and Rectors Union (UDRRU), partage son évaluation des jeunes enseignants et les mesures pour les soutenir. Il se souvient de son propre parcours : « J’ai rejoint le secteur de l'éducation en tant qu'enseignant dans les années 90. À cette époque, j'ai commencé à enseigner quelques mois seulement après avoir obtenu mon diplôme. J'ai appris de mes anciens éducateurs et essayé d'adopter leurs stratégies de gestion de classe.
Cependant, les temps ont changé avec l'avènement de la technologie. Désormais, les éducateurs ne sont plus les seuls détenteurs du savoir. Les élèves ne dépendent plus uniquement des enseignants pour accéder aux connaissances. C'est là que la gestion de classe et la planification des leçons prennent tout leur sens. Enseigner ne consiste plus simplement à entrer dans une salle de classe et à donner des notes aux élèves ».
Il insiste sur une approche holistique pour estimer les enseignants. Cela inclut des évaluations régulières basées sur des observations en classe, des retours d'élèves et des évaluations par les pairs. « Les recherches montrent que le retour d'information de multiples sources offre une vue d'ensemble plus précise et plus juste de la performance d'un enseignant », précise-t-il.
Harrish Reedoy met aussi en avant les opportunités de développement professionnel : « Nous proposons des opportunités de développement professionnel continu adaptées aux besoins des jeunes enseignants. Cela inclut des ateliers, des séminaires et des programmes de mentorat ». Il cite des exemples de pays comme la Finlande et Singapour, où ces programmes ont amélioré la qualité de l'enseignement. De plus, il encourage l'Innovation : « Les jeunes enseignants sont souvent à la pointe des pratiques pédagogiques innovantes. L'évaluation de leur capacité à intégrer de nouvelles technologies et méthodes d'enseignement est essentielle pour suivre le rythme des avancées éducatives mondiales ».
Afin d’être un bon enseignant, il met l’accent sur la collaboration entre collègues, où ils partagent les meilleures pratiques et soutiennent leurs pairs. Il met aussi l’accent sur l'importance des retours d'élèves, de pairs et de chefs de département pour la croissance professionnelle des enseignants. Ce dernier cite le Japon comme exemple, où l'étude de leçons (« lesson study ») montre les avantages du retour d'information collaboratif.
« L'évaluation de la conduite personnelle et professionnelle des enseignants est cruciale. L'adhésion aux politiques de l'école et aux normes éthiques pour maintenir un environnement d'apprentissage sûr et respectueux est cruciale », ajoute Harrish Reedoy. Citant la gestion de classe, ce dernier avance « qu’une bonne gestion de classe permet de créer un cadre où les élèves se sentent en sécurité, respectés et prêts à apprendre ». Il fait ressortir qu’un programme de mentorat structuré pourrait être mis en place pour les nouveaux enseignants. Dans cette optique, notre interlocuteur propose de jumeler chaque jeune enseignant avec un mentor expérimenté pour fournir des conseils et un soutien émotionnel. Il ajoute : « Le ministère de l'Éducation pourrait offrir régulièrement des ateliers et des formations. Ces sessions aborderaient des sujets comme les nouvelles méthodes pédagogiques et l'utilisation de la technologie en classe. C’est pourquoi les écoles devraient être mieux équipées avec des outils numériques pour améliorer l'engagement des élèves et faciliter l'apprentissage personnalisé ».
Cependant, selon son observation, Harrish Reedoy note que les jeunes montrent moins d'intérêt pour la profession d'enseignant. « En tant que recteur, je crois qu'il y a moins enthousiasme des jeunes à devenir enseignant aujourd'hui. Plusieurs facteurs contribuent à ce déclin : la perception de la profession comme étant sous-évaluée et mal rémunérée, la charge de travail et le stress accrus, le manque de soutien et de ressources, ainsi que la dynamique changeante de l'éducation avec l'évolution rapide de la technologie », dit-il.
Afin de remédier à la situation, il propose aux autorités certaines mesures. Ce sont :
- Améliorer les rémunérations et avantages.
- Offrir des opportunités de développement professionnel continu
- Améliorer l'environnement de travail en réduisant les classes surchargées.
- Fournir des ressources adéquates.
- Promouvoir la valeur de l'enseignement en sensibilisant le public à l'importance des enseignants.
- Reconnaissant les réalisations des éducateurs.
- Établir des programmes de mentorat où des enseignants expérimentés guident et soutiennent les nouveaux éducateurs.
Importance de l'adaptabilité
Pour sa part, Arvind Bhojun le président de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE), insiste sur l'importance de la passion dans le métier d'enseignant. « Pour enseigner, il faut être inspiré, souvent par un autre éducateur. L'enseignement est bien plus qu'une simple profession, c'est une vocation qui nécessite une véritable passion et une croyance profonde en l'humanisme. De nombreux jeunes sont désireux d’embrasser cette carrière malgré les défis actuels. Ce sont, entre autres, les salaires moins attractifs par rapport à d'autres professions comme la médecine », indique-t-il. Pour lui, « il est crucial de créer des parcours de carrière intéressants dans le secteur éducatif. Nous ne pouvons pas rester statiques après plusieurs années. Il faut réinventer le secteur et démontrer qu'il y a des opportunités de carrière. Je suis d’avis qu’une réforme des conditions de travail est nécessaire afin de rendre le secteur plus dynamique et attractif pour les jeunes ».
Arvind Bhojun propose la mise en place de programmes de formation continue pour encourager et maintenir l'engagement des jeunes enseignants. « Il est temps de reconnaître le manque d’enseignants et l'absence d'incitations. Si nous ne revoyons pas les conditions, nous serons en difficulté », fait-il remarquer. Malgré tout, il reste optimiste quant à l'avenir de l'enseignement. « Le rôle des enseignants évolue. Aujourd'hui, il ne s'agit plus seulement de transmettre des connaissances, mais d'être des guides pour les jeunes dans un monde en mutation », confie-t-il. Selon lui, la technologie a transformé l'accès à l'information, cependant, la présence humaine reste indispensable. « À l'avenir, notre rôle sera de plus en plus celui de guides. Nous devons accepter de nous remettre en question constamment pour répondre aux besoins de la prochaine génération », ajoute Arvind Bhojun. Il conclut en soulignant l'importance de l'adaptabilité des enseignants. « Le monde évolue et notre rôle doit évoluer avec lui. Nous devons continuellement nous réinventer pour rester pertinents et inspirants pour les jeunes ».
Travail noble
Pour Vishal Baujeet, président de la Government Teachers’ Union (GTU), « enseigner est un travail très noble. En tant qu’enseignant, il est de notre responsabilité d’assurer que l’apprentissage se déroule et que l’enfant acquiert les connaissances et le savoir-faire requis ». Pour le primaire, il explique que les jeunes instituteurs suivent un cours à la MIE avant d’être éligibles à enseigner de la Grade 1 à 6.
« Travailler avec les enfants au niveau primaire nécessite de la patience et de la confiance. Les jeunes de la profession devraient adopter une attitude positive à l’égard du travail. Les enseignants sont persévérants et travaillent dur pour aider et encadrer les élèves à réussir leurs examens et continuer leur parcours scolaire. Les nouveaux professeurs ont une perspective de carrière prometteuse avec détermination et dévouement », affirme-t-il.
Questions A
Dr Hemant Bessoondyal : « Être enseignant, c’est avant tout être au service des autres… »
Le directeur du Mauritius Institute of Education (MIE), Dr Hemant Bessoondyal, met l’accent sur la formation des enseignants. Il soutient qu’à ce jour, l'institution a formé plus de 58 861 enseignants, inspecteurs, maîtres d’école, recteurs, etc. La MIE propose également différents cours pour améliorer les compétences des enseignants.
Quel est le profil idéal pour un enseignant ?
Être enseignant, c'est avant tout être au service des autres, pouvoir partager, innover et responsabiliser ses apprenants, tout en leur transmettant le savoir et le savoir-faire. Il est essentiel de comprendre qu’un enseignant est un professionnel de l'éducation qui se doit d’être formé. À la MIE, nous sommes responsables de la formation des enseignants du pré-primaire, primaire et secondaire, ainsi que d’autres professionnels de l’éducation. Nous proposons à la fois des formations initiales et continues, allant jusqu’au doctorat en éducation.
Les enseignants du primaire en formation à la MIE sont recrutés par la PSC. Pendant leur formation qui dure deux ans et trois mois, l'accent est mis sur l'acquisition des qualités et des caractéristiques qui définissent un bon enseignant. Ce sont :
(i) La confiance en soi et la maîtrise des contenus à enseigner.
(ii) La connaissance des étapes de l'apprentissage de l'élève qui évolue dans un contexte socio-familial et linguistique diversifiée et dynamique.
(iii) La capacité de gérer une classe, de planifier des leçons différenciées et de mettre en place des activités académiques et non-académiques.
(iv) La capacité de communiquer clairement et d'utiliser des moyens innovants pour enseigner de manière efficace et pertinente.
(v) La maîtrise de la technologie pour mener une leçon sur le mode hybride.
(vi) L'adaptabilité et l'amélioration des compétences en s'adaptant au changement.
(vii) Un citoyen avec un sens du devoir moral.
Comment la MIE travaille-t-elle avec les nouvelles recrues pour les intéresser à la profession ?
La MIE est une institution paraétatique responsable de la formation initiale et continue des professionnels de l’enseignement. Il est important de noter que les modalités de recrutement sont différentes pour les enseignants du pré-primaire, primaire et du secondaire. Celui des enseignants du primaire, par exemple, se fait au niveau du PSC ou du SeDEC. Les nouvelles recrues arrivent avec un Higher School Certtificate (HSC) ou une licence d’université en poche. Une fois à la MIE, les enseignants en devenir suivent une formation à la fois théorique et pratique, car ils sont placés en stage dans des écoles primaires ou secondaires sous la tutelle d'un mentor de l'école et d'un enseignant tuteur de la MIE. Pendant le stage, ces enseignants-stagiaires doivent se conformer à une série d'évaluations démontrant ainsi qu'ils possèdent les compétences requises pour enseigner. Des formations continues sont également proposées aux enseignants et aux professionnels en poste (comme les inspecteurs et recteurs par exemple), telles que le PGCE, le PGDip, le DESI, le Master en Éducation, le MPhil et le doctorat (PhD et EdD).
Au fil des années, la MIE a démontré son engagement à accompagner et à professionnaliser les enseignants et autres professionnels du pré-primaire, du primaire et du secondaire. À ce jour, l'institution a formé plus de 58 861 enseignants, inspecteurs, maîtres d’école, recteurs, etc. La MIE propose également des cours de courte durée pour continuellement améliorer les compétences des enseignants.
Avez-vous déjà rencontré des personnes qui ont commencé les cours, mais ont cessé en cours de route ?
Comme dans toute profession, il est normal que certains enseignants choisissent de changer de parcours professionnel. Cette décision est souvent liée à des facteurs socio-économiques, entre autres. De nombreux anciens stagiaires et enseignants ont d’ailleurs eu l'opportunité de poursuivre leur carrière dans le même domaine en tant qu’enseignants dans d'autres pays, notamment le Canada. Il y a aussi des cas de décrochage ou d’arrêt temporaire pour des raisons médicales ou encore personnelles. Ces étudiants qui optent pour un arrêt temporaire du cours reviennent souvent après quelques années pour terminer leur cours.
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