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Le plan national de lutte contre les marées noires au cœur des critiques

Un manque d’actions positives pour combattre la pollution pétrolière dans les premières heures de la fuite a aggravé la situation.

Dans sa section « Findings and Analysis » dédiée à la protection de l’environnement, le rapport fustige l’archaïsme du National Oil Spill Contingency Plan (NOSCP) de 2003, jamais révisé malgré des incidents antérieurs. Ce document, censé encadrer la réponse nationale aux déversements de pétrole, s’avère inadapté aux réalités actuelles : absence d’exercices grandeur nature, équipement déficient et manque de coordination. Basée sur une analyse minutieuse des procédures et des témoignages, l’enquête met en lumière un État pris au dépourvu, contraint de s’appuyer sur l’initiative citoyenne pour limiter les dégâts. Les recommandations, exhaustives, appellent à une refonte profonde pour anticiper les risques croissants liés au trafic maritime.

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Plan figé dans le temps 

Adopté en 2003, le NOSCP n’a jamais été intégralement revu, malgré l’intensification du trafic maritime au sud-est de Maurice et l’évolution des cargaisons et des carburants. « Il aurait été sage de le réviser à la suite de l’échouement du MV Angel 1 au large de Poudre-d’Or et du MV Benita au large de Le Bouchon en juin 2016, pour prendre en compte les leçons apprises lors de ces incidents », déplore la commission. Cette inertie a engendré « un manque complet de préparation des cellules du NOSCP et des premiers intervenants ».

Les exercices requis par la section 5.2 du plan – des simulations régulières pour tester l’équipement, la vigilance du personnel et les temps de réponse – n’ont jamais été menés. 

Conséquences

Au lendemain de l’échouement, l’absence d’équipements adéquats pour contrer la fuite de fioul a paralysé les premières heures. « Il est apparu un manque d’actions positives pour combattre la pollution pétrolière dans les premières heures de la fuite de fioul bunker du navire sinistré en raison d’un manque d’équipement approprié », note le rapport. S’il n’y avait pas eu d’efforts de volontaires et d’organisations privées pour fabriquer des barrages artisanaux, les conséquences des dommages sur certaines parties de la côte auraient pu être pires.

Le NOSCP, limité à une réponse de niveau 1 (jusqu’à 10 tonnes), s’est révélé inadapté à un sinistre de cette ampleur. « Même l’efficacité des barrages disponibles peut être mise en question en matière de préparation et de réponse. Car les barrages sont de type portuaire. Des barrages de haute mer auraient été plus appropriés pour traiter le déversement de pétrole du MV Wakashio dans une région bien connue pour connaître des vagues de trois à quatre mètres en hiver. »

Les pêcheurs et les volontaires ont comblé les lacunes. « Il est vite apparu que les contributions de l’industrie sur site ont été sporadiques par rapport à la réponse des particuliers et des pêcheurs qui ont volontairement fourni une assistance utile pour répondre au déversement de pétrole de cette ampleur par la fabrication, le déploiement et l’installation de barrages artisanaux pour compenser le manque de barrages marins suffisants et de moyens de déploiement. »

Recommandations 

La commission endosse les propositions des experts Vassen Kauppaymuthoo (océanologue), Sébastien Sauvage (Eco Sud) et Nalini Burns, économiste, et formule trente recommandations consolidées pour la protection de l’environnement. Parmi les plus saillantes :

  • Adoption d’une approche harmonisée et unifiée pour gérer les accidents de navires, avec une agence leader supplantant les autres autorités pour une réponse cohérente.
  • Mise en place d’un suivi de crise en trois phases : surveillance, alerte et détermination, favorisant la proactivité.
  • Mise à jour régulière du NOSCP, révision de l’équipement de lutte et des exercices annuels, espacés de moins de 18 mois.
  • Élaboration d’un plan régional de lutte contre les marées noires et adoption du principe de précaution de la déclaration de Rio, interdisant de reporter des mesures coûteuses en cas de menace grave malgré l’incertitude scientifique.
  • Préparation permanente pour un sinistre majeur (jusqu’à 500 000 tonnes de pétrole), avec un personnel formé et des équipements disponibles.
  • Fluidification de la coordination entre le National Disaster Risk Reduction and Management Centre (NDRRMC) et le National Emergency Operations Command (NEOC).
  • Cadre légal pour réguler les efforts des populations, des scientifiques indépendants et des ONG ; priorisation des enjeux environnementaux au sein des ministères.
  • Implication des communautés locales dans la gestion durable des zones côtières, grâce à leur connaissance et à leur motivation.
  • Encouragement des cadres administratifs à dépasser leurs attributions via des formations et des conférences.
  • Élargissement des seuils de compensation au-delà des plafonds actuels (USD 18 ou 63 millions), potentiellement jusqu’à USD 10 milliards, sous l’angle des droits humains et du développement durable.

Les 10 facteurs sous-jacents

Une liste de 10 facteurs sous-jacents est établie dans le rapport, témoignant d’une exécution défaillante de la traversée :

  1. Une planification du passage inadéquate, « mal exécutée au cours du voyage » 
  2. L’absence de directives de navigation pour la zone sud-est de Maurice 
  3. L’absence de cartes à grande échelle lors de la navigation côtière 
  4. La consommation d’alcool sur le pont 
  5. Une veille et une surveillance inadéquates 
  6. La violation du principe de passage inoffensif 
  7. L’ignorance des caractéristiques du navire en termes de cercle de giration 
  8. Une dépendance exclusive à l’ECDIS (système électronique de cartographie) 
  9. L’ignorance du radar et de l’échosondeur comme moyens complémentaires de navigation 
  10. La « surconfiance du capitaine en eaux côtières » et son « échec à prendre le commandement lors des changements de vitesse et de cap requis par la procédure de l’armateur ».

Les rumeurs de trafic de drogue écartées

Parmi les voix discordantes entendues lors des auditions figure celle de Bruno Laurette, maritime team leader, dont les interrogations sur des mouvements suspects de remorqueurs et des bruits nocturnes ont alimenté des théories. Le rapport tranche avec fermeté : aucune preuve indépendante ne corrobore les rumeurs d’implication dans un trafic de drogue ou d’actes criminels.  La Cour d’investigation, après examen des éléments probants, balaie d’un revers ces hypothèses. « Aucune preuve indépendante fiable n’a été produite en soutien à la simple spéculation et aux rumeurs selon lesquelles le MV Wakashio était impliqué dans des affaires de drogue ou qu’il y avait eu quelque chose de sinistre qui s’était produit ou un délit criminel qui avait été commis. »

 

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