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La Junior Minister Véronique Leu-Govind, députée de la circonscription n°14, a fait un véritable plaidoyer, le 1er février dernier, pour une amélioration de la qualité de vie des habitants du Morne et ses environs. « Les conditions de vie au Morne sont tout simplement indignes de notre époque », avait-elle affirmé. Le Dimanche/L’Hebdo l’a constaté de visu au Quartier Jasmin du Morne et à Coteau Raffin.
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La lutte quotidienne pour la survie. À Coteau Raffin, dans la circonscription n°14 (Savanne/Rivière-Noire), les habitants ne sont pas seulement des squatteurs permanents : ils doivent aussi composer avec une existence sans électricité et, plus crucial encore, sans eau courante. Dans ce village-satellite, certaines femmes font preuve d’une ingéniosité digne de MacGyver. Pour subsister, elles développent toujours des solutions alternatives. L’accès à l’eau est devenu l’obsession légitime de ces femmes déterminées, leur combat quotidien au féminin.
Cette situation fait écho aux vers du poète William Wordsworth, dénonçant le paradoxe de l’abondance côtoyant la privation : « Water, water everywhere, nor any drop to drink » (De l’eau partout, mais pas une goutte à boire). Ces mots résonnent avec la réalité de Coteau Raffin, où l’eau est si rare malgré l’omniprésence de l’océan. Comme l’a souligné le Mahatma Gandhi, la souffrance d’autrui peut être soulagée par la compassion humaine, à condition d’avoir la volonté d’agir et de refuser l’accumulation égoïste des ressources aux dépens des autres, en les oubliant au bord de la route du développement.
C’est le constat accablant dressé par Le Dimanche/L’Hebdo après avoir visité, suivant les reportages sur La Valette et Camélia à Bambous, deux autres quartiers du n°14. À Coteau Raffin, le spectacle évoque les townships de Soweto, les zones défavorisées de Nairobi au Kenya ou d’Éthiopie, tant la misère et le désespoir y sont tangibles.
Un enchevêtrement de tuyaux d’eau parcourt le quartier, dont un seul, légèrement plus large que les autres, se démarque. « Samem tiyo ki donn dilo pou tou sa 80 fami dan Koto Rafin-la. Bann seki anba, dan koumansman simin, zot gagne, me nou, nou res pli lao, dilo na pa monte, pena presion, gete ou mem », explique une habitante.
C’est le monde à l’envers : nous sommes devenus les cochons et les cochons sont traités comme des humains, koumadir dan Animal Farm»
Un simple coup d’œil et la réalité est brutale : à peine un filet d’eau s’écoule, si mince qu’il faudrait une minute pour remplir le creux de deux mains jointes. Dina témoigne : « J’ai quatre enfants de 5, 7, 17 et 21 ans. Certains vont au collège, mais comment peuvent-ils faire leurs devoirs sans électricité ni eau ? Quand nous en avons, il faut patienter des heures pour avoir assez d’eau pour se laver. Quant à en stocker, c’est impossible. »
Un imposant réservoir surplombe les lieux, une échelle appuyée contre sa paroi. Y aurait-il de l’eau ? « Zet enn koudey, oumem pou dir mwa », lance Élodie, mère de trois enfants en bas âge.
En effet, le réservoir, malgré sa taille impressionnante, est désespérément vide. Le son creux qui résonne quand on le frappe en témoigne. « Ou trouve, pena dilo, enn sel tiyo donn dilo tou sa 80 fami ki viv la depi 20 banane. Nou finn fatige get CWA. Bann depite ki la depi 40 an, zot finn anbet nou, zot dir, zot promet, me zero plonbaz. »
Animal Farm Revisited
Élodie est laconique et compare leur situation à celle d’un élevage porcin, faisant référence au livre « La Ferme des animaux » (« Animal Farm ») de George Orwell : « Au village de St Martin, les éleveurs de porcs ont l’électricité et l’eau en abondance, tant mieux pour eux, mais les porcs sont mieux traités que nous. C’est le monde à l’envers : nous sommes devenus les cochons et les cochons sont traités comme des humains, koumadir dan Animal Farm, al konpran ki mo pe dir ou. »
Marjorie partage cette colère : « Je suis squatteuse ici depuis 17 ans. Pourquoi refuse-t-on de nous reconnaître alors qu’on le fait ailleurs ? Est-ce une question d’ethnicité ? Sinon, kot problem-la ete ? Nou pa pe dimann lalinn, donn nou dilo, kouran, enn bon simin, enn lakaz. Nou aksepte paye, me regilariz nou kouma inn fer La Valettte ek Camélia ek dan Vallée-Pitot. »
Elle lance un cri du cœur : « Rekonet nou kouma enn imin. » Pour elle, « kouran kapav vinn apre, me dilo li esansiel, c’est un droit humain. Si sa gouvernma-la pa konpran sa, li sagrinan ».
En quittant ces femmes, une évidence s’impose : leur détermination reste intacte, mais elles ne supportent plus d’être dupées. « Enn ta letan nou finn les nou anbete. Nou fer konfians sa gouvernma-la, ek sirtou Veronique (NdlR, Véronique Leu-Govind). Li pe travay, li vinn get nou, limem enn zanfan nimero 14, li konpran nou problem. Nou espere ki tou pou pas bien, sinon… » dit Dina.
Micheline sauvée par une lampe solaire
Le cœur se serre devant les conditions de vie de Micheline. Fort heureusement, ses huit enfants ont pu tracer leur chemin ailleurs. Dans ce quartier de Coteau Raffin, elle occupe une habitation de fortune dont la description sera épargnée par respect pour sa dignité. Néanmoins, nous ne pouvons que mettre en lumière cet abandon par les autorités.
Micheline est plongeuse - non pas dans les profondeurs marines - mais dans un snack de La Gaulette, où elle passe ses journées à nettoyer vaisselle, verres et ustensiles de cuisine. Pour recharger son téléphone portable, indispensable pour son travail, elle doit se rendre chez un voisin qui lui-même tire son électricité d’un autre voisin via un câble s’étendant sur trois kilomètres. « Zordi, mo pa pou kapav kwi, mo fatige, mo vwazin finn dir mwa vinn manz kot li, diri ek enn ti kari. Mo’nn fatige fer demann CEB, CWA, get mo leta, mo ena 53 an, mo ankor pe rod mo lazourne. Li pa fasil, mo aksepte paye, me donn nou dilo, apre kouran kapav atann. »
Drum bleu national
Comment parvient-elle à s’orienter la nuit dans son minuscule logement qui ressemble à un capharnaüm ? Grâce à une lampe solaire. « Mo met li devan mo ti lakaz avan mo al travay, lerla li ‘charge’ ek soley, ek tanto, mo alim li kan nwar koumans paret. »
Qu’en est-il de l’eau des camions-citernes de la CWA qui passent occasionnellement ? « Misie, kan kamion pase, mo dan travay, get mo lakaz, mo pa servi boukou dilo, mo tousel, me pena dilo beta. »
En effet, le fameux « drum bleu », emblématique des foyers mauriciens, est pratiquement vide. Elle va puiser de l’eau à l’un des tuyaux qui ne laisse échapper qu’un mince filet, mais c’est mieux que rien. « Ou kone, nou bann abitan Coteau Raffin, koumadir nou pa existe, li pa korek, nou imin, nou mizer, me nou bizin dilo, se enn drwa imin », confie Micheline au bord des larmes.
Dilo pou arete 9er ?
La fameuse chanson « Dilo pou arete 9er » est accueillie avec ironie par les squatteurs de Coteau Raffin. « Dilo mem pena, ki li pou arete? Fer gagn riye. Mo kontan sa sante-la, li dir boukou verite, me azordi ou pe koz arete 9er, me fode li koumanse pou arete. Ou pa trouve li komik ? » dit Micheline.
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