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Face au renforcement constant des contrôles financiers traditionnels, les réseaux criminels ne restent pas inactifs. Ils orchestrent une véritable mutation de leurs méthodes, exploitant avec agilité les failles des nouvelles technologies. Cette évolution marque un tournant inquiétant : le blanchiment d’argent quitte progressivement les sentiers battus pour s’infiltrer dans les territoires numériques, moins surveillés et plus difficiles à contrôler. Diverses technologies sont utilisées à cette fin.
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Cryptomonnaies
Les cryptomonnaies, comme le Bitcoin qui est sans doute la plus connue d’entre elles, permettent d’effectuer des transactions anonymes partout à travers le monde. Les criminels utilisent des plateformes d’échange de cryptomonnaies pour convertir de l’argent sale en monnaie virtuelle, puis les échanger contre des devises traditionnelles.
Selon l’avocat Me Erickson Mooneapillay, la cryptomonnaie est l’une des méthodes de blanchiment d’argent les plus utilisées par les malfaiteurs. « Le blanchiment d’argent via la cryptomonnaie est un phénomène mondial qui ne touche pas uniquement Maurice. Les criminels s’en servent pour blanchir de l’argent sale. Il suffit d’ouvrir un compte sur une plateforme en ligne de cryptomonnaie. Ils peuvent ensuite acheter de la cryptomonnaie, puis la revendre localement ou à l’étranger », explique-t-il.
Michael Baker, Security Operation Manager à ServiQual, rappelle que la cryptomonnaie existe depuis longtemps. « Elle est issue de la cryptographie utilisée initialement par les militaires. 75 % des cybercriminels utilisent la cryptomonnaie qui n’est pas aussi réglementée que le système bancaire », souligne-t-il.
NFT (Non-Fungible Tokens)
Les NFT sont des œuvres d’art virtuelles. Ils peuvent être utilisés pour blanchir de l’argent en les vendant à des prix importants. Les transactions de NFT sont souvent moins surveillées que les transactions bancaires traditionnelles, ce qui les rend attrayantes pour les criminels.
Jeux d’argent en ligne
Les jeux d’argent en ligne peuvent être utilisés pour blanchir de l’argent en utilisant des comptes fictifs ou en manipulant les résultats des jeux. Les fonds peuvent ensuite être retirés sous forme de cryptomonnaies ou transférés à des comptes bancaires.
Les services de paiement peer-to-peer
Des services comme PayPal, Venmo et d’autres plateformes de paiement peer-to-peer permettent des transactions rapides et souvent anonymes. Les criminels peuvent utiliser ces plateformes pour transférer de l’argent en petites sommes afin d’éviter d’éveiller les soupçons.
Jeux vidéo en ligne et biens virtuels
Les criminels peuvent utiliser des jeux vidéo en ligne pour blanchir de l’argent en achetant et vendant des biens virtuels. Par exemple, ils peuvent acheter des items dans un jeu avec de l’argent sale, puis les revendre à d’autres joueurs pour de l’argent propre.
Commerce électronique et marketplaces en ligne
Les marketplaces en ligne, comme eBay et Amazon, peuvent être utilisées pour blanchir de l’argent en vendant des produits fictifs ou en manipulant les ventes pour générer des revenus légitimes à partir de l’argent sale.
Les autorités s’adaptent
Partout dans le monde, les autorités s’adaptent pour contrer les nouvelles méthodes de blanchiment d’argent. En Europe par exemple, une nouvelle technologie est mise à contribution dans ce combat, il s’agit de l’intelligence artificielle (IA). Elle est utilisée pour analyser de grandes quantités de données financières afin d’identifier les anomalies. Ces dernières sont ensuite analysées pour savoir si ce sont des activités de blanchiment d’argent. L’IA peut traiter des volumes de transactions beaucoup plus importants que les humains, et détecter des comportements suspects qui seraient difficiles à repérer autrement. L’IA aide également au processus de vérification des clients (KYC) et de surveillance des transactions.
En combinant l’IA et la blockchain, les autorités peuvent créer des systèmes de détection de blanchiment d’argent encore plus efficaces. L’IA peut analyser les données stockées sur la blockchain pour identifier des transactions suspectes, tandis que la blockchain assure la transparence et l’intégrité des données.
À Maurice, il faut revoir la législation, selon Me Erickson Mooneapillay. « Il faut que la loi prévoie une meilleure collaboration internationale. Par exemple, quelqu’un peut envoyer de l’argent depuis Maurice à l’étranger en utilisant une plateforme d’échange de cryptomonnaie. On doit pouvoir poursuivre cette personne à Maurice. Les transactions transfrontalières ne sont pas sujettes aux lois locales. Il faut s’inspirer de certaines lois internationales », suggère l’avocat.
Michael Baker précise, pour sa part, qu’avant 2021, il n’y avait pas d’outils pour les autorités. « En 2021, il y a eu des développements. Des outils existent pour lutter contre le blanchiment d’argent. Les banques ont, par exemple, des logiciels pour détecter les fraudes à leur niveau. Des outils permettent aussi de détecter des connexions au Dark Web ou des plateformes illégales », fait-il ressortir.
Cependant, précise le Security Operation Manager à ServiQual, si « les moyens de détecter le blanchiment d’argent via la cryptomonnaie existent, ils coûtent très cher ».
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