La SME Mauritius Ltd, la nouvelle entité qui remplace la SMEDA, a été officiellement lancée la semaine dernière. Cet énième nouveau départ marquera-t-il le salut des Petites et moyennes entreprises?
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Au cours des trois dernières décennies, les Petites et moyennes entreprises (PME) ont été témoins de plusieurs changements institutionnels. Le dernier en date étant la SME Mauritius Ltd qui a officiellement remplacé la Small and Medium Enterprises Development Authority (SMEDA) la semaine dernière. Contrairement à la SMEDA qui était un corps paraétatique, la SME Mauritius Ltd est une compagnie privée incorporée à Maurice avec l’État comme actionnaire. Cet organisme, dont la devise est « Unlocking Potentials », aura la responsabilité de mettre en oeuvre le plan directeur de 10 ans. Cinq nouveaux plans à l’intention des PME ont aussi été lancés. La nouvelle entité sera dirigée par Raj Puddoo, Chief Executive Officer, et Peter Neubert, président du conseil d’administration.
La SMEDA avait été lancée en 2009 pour remplacer la Small Enterprises and Handicraft Developement Authority (SEHDA). Cette dernière, créée en 2005, était une fusion de la Small and Medium Industries Development Organisation, créée en 1993, et la National Handicraft Promotion Agency.
Master plan
En 2015, le ministère des Entreprises, des Affaires et des Coopératives commandita un rapport sur les PME et c’est la société Empretec Mauritius qui décrocha le contrat pour produire un Master Plan pour 10 ans. Depuis, les choses se sont accélérées et le 14 juillet 2017, la SME Mauritius Ltd a été incorporée pour implémenter ce Master Plan.
Ironiquement, la première recommandation du plan directeur, à savoir, la création d’une nouvelle Statutory Body pour encadrer les Petites et moyennes entreprises, n’a pas été respectée car finalement, c’est une compagnie privée qui a été choisie. En effet, le Master Plan avait recommandé l’installation d’un organisme d’État avec un conseil d’administration consistant d’un nombre égal de représentants de corps publics et privés.
Gavin Ng, analyste, nous explique les avantages d’avoir une entité privée au lieu d’un corps paraétatique. « À mon avis, il se peut qu’on ait opté pour une compagnie privée, car tous les organismes publics s’occupant des PME au cours des dernières vingt années n’ont pas amené les résultats escomptés. C’est vrai qu’avec une compagnie privée, la prise de décision ainsi que l’implémentation des policies sont plus rapides, alors qu’un organisme public doit suivre de longues procédures », fait ressortir Gavin Ng. Selon lui, il y a moins de bureaucratie avec une entité privée Toutefois, pour prévenir les abus, il est important que les principes de la bonne gouvernance soient adoptés.
Les PME contribuent à environ 40 % du Produit Intérieur Brut et emploient près de 55 % de la main-d’œuvre locale. Le ministre des Affaires, des Entreprises et des Coopératives espère faire du secteur des PME un pilier important de l’économie.
Chiffres
Pendant l’année financière 2016-2017, il y a eu 2 125 demandes d’adhésion à la SMEDA. Pendant la même période, il y a eu 277 demandes pour un SME Development Scheme Certificate, avec 165 certificats octroyés. Environ 1 338 petits entrepreneurs se sont inscrits au Maubank SME Financing Scheme. La SMEDA a reçu 599 demandes de participation à des foires internationales et 433 demandes ont été approuvées, pour un décaissement total de Rs 28,5 millions. Concernant la formation, il y a eu 1 277 entrepreneurs qui ont participé aux différents programmes.
Faazia Marden : « La SME Mauritius Ltd inspire l’optimisme »
Faaizah Marden, la fondatrice de Futurpreneur Africa, se dit très optimiste de l’avènement de SME Mauritius Ltd. Évoluant dans l’univers de l’entrepreneuriat à travers ses activités qui visent à autonomiser les entrepreneurs, elle pense que SME Mauritius Ltd est une bonne initiative. « Il faut lui donner du temps et ensuite on pourra l’évaluer », dit-elle. Faaizah Marden, qui se spécialise dans la communication, observe que les trois principaux obstacles à la réussite des PME sont l’accès au financement, le marketing efficace et la communication. À travers sa boîte de communication, elle conçoit des programmes destinés aux entrepreneurs pour maitriser le leadership, la planification stratégique ou encore les outils de gestion.
Amar Deerpalsing : « Nous n’avons plus d’avantages comparatifs »
Amar Deerpalsing, président de la Fédération des Petites et Moyennes Entreprises, est d’avis qu’il est trop tôt pour dire si le lancement de SME Mauritius Ltd est une bonne chose. « Cette nouvelle institution est encore une coquille vide, elle ne peut fonctionner car elle doit encore recruter et elle ne peut recruter tant que le litige opposant les employés de l’ex-SMEDA n’est pas réglé », explique-t-il. Amar Deerpalsing dit ne pas comprendre pourquoi le gouvernement a choisi d’incorporer une compagnie privée au lieu de mettre sur pied un organisme de l’État. « Dans le même budget, d’un côté on intègre Enterprise Mauritius, une compagnie privée, au sein d’une nouvelle institution publique et d’autre part, on transforme la SMEDA en compagnie privée. On ne comprend pas ce raisonnement. »
Il ne comprend pas non plus comment on peut arriver à différents résultats si on prend les mêmes effectifs, car au départ, le ministre avait dit qu’il y avait un personnel surnuméraire à la SMEDA, pour ensuite venir dire que personne ne serait licenciée et que la SME Mauritius va encore recruter ! Il ajoute qu’il aurait été plus approprié de choisir comme président du conseil d’administration une personne qui a évolué dans l’entrepreneuriat et qui a fait face à tous les problèmes auxquels nos entrepreneurs font face. « Nous avons plusieurs chefs d’entreprises locaux qui correspondent à ce profil, ceux qui ont réussi contre vents et marées et qui comprennent la souffrance des entrepreneurs. » Il se dit sceptique quant à la mise en œuvre du plan directeur de dix ans car, dit-il, nous avons déjà perdu trois ans et le monde des affaires évolue tellement rapidement qu’on ne peut plus concevoir des plans à longue durée. Pour lui, une compagnie privée échappe au contrôle des institutions publiques comme le Département de l’audit et le Parlement.
De plus, une compagnie privée est motivée par la profitabilité alors qu’un organisme public veille aux services et facilités offerts aux entrepreneurs. Amar Deerpalsing indique que d'après lui, l’argument selon lequel les PME ne contribuent qu'à 3 % de l’exportation ne tient pas la route. « Les grandes entreprises qui exportent se fournissent auprès des petites entreprises. Prenons l’exemple du sucre. Si le petit planteur n’est pas exportateur, cela ne veut pas dire qu’il ne contribue pas à l’exportation. »
Bien que le ministre veut que les PME exportent davantage, il dit qu’il faut se rendre à l’évidence que l’essence, l’électricité et le diesel coûtent plus cher chez nous que chez nos concurrents et que le salaire minimum va également affecter les entreprises. « Nous n’avons plus d’avantages comparatifs pour les produits de base, d’où la nécessité de se concentrer sur les produits high end, mais le Master Plan ne dit pas comment y arriver », conclut-il.
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