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La symphonie d’espoir de Danish Puttyah

Danish Puttyah, un amoureux du violoncelle.

Découvrez l’odyssée émouvante du jeune violoncelliste Danish Puttyah où la musique illumine un chemin parsemé d’obstacles, révélant une force intérieure hors du commun, nourrie par sa mère Stéphanie ainsi que les ONG Lovebridge et Vent d’un Rêve.

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Enfant, il se rêvait concertiste. « Je regardais les musiciens sur scène et j’en rêvais. Grand fan des dessins animés, notamment ‘Tom & Jerry’, un de mes épisodes préférés reste ‘The Cat Concerto’ », confie Danish Puttyah en riant. Mais sa famille n’a pas les moyens de lui payer des cours ou un instrument. « J’en étais conscient, donc je ne leur en ai pas parlé. » 

Aujourd’hui, à 19 ans, il excelle au violoncelle. Mais pas seulement. Ancien élève du collège Royal de Curepipe (RCC), il s’envole prochainement pour la Réunion pour ses études supérieures, ayant réussi avec brio les examens du Diplôme d’études en langue française (DELF) scolaire en 2023. Cette réussite, le jeune homme l’attribue à la détermination inébranlable de sa mère Stephanie pour lui offrir le meilleur, le soutien des ONG Lovebridge et Vent d’un Rêve, ainsi que ses propres efforts.

La vie n’a pas fait de cadeau à Danish Puttyah. Il a dû lutter constamment, trouvant dans la musique un refuge où se ressourcer, y puisant la force pour affronter les obstacles quotidiens. Il explique que c’est après avoir emménagé à Floréal avec sa famille qu’il a découvert l’ONG Vent d’un Rêve, qui offre des cours de musique aux enfants défavorisés. « J’ai commencé par prendre des cours de flûte à bec et c’est là que tout a changé. Pour la première fois, je faisais quelque chose parce que j’aimais le faire. »

Si Danish Puttyah souhaite aussi jouer du piano, l’ONG ne proposait pas de cours à cette époque. Un an plus tard, on lui propose d’apprendre le violoncelle. Avec humour, le jeune homme admet qu’il ne connaissait rien de cet instrument, ni même à quoi celui-ci ressemblait. « J’ai accepté juste pour essayer quelque chose de nouveau. C’est ainsi que j’ai vu un violoncelle pour la première fois. J’étais impressionné et je me sentais tout petit en comparaison », dit-il dans un éclat de rire. Cette rencontre avec le violoncelle marque aussi celle avec Benjamin Chamarandy, son professeur.

Le violoncelle est conçu pour ressembler au corps humain, et plus particulièrement à celui d’une femme, souligne Danish Puttyah. « C’est pourquoi il y a quelque chose de très intime et personnel à le faire résonner contre son propre corps. On le fait ‘chanter’ en quelque sorte. » Selon lui, le violoncelle est considéré par beaucoup comme le plus bel instrument du monde. « Son timbre et sa tessiture se rapprochent davantage de tous les types de voix humaines que tout autre instrument. » De plus, poursuit-il, cet instrument est extrêmement flexible, tout autant capable de produire un son très élégant et délicat, qu’un son très puissant, voire agressif.

Jouer du violoncelle est pour lui une façon d’exercer un contrôle sur ses émotions. « Lorsque je joue un morceau, je dois l’interpréter d’une manière qui résonne en moi. Pour cela, il faut comprendre ses propres émotions et savoir comment les projeter », fait-il comprendre.

Danish Puttyah a reçu une formation classique, ayant une préférence pour ce type de musique. Chopin, Vivaldi et Beethoven occupent une place spéciale dans son cœur, « bien que je ne sois toujours pas d’accord que Chopin n’ait pas composé de musique pour l’instrument dont je joue », plaisante-t-il. Le jeune violoncelliste a également exploré d’autres styles tels que le jazz classique, la pop et même le séga. « Je suis particulièrement fasciné par la musique qui fusionne deux mondes comme le séga et le classique », dit-il.

Jusqu’à récemment, Danish Puttyah n’avait pas son propre violoncelle. « J’ai toujours dépendu de l’ONG Vent d’un Rêve pour me permettre d’utiliser leur instrument. Mais ce n’était plus possible quand j’ai trouvé un emploi. Vu que je ne pouvais plus suivre des cours là-bas, c’est là que j’ai acheté mon propre violoncelle avec l’aide de ma mère et d’une amie de la famille qui ont trouvé un sponsor pour financer l’achat. » De plus, il se réjouit que Benjamin Chamarandy lui ait proposé de prendre des cours chez lui. « Je peux maintenant jouer sans aucune restriction. »

Pour l’instant, sa plus grande fierté est de faire partie d’un projet appelé le Moris Orkestra. Ce projet est dirigé par William Ross, un clarinettiste mauricien qui a poursuivi ses études en France. Son objectif est d’offrir aux jeunes musiciens de l’océan Indien un accès à une éducation musicale de qualité et de créer le tout premier orchestre professionnel mauricien. « Nous voulons montrer au public des îles qu’il y a du talent qui mérite d’être entendu même dans notre tout petit pays, et que la musique classique n’est pas seulement un passe-temps de riches », soutient Danish.

Pour toucher l’audience locale, le Moris Orkestra collabore avec des artistes locaux tels que Mélanie Pérès et Yvette Dantier pour jouer de la musique typiquement mauricienne avec une instrumentation classique. « Au cours des deux dernières années, nous nous sommes produits deux fois », se réjouit-il. 

Le jeune homme rêve de jouer sur les grandes scènes du monde et de rencontrer des gens qui partagent sa passion et ses aspirations. « Je poursuis aussi des études universitaires en espérant trouver une carrière qui me satisfera tout en offrant de la stabilité à ma famille », affirme le jeune violoncelliste. Il n’aspire pas à faire fortune, bien que, plus jeune, il avoue qu’il voulait gagner beaucoup d’argent. En grandissant, il a compris que la véritable richesse est d’être entouré de bonnes personnes pour une vie accomplie. « Il faut prendre soin de ceux qu’on aime tant qu’on en a la possibilité », dit-il. 

Danish Puttyah est parfaitement conscient du chemin parcouru, et qu’il lui reste encore beaucoup à accomplir. « Je suis parfaitement conscient que le succès ne se résume pas à une vie parfaite. Il y aura toujours des déceptions et la véritable récompense, c’est aussi de repenser à toutes les fois où l’on s’est accroché et où l’on est devenu plus fort », affirme-t-il. 

Ainsi, aujourd’hui, dit Danish Puttyah : « Je veux être fier de ce que je fais. Je me dis que ce serait du gâchis de mourir sans avoir accompli quelque chose. Donc, j’encaisse les difficultés en attendant des jours meilleurs. »

Sa mère, son roc

Danish Puttyah n’oublie pas les sacrifices de sa mère, Stephanie, pour les élever, sa sœur et lui. Il affirme qu’elle ne l’a jamais orienté vers une voie particulière, lui offrant un soutien inconditionnel. « Elle a soutenu mes passions et mes ambitions, m’encourageant à être réaliste, humble et patient. Elle souffrait de me voir tant batailler pour réussir à l’école. »

Sa mère, partage-t-il, lui a aussi toujours dit qu’il n’avait pas besoin d’être le meilleur pour réussir. « Elle ne le dit pas souvent, mais elle a tout sacrifié pour que ma sœur et moi ne manquions de rien. Son travail acharné et ses sacrifices garantissent notre bien-être quotidien », précise-t-il.

Des difficultés apaisées par la musique

La musique, pour Danish Puttyah, a toujours été comme une bulle. L’ancien élève du RCC confie à Le Dimanche/L’Hebdo que la musique a apaisé son cœur d’enfant marqué par l’absence de son père et, surtout, les luttes financières de sa mère, Stéphanie, pour lui offrir un meilleur avenir. 

Il évoque les deux années difficiles passées en Italie avec sa famille. « Mes parents n’ont trouvé aucun emploi, si ce n’est des travaux domestiques. À l’école, j’ai été confronté à des difficultés en raison de mes origines et ma personnalité, j’ai subi le harcèlement de mes camarades et des punitions injustes des enseignants. J’ai même été exclu des activités comme le sport et l’orchestre », avoue-t-il.

Il parle également des défis financiers après la naissance de sa petite sœur. « De retour à Maurice, nous avons d’abord vécu chez ma grand-mère, puis dans une région isolée de l’est du pays, sans connaître personne. » Un sentiment constant de vide l’a habité pendant des années, sans accès aux loisirs ni à Internet.

« Ce n’est pas facile d’être un fils sans soutien masculin. Il y a des attentes à remplir et je me sentais souvent perdu et pas à la hauteur », partage le jeune homme.

Ressent-il de la rancune envers son père ? « Privé non seulement d’héritage mais aussi d’attention paternelle, de conversations essentielles comme apprendre à me raser ou à conduire, j’ai été rancunier envers lui », répond-il. Il ajoute que même lorsque son père était présent, il était absent. « Nous parlons parfois. Nous n’avons jamais vraiment tissé de lien et j’ai nourri une colère profonde, incapable d’accéder à ce que les autres enfants tenaient pour acquis. »

Ce n’est que plusieurs années plus tard qu’il a appris à digérer ses sentiments. « La colère ne fait que du mal à toutes les personnes impliquées. Il vaut mieux lâcher prise pour se donner une chance de mieux faire les choses. » Aujourd’hui, il éprouve de la compassion pour son père, gardant l’espoir de jours meilleurs à venir pour toute sa famille. Cependant, il révèle toujours ressentir une tristesse à devoir « apprendre à devenir un homme » sans modèle. 

La bourse d’études

Danish Puttyah souhaitait étudier la musique au niveau du Higher School Certificate (HSC), étant donné que le cours ‘A’ Level Music existe. Cependant, le ministère de lÉducation ne lui a pas permis de concourir pour une bourse d’État avec cette combinaison. Le jeune homme a alors dû en changer. 

Désormais boursier de l’ambassade de France, il compte poursuivre ses études en informatique, tout en continuer à approfondir sa passion pour la musique. 

« Mon plan est d’intégrer un conservatoire pour obtenir un diplôme en musique. J’aurais pu choisir de rester dans mon pays pour mes études, mais j’ai décidé de partir à l’étranger pour rencontrer plus de musiciens et découvrir de nouvelles scènes musicales. Les diverses scènes du monde ont tant à offrir. Ce rêve m’incite à prendre mon envol et à explorer le monde », affirme le jeune homme, qui travaille entre-temps comme téléconseiller. 
Si son instrument occupe son temps libre, il aime aussi lire, et est fan de jeux vidéo. Actuellement plongé dans l’univers des anime japonais, il aime également chanter.

Ses sources d’inspiration musicale

Benjamin Chamarandy est la première source d’inspiration de Danish Puttyah. « Il m’a tout appris et il se donne beaucoup de mal pour me transmettre tout ce qu’il sait. Il a joué sur de nombreuses scènes dans l’océan Indien et en Afrique, et je veux aller encore plus loin. J’espère un jour pouvoir contribuer à Maurice, que je revienne m’installer ou non », ajoute-t-il. 

Il cite également Murielle Marchand, une violoniste. « Nous avons le même âge, mais elle a beaucoup plus d’expérience et joue objectivement mieux. » Il a beaucoup appris d’elle : « Elle m’a montré que seules mes peurs peuvent me limiter et que je suis capable de grandes choses. Elle m’a aussi appris que ce qui compte, ce n’est pas d’être parfait, mais d’aimer ce que nous créons. Elle est un véritable rayon de soleil et j’espère vraiment avoir autant de joie de vivre qu’elle un jour », dit-il.

Quant à Noah Ramah, le jeune homme soutient qu’il s’agit d’un « musicien extraordinaire ». Il est notamment impressionné par le temps qu’il consacre à son piano, l’inspirant ainsi à en faire de même avec son violoncelle.  

Le soutien de Lovebridge 

Le soutient de Lovebridge a été essentiel pour Danish Puttyah. « L’ONG m’a fourni tout le matériel scolaire nécessaire et elle a mis à ma disposition un réseau d’enseignants comme Kewin Ramessur, mon professeur de mathématiques depuis la Grade 9. Les professeurs Burton et Rajub, ainsi que d’autres rencontrés en cours de route, ont façonné mon développement personnel jusqu’à la fin de mes études secondaires au RCC. »

Il n’oublie pas de mentionner Vijay, son psychologue, ainsi que les assistantes sociales Françoise, Yen Mee, Mary-Joyce et Pamela, qui ont apporté joie, rires et soutien à sa famille pendant les moments difficiles. « Elles nous ont aidés à redécouvrir le bonheur de vivre et je leur suis infiniment reconnaissant. »

Son épanouissement au sein de Lovebridge l’a rendu meilleur musicien. Il explique que la qualité de son jeu dépend beaucoup de sa tranquillité d’esprit. Il se dit heureux de la fierté des travailleurs sociaux de Lovebridge et de leur soutien à chaque fois qu’il est sur scène. 

 

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