Au cœur des débats, l’intelligence artificielle est appelée à révolutionner de nombreux secteurs professionnels à Maurice. Le domaine légal ne fait pas exception. Rencontre avec trois avocats qui partagent leur expérience de cette technologie dans leur travail.
Depuis deux ans, Manindra Utchanah, avocat et fondateur du groupe LexTech, a intégré les applications d’intelligence articificielle (IA) dans sa pratique juridique. Au début, il les utilisait principalement pour les traductions juridiques, mais avec l’avènement de technologies telles que GPT-4, il a développé des applications internes qui l’assistent dans diverses tâches, notamment la révision et la rédaction de documents juridiques.
« Je les utilise quotidiennement. Cela m’a permis de gagner un temps précieux dans la rédaction de documents juridiques, m’offrant ainsi un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée », affirme l’avocat. Un temps libre qu’il dit consacrer à l’étude continue du droit et au développement de solutions technologiques juridiques.
Il encourage fortement ses confrères à utiliser l’IA, car il est convaincu que cela permettrait non seulement de gagner du temps, mais aussi d’améliorer l’accès à la justice. À titre d’exemple, son laboratoire de R&D en technologie juridique a développé une application pro-bono visant à automatiser les ordonnances de protection pour les victimes de violence domestique. Grâce à l’IA, il a pu automatiser la rédaction de ces ordonnances en « reformulant automatiquement les témoignages des victimes ».
« L’intelligence artificielle est encore à un stade embryonnaire dans le contexte légal mauricien », fait, de son côté, remarquer l’avocat Shameer Hussenbocus. Il met néanmoins en avant l’importance de se préparer à une utilisation plus répandue de ces outils à l’avenir. « Actuellement, les professionnels du droit qui expérimentent avec l’IA ont développé leurs propres outils ou utilisent des solutions spécialement conçues pour le secteur juridique à l’étranger », explique-t-il.
L’objectif principal de l’intégration de l’IA dans le domaine juridique est d’optimiser l’efficacité et de maximiser le temps disponible pour les autres tâches, précise Me Shameer Hussenbocus, à l’instar de l’avocat Manindra Utchanah. « En économisant du temps, les avocats peuvent offrir des services plus rentables à leurs clients et consacrer davantage d’attention à d’autres affaires. Par exemple, les recherches légales sont traditionnellement chronophages. L’utilisation d’un moteur de recherche IA, qui comprend l’intention, le contexte et le comportement de l’utilisateur grâce au traitement du langage naturel, révolutionne cette tâche cruciale », fait-il ressortir.
Me Shameer Hussenbocus expérimente actuellement l’utilisation d’outils d’IA via la plateforme legal.mu. Il indique que ces technologies peuvent également servir à la rédaction automatique de correspondances nécessaires dans une affaire, grâce à l’apprentissage automatique (« machine learning ») et à la détection de modèles dans les données.
En tant qu’un des pionniers de l’utilisation de l’IA dans le domaine juridique, Me Shameer Hussenbocus encourage vivement ses confrères à adopter ces nouvelles technologies. Il est convaincu que l’IA transformera la profession dans les années à venir, offrant aux cabinets d’avocats et aux services juridiques internes l’opportunité d’explorer de nouvelles approches et de relever des défis.
Et qu’en est-il de la question de sécurité ? Manindra Utchanah reconnaît que c’est une « préoccupation majeure ». Cependant, il affirme que ces risques peuvent être gérés en choisissant des fournisseurs réputés et en suivant les meilleures pratiques de sécurité. Il encourage également les utilisateurs à examiner attentivement les conditions d’utilisation des fournisseurs de services d’IA et à opter pour des applications spécialisées qui répondent aux besoins spécifiques des juristes et des professionnels du droit.
Me Shameer Hussenbocus abonde dans le même sens. La question de la sécurité demeure une « préoccupation légitime » selon lui. L’avocat dit toutefois être confiant que les professionnels du secteur sauront trouver des solutions appropriées pour garantir la protection des données et de la confidentialité.
Me Yuvir Bandhu : « L’IA peut fournir des réponses limitées »
Me Yuvir Sharma Bandhu adopte une perspective plus nuancée concernant l’utilisation de l’IA dans le domaine juridique. Bien qu’il reconnaisse que des applications comme ChatGPT peuvent servir de base de recherche initiale, il souligne la nécessité de les utiliser avec précaution. Selon lui, l’IA peut offrir des « réponses limitées et ne pas être à jour sur les nouvelles législations ».
En tant qu’avocat, Yuvir Sharma Bandhu met en avant le fait que chaque affaire est unique et que chaque client présente des besoins distincts. Il insiste sur le rôle crucial de l’avocat pour fournir des informations et des conseils personnalisés en fonction des besoins spécifiques de chaque client.
De plus, Me Yuvir Sharma Bandhu attire l’attention sur le fait que des problèmes juridiques complexes, tels que les litiges civils ou les contre-interrogatoires dans des affaires criminelles, « ne peuvent pas être résolus de manière adéquate par l’IA ». Il souligne également le devoir de confidentialité des avocats et met en garde contre « l’insertion de données confidentielles dans des applications d’IA ». Ce qui pourrait, prévient-il, « enfreindre le code de déontologie professionnelle ».
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