En sa capacité de Chartered Valuation Surveyor, Kentish Moorghen effectue une analyse du marché de l’immobilier dans le pays et jauge ses forces et ses faiblesses. L’offre ne peut plus dicter le pas, car nous courrons le risque d’une bulle immobilière, est-il d'avis.
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Le secteur de la construction devrait enregistrer une croissance de 7,5 % en 2017. Comment se porte la demande dans le segment de l’immobilier résidentiel ?
La demande immobilière se décline en trois catégories : acquisition de terrain, achat d’un appartement/maison et construction sur un terrain/extension à une résidence familiale existente. Quand on feuillette un magazine spécialisé dans l’immobilier, il existe une panoplie de produits sur le marché, allant des villas aux lopins de terres. Cependant, force est de constater la grande disparité dans les prix et il convient de poser la question sur la capacité réelle des acheteurs locaux pour ces produits. À mon avis, la grande majorité est limitée dans son budget.
Vous conviendrez que les banques sont là pour apporter le soutien financier…
Que la banque offre un financement à 100 % pour le projet immobilier d’un particulier est une rareté. Elle donnerait entre 70 % et 75 %. Normalement, le demandeur devrait apporter des preuves qu’il dispose de la différence. Cela devient un problème majeur pour ceux qui n’en ont pas. Dans d’autres cas, certains sont éligibles pour contracter un prêt pour le montant requis. Puisque ce sont les lignes directrices qui fixent le seuil dans cette fourchette, le particulier n’a pas d’autre choix, si ce n’est que de contracter des prêts individuels pour couvrir cette différence.
Où est-ce que le bât blesse ? Le financement ? L’offre ?
Soyons d’accord sur un point : personne ne peut imposer des restrictions à un promoteur sur la valeur des résidences que sa société est en train de construire. Il investit son argent. Ceci dit, au vu des prix pratiques sur le marché, je suis d’avis qu’il est grand temps de mettre bon ordre, parce que la demande tombe dans une fourchette de prix allant de
Rs 3,8 millions à Rs 5 millions. Or, la grande majorité de résidences en offre avoisine les Rs 8 millions et Rs 9 millions. Si la tendance se poursuit, je crains une surabondance qui, dans la durée, pourrait causer une bulle immobilière.
La crise de 2008 a, non seulement affecté le marché immobilier, mais les fonds immobiliers.»
La bulle immobilière a été le point de départ de la crise financière de 2008. Nous rapprochons-nous de cette situation catastrophique ?
La crise de 2008 a, non seulement affecté le marché immobilier, mais les fonds immobiliers. Certaines de ces institutions financières ont dû mettre fin à leurs activités, car le rendement locatif est tombé à zéro. Par exemple, un fonds obtient un rendement de 4 % sur un investissement immobilier, je ne le vois pas injecter de l’argent dans une formule qui lui rapporterait moins que 4 %, même si le produit n'est plus tangible. Dans une situation où les promoteurs ont des difficultés à vendre leurs appartements, maisons ou terrains, ils n’auront comme choix que de baisser le prix et récupérer leurs investissements ou une partie. On devrait se préparer à un effet-domino sur toute la chaîne. Si nous ne faisons pas attention, il pourrait intervenir à n’importe quel moment.
Est-ce que les appartements à Maurice n’ont plus un rendement attrayant ?
Maurice dispose d’une population de 1,3 million d’habitants. Les High Net Worth Buyers – ceux qui achètent une résidence pour la 2e ou 3e fois parce que c’est une façon d'investir – sont peu nombreux et ont établi des références. Ces références sont comme suit : si je place mon argent en banque, j’aurais, par exemple, un taux d’intérêt de 3 %. Mais si j’achète un appartement à Rs 4 millions, est-ce que le rendement sera de 3 % ou plus ? Ce qui n’est pas nécessairement le cas.
Donc, les nouvelles résidences sur le marché n’ont pas la valeur comme indiquée dans le prix ?
Quand on effectue une étude dans les villes et régions côtières, on ne peut dire avec assurance que tous les appartements ont un rendement locatif décent. Dans certains cas, le rendement est supérieur à 3 %. Dans d’autres, l’acheteur, dont la référence est le taux d’intérêt sur l’épargne, pourrait préférer choisir l’option de dépôt bancaire, qui ne comporte aucun risque.
Certes, le bien immobilier prendra de la valeur. Mais, à ce jour, il n’existe aucune assurance qu’un appartement, acquis à Rs 2 millions ou Rs 3 millions, pourra être revendu au double du prix. Dans des endroits spécifiques, les prix sont appelés à grimper au vu de la demande. Ailleurs, les prix commencent à se stabiliser, parce que l’acheteur a des alternatives. Si un client ne peut se permettre d’acheter un terrain à Rs 32 000 la toise, à Sodnac, par exemple, il ira à Vacoas, Réunion, Henrietta ou La Marie, où il existe des offres à des prix plus raisonnables.
Pourquoi mettre en place une instance régulatrice alors que le secteur a opéré sans ce cadre depuis des décennies ?
C’est comme le secteur bancaire qui tombe sous la responsabilité de la Banque centrale ou les services financiers qui sont régulés par la Financial Services Commission. Dans l’immobilier, là où nous en sommes, une instance régulatrice est plus que jamais d’actualité. Son champ d’action devrait se concentrer sur un rééquilibrage entre l’offre et la demande.
Mais les lois ont été assouplies afin de permettre aux étrangers de procéder à des acquisitions. Pourquoi devons-nous occulter ce fait ?
C’est une bonne nouvelle dans son ensemble. Le seul point noir est que l'on est en train de créer deux marchés en parallèle en termes de prix : celui que paie le Mauricien et celui que débourse l’acheteur étranger. Cette différence est toujours là. Le Bureau du Registrar a la prérogative d’effectuer une réévaluation de chaque acquisition atterrissant dans ses dossiers. Pour y parvenir, ses officiers partent à la recherche de cas comparables. Si ceux-ci ne sont pas uniformes, comment pourront-ils faire la distinction ? Le Bureau du Registrar doit être compréhensif. L’unité vendue à un étranger comporte plus d’aménités avec une finition plus chère. Afin d’y remédier et, étant donné que Maurice est un État de droit, on pourrait construire des résidences spécifiques pour les étrangers, tout en s’assurant de leur intégration harmonieuse dans la communauté mauricienne.
L’instance régulatrice que vous préconisez parviendra-t-elle à remettre à niveau ces inégalités ?
Définitivement. Cette instance apportera plus de professionnalisme dans le secteur et touchera les consultants et agents. Aujourd’hui, l’immobilier est un sujet en soi à l’université. Beaucoup de personnes qualifiées sont sur le marché. C’est la moindre des choses que l’instance régulatrice – en donnant un permis d’opération à des firmes immobilières – tienne compte que le personnel soit qualifié.
Prime Pillar est engagé dans l’évaluation de biens immobiliers. Quelle est votre analyse de ce métier à Maurice?
Un principe fondamental dans l’évaluation est l’indépendance dans le calcul, sans être commandé au gré de l’humeur du client. Nous devons avoir des méthodes d’analyses très pointilleuses. Que ce soit un grand propriétaire terrien ou un particulier, le traitement et l’analyse sont les mêmes. Chez Prime Pillar, nous utilisons plusieurs méthodes afin de s’assurer que la valeur que nous allons écrire sur le document reflète la réalité.
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