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Journée mondiale du refus de la misère : un combat national contre la pauvreté

Journée mondiale du refus de la misère Cassam Uteem, président d’ATD Quart Monde, était sur le plateau de l’emission thématique, aux cotés de Mélanie-Valère Cicéron et Gilbert Bablee.
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Depuis 1987 et dans le monde entier, le 17 octobre marque la Journée du refus de la misère. Cassam Uteem, ancien président de la République et président de l’association ATD Quart Monde de Maurice, était l’invité de l’émission thématique. L’équipe d’Xplik ou K s’est aussi rendue sur le terrain pour un constat.

Quel est le rôle de l’association ATD Quart Monde ?

ATD Quart Monde est une organisation internationale qui existe depuis un peu plus de 60 ans. Elle a été créée par le prêtre catholique, Joseph Wresinsk, qui habitait la cité de Noisy-le-Grand, en France. Il vient d’une famille pauvre et il a vécu auprès des pauvres. C’est ainsi qu’il a eu l’idée de mettre sur pied cette organisation, présente aujourd’hui dans une quarantaine de pays.

Cassam Uteem qui est le président d’ATD Quart Monde à Maurice explique qu’il faut donner la parole aux pauvres. « Ils savent ce qu’ils vivent et ils connaissent leurs besoins mieux que personne d’autre. On ne pourra avoir une politique d’éradication de la pauvreté si on n’est pas à l’écoute des pauvres. » L’ancien président de la République ajoute que combattre la pauvreté n’est pas une question de charité. « Selon le mouvement ATD Quart Monde, combattre la misère commence avant tout par une question de droits. Les pauvres ont tous les droits comme tout autre individu. C’est à travers ces droits que ce problème pourra être résolu. La lutte contre la pauvreté, c’est la lutte pour les droits de l’homme, le droit à la vie, à la nourriture, au travail et au salaire adéquat, entre autres. »

Selon Cassam Uteem, « tout individu ayant des revenus de moins de $1,90 à $ 2 américains (environ Rs 70) par jour, d’après la définition internationale, est considéré comme pauvre. Cependant, chaque pays a ses propres caractéristiques et sa manière de calculer le taux de pauvreté », dit-il.

Il y a la pauvreté absolue et la pauvreté relative. « Il se peut que quelqu’un ait plus de 2 ou 3 dollars par jour mais qu’il ou elle se trouve dans une situation précaire. Aujourd’hui dans le monde, il y a 783 millions de personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté. Ces gens se trouvent dans deux régions principales : l’Asie du sud et l’Afrique sub-saharienne qui se trouve dans notre région. Il y a quelques jours, le secrétaire général des Nations unies a évoqué les 820 millions de personnes qui souffrent et qui sont sous la menace de la famine. Alors que nous produisons beaucoup plus que les besoins de la population mondiale de 7 milliards de personnes. Ce nombre est énorme. » Concernant les efforts de l’État, Cassam Uteem explique que le combat de la pauvreté est national et pas uniquement celui des pauvres ou du gouvernement.

« Il faut tous se sentir concernés. Le bureau des statistiques a récemment publié des chiffres concernant la pauvreté qui, selon moi, ne sont pas fiables. Il faut descendre sur le terrain, aller dans les villages côtiers et les faubourgs des villes afin de constater la situation réelle des familles vivant dans des conditions d’extrême précarité. La situation est sérieuse », dit-il.  Il ne manque pas de préciser que ce n’est pas en créant un seul ministère que le problème sera résolu. « Tous les ministères sont concernés et il faut une coordination entre eux pour éradiquer la misère », avance Cassam Uteem. L’ancien président de la République a aussi félicité tous les membres des familles pauvres pour tous les efforts qu’ils font afin de sortir la tête de l’eau. « Je salue leur courage et leurs sacrifices ! »


La situation du logement

Le problème du logement est un élément essentiel permettant de lutter contre la pauvreté. « Malheureusement, il n’y a pas de politique de logement cohérente. Il y a des organismes responsables pour la construction des maisons par rapport aux classes sociales. Il faudrait une politique de logement qui donne la possibilité d’avoir une cohésion sociale », estime Cassam Uteem. Si nous prenons l’exemple de la construction des cités après le cyclone Carol dans les années 1960, une catégorie de personnes a été logée dans une cité et d’autres, d’une autre communauté, dans une autre cité. L’intégration des personnes de différentes communautés et couches sociales est très importante », dit le président d’ATD Quart Monde.


Alain Wong, ministre de l’Intégration sociale : « Le combat de tous »

« Il ne faut pas attendre une journée spéciale pour prendre des actions. Tout le monde en parle aujourd’hui (Ndlr : 17 octobre). C’est un combat auquel nous devons tous participer. Nous avons organisé plusieurs activités. Les Mauriciens sont généreux en général. Il ne faut pas que la générosité devienne un obstacle au combat contre la pauvreté. Il faut tendre la main de façon à ce que ce soit un accompagnement des démunis afin qu’ils puissent s’en sortir. Au cas contraire, cela pourrait devenir un cercle vicieux, de génération en génération. »


Viken Vadevaloo, manager de l’ONG ANFEN

Viken Vadevaloo est le responsable de l’ONG ANFEN qui accueille les enfants vivant dans des conditions précaires. Certains se retrouvent souvent discriminés dans le domaine de l’éducation. « Il ne faut pas regarder les pauvres avec des yeux de riches. Nous avons tendance à croire qu’aujourd’hui, ces gens se sont mis dans cette situation de leur propre gré. C’est totalement faux », s’exclame Viken Vadevaloo. Il ajoute que beaucoup d’enfants ratent l’école dès la maternelle parce que l’école est payante. « Arrivé à l’école primaire, cet enfant a déjà un handicap. Il ou elle accumule du retard et cela ne lui permet pas de se rattraper. Un enfant vivant dans des conditions sociales précaires ne peut pas s’épanouir », indique Viken Vadevaloo.

« À ANFEN, nous avons mis en place un système psychosocial où les enfants sont suivis par un psychologue. Le programme d’ANFEN coûte
Rs 500  000 par an dans une région où il y a un psychologue. Nous sommes une ONG qui existe depuis 17 ans et nous avons le soutien du secteur privé. Nous pensons que le gouvernement peut facilement injecter ces fonds tous les ans pour aider et être à l’écoute d’un enfant ayant ces difficultés », précise le manager d’ANFEN.


La joie de vivre malgré la pauvreté

Kavi Gajanah, membre de l’équipe d’Xplik ou K, s’est rendu à Panchvati à Rivière-du-Rempart. « C’est un endroit oublié des autorités. Certains vivent à la lumière des bougies et le souci principal, c’est le manque de transport surtout pour ceux qui doivent aller travailler, indique-t-il. Cependant, l’ordre et la discipline règnent malgré tout. Le plus étonnant, c’est qu’ils gardent le sourire et leur joie de vivre. Ils se débrouillent comme ils peuvent et certains cultivent la terre pour s’en sortir. »


Constat sur le terrain

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La mère de famille en compagnie d’un de ses enfants.

Sharon, 21 ans et habitante de Résidences La Cure, est mariée et mère de deux enfants. Ils vivent dans une maison de deux pièces en bois et tôle. « Les trous sont bien visibles dans les morceaux de bois et les feuilles de tôle, et l’évier tombe en ruines. Dans l’unique chambre à coucher, il y a une armoire pour quatre personnes et pour la salle de bains, un tuyau raccordé au robinet leur sert de douche, a décrit Najette Toorab de l’équipe de Xplik ou K, lors du direct. Malgré le fait qu’ils vivent avec le strict minimum, ils sont très ordonnés. »

« Kan lapli tombe lakaz-la koule. Zis mo misie ki travay, li gagn zis Rs 200 par jour », confie Sharon. Elle ajoute qu’ils doivent de débrouiller avec cette somme pour manger et pour les enfants. Concernant la nourriture, elle précise : « Parfwa ena, parfwa pena. » De temps à autre, Sharon peut compter sur l’aide de sa mère et de sa belle-mère.


Journée du refus de la misère au Jardin Balfour

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La Journée contre le refus de la misère a été célébrée le 17 octobre au Jardin Balfour en présence d’une centaine d’enfants de différentes régions.

Christopher Sowamber, journaliste, a rencontré des ONGs présentes au Jardin Balfour à Beau-Bassin, le 17 octobre. À l’heure de son intervention dans l’émission, une centaine d’enfants étaient présents. Alain Moonien, directeur de l’association Terre de Paix, a expliqué pourquoi il est important de commémorer cette journée. « La misère est inacceptable. Nous avons prévu aujourd’hui de montrer qu’il y a de nombreux talents pour combattre la misère », précise-t-il. « Je suis conscient qu’il y a de nouveaux enjeux. Il y a la drogue, l’alcoolisme et les drogues synthétiques qu’il faut aussi gérer. Nous organisons trois ateliers sur la misère et l’éducation, la misère et la sécurité alimentaire, et le développement culturel et la misère ». L’Ong ABAIM, qui a 40 ans, était aussi de la partie au cours de cette journée qui s’est déroulée de 10 heures à 17 heures.


Shawana et Marie témoignent sur le plateau

Shawana et Marie.
Shawana et Marie.

Shawana, de Plaine-Verte, est locataire. Enceinte, elle vit dans une pièce avec trois autres personnes. Sur le plateau de Radio Plus, elle précise qu’elle a dû se séparer d’un de ses enfants à cause de la pauvreté. Son époux est maçon mais son emploi n’est pas fixe, dit-elle.  « J’ai été obligée de confier mon deuxième enfant à ma belle-mère car nous avons des difficultés pour trouver à manger et nous vivons dans un espace limité. Nous cherchons une autre maison mais les loyers sont au-dessus de nos moyens. À la National Empowerment Foundation on nous a dit que nous devions posséder un terrain pour bénéficier d’une aide. » Elle a confié qu’elle n’était pas préparée pour l’arrivée du bébé qui doit naître en janvier.

Marie, l’autre invitée sur le plateau, affirme avoir tout fait pour sortir de la misère. « J’ai dû parfois enchaîner deux boulots pour nourrir mes enfants et survivre. J’ai un diplôme mais je suis retombée dans la pauvreté à cause de la violence domestique. Avec le Social Register Mautitius, je n’obtiens que Rs 2 000 pour mes cinq enfants » ,

dit-elle. Marie, qui rêve d’ouvrir un commerce comme entrepreneuse, indique qu’il n’est pas facile de démarrer. « Je suis une battante, j’ai envie de me reprendre en mains et je ne baisserai pas les bras », insiste-t-elle.

 

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