Société

Journée internationale de la femme - Égalité des sexes: la peur du changement toujours tenace

Le 8 mars est l’occasion de réfléchir aux avancées faites en ce qui concerne les droits de la femme dans la société. À Maurice, elle semble avoir pris sa place mais pas suffisamment, à en croire nos interlocuteurs. Cette vague de changements apportant son lot d’incompréhensions, mais aussi d’incompris… De présidente à maçonne, en passant par chauffeur de poids lourds et directrice d’entreprise, la femme mauricienne est désormais partout ! Les mentalités changent et la société évolue. Certes, l’égalité des sexes, dans sa globalité, est un concept qui sonne de moins en moins creux, tant sur le marché du travail que dans l’attitude de beaucoup. En revanche, l’angoisse que génère ce changement est toujours très tenace dans notre société ô si longtemps patriarcale. Avoir davantage de femmes dans le monde du travail n’est pas sans conséquences, soutient Serge, 74 ans, ex-employé dans le secteur du judiciaire. Bien qu’il apprécie grandement de voir plus de femmes dans les différentes sphères de la société, il dit craindre le vide que cela laisse au sein de nombreuses familles. « Lorsque la femme rentre du travail, elle n’a pas la même énergie pour s’occuper des enfants. Ils sont livrés à eux-mêmes avec tous les fléaux sociaux », lance le septuagénaire. Il concède néanmoins que le fait que les deux conjoints travaillent permet d’améliorer les conditions de vie de la famille. Cependant, souligne-t-il, il est tout aussi important de faire attention aux valeurs. Pour Gassen, 60 ans, et Davissen V., 24 ans, qui travaillent respectivement au sein d’un corps parapublic et d’une compagnie d’assurances, l’émancipation de la femme rime aussi avec davantage de conflits familiaux. « Quand elle doit se lever tôt pour aller travailler, c’est au détriment des enfants et de la famille », lance le jeune homme. Le sexagénaire estime, pour sa part, que la femme, en s’émancipant, a pris certaines libertés. Plus autonome et moins dépendante de son conjoint, « elle ose prendre des décisions et participer à des activités sans solliciter le consentement de son partenaire. Ce qui peut entraîner des conflits au sein de la famille », explique-t-il.

« La femme ose davantage »

Il voit ainsi d’un mauvais œil que des femmes soient employées comme receveuses d’autobus ou maçonnes, et des hommes comme cleaners. « Pour les métiers plus durs, la femme ne peut pas faire autant qu’un homme peut faire, comme soulever des briques ou des pochettes de ciment », martèle-t-il. Toutefois, nos deux interlocuteurs apprécient l’évolution de la femme au sein de la société. Gassen impute cela à l’accès à l’éducation dont la femme bénéficie et qui porte ses fruits. Il est vrai que le temps où les enfants rentraient de l’école et étaient accueillis par leur maman est quasi révolu, avoue Martine Leung, 35 ans et responsable des ressources humaines. « La femme a un peu perdu ce rôle-là, mais cela a incité certains hommes à prendre un peu plus de responsabilités », nuance-t-elle. Cependant, ajoute-t-elle, la femme conserve malgré tout cette sensibilité maternelle qui fait que quand un enfant est malade, c’est elle qui reste à la maison pour s’occuper de lui. « C’est rare de voir des papas s’absenter pour cela », indique Martine Leung. Et ce serait en raison de leur « disponibilité » que les hommes sont privilégiés pour certains postes, avance Kathy S., Senior Sales Executive. Du coup, précise-t-elle, bien souvent le genre supplante les compétences. La jeune femme soutient qu’il y a encore un long chemin à parcourir pour qu’on arrive à parler véritablement d’égalité des sexes. Elle considère que la femme n’a pas encore atteint le même niveau que les hommes. Pour ce faire, cela devrait commencer à la maison, fait-elle ressortir. « Ce n’est pas dans tous les foyers qu’on verra des hommes dans la cuisine, à faire le ménage, à mettre les vêtements à sécher ou encore à s’occuper du bébé. Bien que cela commence à prendre de l’ampleur, certains hommes estiment que l’intérieur de la maison ne concerne que la femme, tandis qu’eux s’occupent du nettoyage de la cour », argue-t-elle. Selon Kathy S., malgré l’évolution qu’a connue notre société, elle demeure toujours patriarcale. Bien qu’on parle d’émancipation de la femme et qu’on reconnaisse ses compétences, son salaire tarde à évoluer, font remarquer nos interlocuteurs. « Le principe ‘à travail égal, salaire égal’ prend du temps à s’installer », estime Martine Leung. Ce qui a poussé certaines femmes à lancer leur propre entreprise où elles arrivent à briller, ajoute, de son côté, Pamela Pancham. Pour cette chef d’entreprise spécialisée dans la décoration événementielle, la femme a pu transcender les préjugés destructeurs de la société pour être des entrepreneurs. « De nombreuses sociétés dirigées par des femmes sont très bien positionnées sur le marché et affichent souvent une rentabilité plus qu’honorable », dit-elle avec force. Le pays compte, désormais, une femme comme présidente de la République et une autre au poste de Speaker de l’Assemblée nationale. Est-ce une utopie d’avoir une femme Premier ministre ? « On a envie mais on a peur du changement », conclut Kathy S.  
 

Thème 2016: «La parité en 2030 : avancer plus vite vers l’égalité des sexes !»

Le thème 2016 pour la Journée internationale de la femme, décrétée par l’Organisation des Nations unies (ONU), veut mettre l’accent sur les moyens d’accélérer le programme de développement durable à l’horizon 2030. Il est aussi question de mettre en place un élan pour la mise en œuvre des nouveaux objectifs de développement durable, en particulier l’objectif 5 sur l’égalité des sexes et l’objectif 4 sur l’éducation de qualité pour tous. Les cibles clés du programme:
  • Faire en sorte que toutes les filles et tous les garçons suivent, sur un pied d’égalité, un cycle complet d’enseignement primaire et secondaire gratuit et de qualité, qui débouche sur un apprentissage véritablement utile, conformément à l’objectif de développement durable 4 ;
  • Faire en sorte que toutes les filles et tous les garçons aient accès à des activités de développement et de soins de la petite enfance et à une éducation préscolaire de qualité qui les préparent à suivre un enseignement primaire ;
  • Mettre fin, dans le monde entier, à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles ;
  • Éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violences faites aux femmes et aux filles, y compris la traite et l’exploitation sexuelle et d’autres types d’exploitations ;
  • Éliminer toutes les pratiques préjudiciables, telles que le mariage des enfants, le mariage précoce ou forcé et la mutilation génitale féminine.
 
 

Aurore Perraud, ministre de l’Égalité des genres: «Il est toujours difficile de changer les mentalités»

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"12521","attributes":{"class":"media-image alignleft wp-image-20549","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"480","alt":"Aurore Perraud"}}]]La femme est de plus en plus présente à des postes à responsabilité et dans des métiers autrefois « réservés » aux hommes. Est-ce dire que la société a évolué et qu’elle est moins patriarcale ? Ce n’est malheureusement pas le cas dans les sociétés privées. Nous constatons, de nos jours, qu’au niveau des institutions publiques, la femme arrive à gravir les échelons, mais au niveau des compagnies privées, c’est un peu plus difficile. Elles peinent à avancer. Il y a beaucoup de travail à faire à ce niveau. Il ne faut pas oublier que malgré toutes les campagnes de sensibilisation, les lois et les actions, il est toujours difficile de changer les mentalités. Il reste beaucoup à faire. Une femme présidente de la République, une autre Speaker à l’Assemblée nationale… Peut-on envisager de voir un jour une femme Premier ministre ? Ce gouvernement a démontré qu’il reconnaît les compétences de la femme. Elles sont au pouvoir et elles font bien. C’est mon rêve, comme celui de nombreuses personnes, de voir un jour une femme accéder au poste de Premier ministre, être leader d’un parti. C’est possible. Il faut y croire. Quel est votre message à la population en cette journée où les femmes sont à l’honneur ? Au niveau du ministère, nous avons organisé toute une série d’activités qui visent différents publics, qu’il s’agisse des collégiens, des hommes ou des femmes. Je ne cesse de le répéter : nous ne pourrons pas avancer sans que les femmes, comme les hommes, ne se décident à faire progresser les choses. À l’occasion cette Journée internationale de la femme, nous lançons un appel à tous les Mauriciens pour qu’ils participent, d’une façon ou d’une autre, à une des activités que nous proposons. Cette année, nous avons choisi pour thème l’égalité entre hommes et femmes.  
 

Sheila Malloo: au service des autres

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"12519","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-20547","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"480","alt":"Sheila Malloo"}}]]La Journée internationale de la femme permet de dresser un bilan des progrès réalisés en ce qui concerne les conditions de la femme. Elle permet aussi de souligner les actions courageuses prises par certaines femmes qui ont eu de grandes retombées. Sheila Malloo fait partie des pionniers de la création de la Thalassemia Society of Mauritius. Cette association vise à soutenir et à accompagner les enfants atteints de cette maladie ainsi que leurs parents. Avec le soutien de sponsors, l’association a pu faire installer des salles dédiées aux thalassémiques dans trois de nos hôpitaux : l’hôpital SSRN, Dr. A. G. Jeetoo et Victoria. Chef de réception à l’hôtel LUX* Belle-Mare, Sheila Malloo est mariée et mère de deux enfants, dont un fils de neuf ans atteint de thalassémie majeure – une maladie rare qui peut avoir de lourdes conséquences sur le malade qui a régulièrement besoin de transfusion sanguine. C’est avec courage et détermination qu’elle accompagne son enfant à l’hôpital pour son traitement. Cela, bien qu’elle ait un métier prenant. Avec le soutien de son employeur, elle arrive à accomplir cette tâche car cette transfusion est parfois dure à subir. « C’est un grand soulagement pour moi de pouvoir être avec lui à ce moment-là », explique la jeune femme. Mais le suivi médical doit être bien strict, souligne-t-elle, afin de pouvoir mener une vie plus ou moins normale. « Il n’y a pas de guérison pour cette maladie. Il faut un bon suivi et veiller à ce que son taux de fer dans le sang ne monte pas. Il faut aussi faire en sorte de ne pas l’exposer aux personnes qui ont la fièvre. » Membre exécutif de l’association, elle aide d’autres familles qui sont dans la même situation qu’elle à comprendre cette maladie, à bien prendre en main l’enfant atteint, à ne pas se laisser aller, voire sombrer dans la dépression.
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