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Jonathan Ravat : «La lutte contre la pauvreté ne pourra être gagnée du jour au lendemain»

Le Dr Jonathan Ravat, directeur de l’Institut Cardinal Jean Margéot (ICJM) et anthropologue des religions, souligne l'importance de la participation tant du gouvernement que de la société civile et des organisations non gouvernementales (ONG) dans le combat contre la pauvreté. Selon lui, cette approche est également indispensable dans la lutte contre la drogue.

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À votre avis, est-ce que le gouvernement a perdu sa bataille contre la pauvreté dans le sens qu’il y a toujours un bon nombre de familles vivant dans la précarité dans le pays ?
Non. J’invite les gens à dépasser la notion de victoire ou de bataille contre la pauvreté. En fait, la pauvreté et la misère, qui sont liées, nous collent à la peau depuis des millénaires. On ne peut pas imaginer réduire ou détruire la pauvreté dans un laps de temps précis. Je pars du principe qu’il faut aller plus loin. La lutte contre la pauvreté est, bien sûr, un combat. L’important n’est peut-être pas d’éradiquer la pauvreté, mais plutôt de la réduire au maximum et tout ce dont elle suppose. C’est-à-dire l’inégalité, l’écart et surtout en termes d’injustice. 

Il y a aussi le phénomène d’une pauvreté collective qui prend de l’ampleur… 
Vous avez parfaitement raison. Le phénomène de pauvreté en groupe est un autre problème dont il faut impérativement tacler et une autre stratégie doit être employée. Je pense que tout gouvernement doit avancer dans le laps de temps qui lui est donné sur ces deux fronts, à savoir la pauvreté individuelle et la pauvreté collective.

 Il y a des choses que le gouvernement ne peut pas faire et que les ONG peuvent.

Vos opinions sur les initiatives du gouvernement pour aider les nécessiteux ?
Les recherches prouvent que le ministère de la Sécurité sociale est un moyen indispensable pour implémenter des mesures visant à encadrer ceux qui sont en situation de pauvreté. Le défi c’est de voir comment les initiatives, qui découlent du ministère de la Sécurité sociale, peuvent être encore plus pointues. Est-ce que nous disposons d’un mécanisme permettant de vérifier si tous les nécessiteux du pays sont en train de bénéficier des facilités qui leur sont accordées ? Il faut assurer la fluidité du service entre le ministère et les bénéficiaires. 

N’oublions pas qu’il y a la NEF et la NSIF…
Dans le même ordre d’idée, il y a les deux bras : la National Empowerment Foundation (NEF) et la National Social Inclusion Foundation (NSIF). Ce sont des organismes qui sont en faveur du combat contre la pauvreté. Mais je répète une fois de plus. La lutte contre la pauvreté ne pourra pas être gagnée du jour au lendemain. La NEF est en train de vivre une restructuration en mettant en avant le Community Welfare Group (CWG) et je ne peux que saluer ce réaménagement. Si la NEF va jusqu’au bout de sa réforme et si le CWG est implémenté, il y aura de grands changements, car le but est de rassembler les partenaires afin de se focaliser sur les quartiers. Le CWG sera la réponse à la pauvreté collective. Il faut dire que j’étais très critique envers le ministère de l’Intégration sociale lors de sa création. Mais ledit ministère a fait son bout de chemin et il y a eu des initiatives pour aider les nécessiteux.

Pensez-vous que le gouvernement est en train de faire suffisamment pour éradiquer la pauvreté ?
Le problème c’est que ce ne sera jamais suffisant. Le gouvernement aura toujours besoin de ressources, de personnel et de temps. Il y a un travail qui est en train d’être fait et qui vaut la peine d’être consolidé. Le danger c’est de croire qu’il n’y a que le gouvernement qui doit être à bord. Il y a des choses que le gouvernement ne peut pas faire et que les ONG peuvent. Il y a, par exemple, le ‘nation building’ que l’État peut soutenir à sa façon. Mais il faut également le coup de main du privé et de la société civile. Cela suppose qu’il faut reconnaître vraiment la pertinence et l’originalité de la société civile.

On ne pourra pas éradiquer le fléau de la drogue sans s'attaquer au problème de blanchiment d’argent. 

Le fléau de la drogue fait ravage dans les poches de pauvreté et autres milieux défavorisés. Quel est votre constat ?
Le phénomène de la drogue est partout. On a tendance à considérer que le fléau de la drogue gangrène uniquement les poches de pauvreté. Je ne dirai pas le contraire. Ce n’est pas impossible que des poches de pauvreté soient des foyers pour le trafic et la consommation de drogue. Mais il est bon de souligner que certaines sociétés ne sont pas ‘tagged’ et où le fléau de la drogue est bel et bien présent. Je suis d’avis qu’il faut implémenter une approche multisectorielle et collective afin de mener un combat contre la drogue. 

La grosse quantité de drogue saisie quotidiennement est choquante…
Je ne vais pas dire que le gouvernement a perdu la bataille contre la drogue. Je dirai plutôt que le gouvernement est en train de mener une bataille, comme telle est le cas pour la pauvreté, qui est inégale. La lutte menée par le gouvernement est nécessaire. Mais il y a la nécessité de diversifier le combat en commençant par penser en dehors de la boîte. Parallèlement, quand on constate l’ampleur du trafic de drogue dans l’océan Indien, on peut comprendre qu’on soit dépassé. Ou même qu’un gouvernement soit dépassé. Il y a non seulement le trafic de drogue, mais également le blanchiment d’argent. C’est évident. On se met les doigts dans l’œil si on pense éradiquer le fléau de la drogue sans s'attaquer au problème de blanchiment d’argent. 

Vous essayez donc de dire que le problème de pauvreté et celui de la drogue seraient liés ?
Bien sûr. Cette analyse souligne l’importance de ne pas considérer ces deux enjeux de manière isolée, mais plutôt de les aborder dans une perspective globale. En effet, il existe des liens étroits entre ces deux problématiques, qui méritent d’être explorés.

  • defimoteur

     

 

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