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Jane Ragoo, syndicaliste : «Nous appréhendons une croissance sans emploi»

La secrétaire de la Confédération des Travailleurs du Secteur Privé (CTSP), Jane Ragoo, trouve que 2021 sera moins difficile sur le plan économique, mais que cela n’empêchera pas des licenciements.

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Quelle est votre analyse du monde du travail en ce début d’année ?
Comme plusieurs autres pays du monde, Maurice souffre aussi des graves séquelles économiques dues à la pandémie de la Covid-19. Seul un fou dira que le pays ne connaît pas de récession économique. Toutefois, il est bon de souligner que le Fonds Monétaire International (FMI) a révisé à la hausse ses prévisions pour la croissance économique mondiale. Ce qui augure, je l’espère, que la situation économique du pays ne pourrait pas être pire qu’en 2020. Toutefois, ce qui m’attriste, c’est que des opérateurs privés profitent de cette récession pour licencier des employés touchant un salaire fort pour recruter de la main-d’œuvre à moins cher. Cette situation provoque une psychose dans le monde du travail. Nous les mettons en garde, la CTSP ne les laissera pas faire.

Moody’s prévoit une croissance économique de 7,8 % pour Maurice en 2021. Ne pensez-vous pas que cela pourrait atténuer d’éventuels licenciements massifs dans un certain nombre de secteurs ?
Comme je l’ai dit, le FMI aussi a révisé ses prévisions à la hausse. Mais pour moi, cela ne veut rien dire, car on pourrait connaître une croissance sans emploi (jobless growth). Il se pourrait aussi que les entreprises investissent davantage dans la technologie de pointe et améliorent ainsi leur productivité, tout en dégraissant une partie de leur personnel. En d’autres mots, la machine va remplacer l’homme. C’est pour cette raison que la CTSP ne cesse de prôner une diversification de notre économie. On peut exploiter de nouveaux secteurs économiques qui pourront générer de l’emploi. 

Ce qui m’attriste, c’est que des opérateurs privés profitent de cette récession pour licencier des employés touchant un salaire fort pour recruter de la main-d’œuvre à moins cher" 

Plusieurs secteurs, dont le tourisme, ont été fragilisés par cette pandémie. Pensez-vous que le gouvernement doit maintenir le Wage Assistance Scheme au-delà de juin 2021 ?
J’estime qu’il faut maintenir le Wage Assistance Scheme aussi longtemps que des entreprises seront en difficulté afin de prévenir autant que possible des licenciements. Au cas contraire, le pays risque de se trouver avec 60 000 chômeurs sur le dos, ce qui pourrait déboucher sur une instabilité sociale et politique. 

Mais le leader du MMM, Paul Bérenger, est d’un avis contraire. Lors d’une récente conférence de presse, il a dit que si les entreprises ne peuvent pas licencier, cela va les conduire à la faillite et à la fermeture. Qu’en pensez-vous ?
J’ai été vraiment choquée par les propos de Paul Bérenger, un ancien syndicaliste de surcroit !  Pourquoi ne dénonce-t-il pas les entreprises qui profitent de cette récession économique pour détruire des emplois durables et favoriser des emplois précaires ?

La Contribution Sociale Généralisée (CSG) continue à faire polémique et la CTSP est la seule à défendre ce nouveau concept. Pourquoi ?
Il n’est pas possible de comprendre la CSG sans faire une analyse en profondeur du Plan National de Pension (NPF) introduit en 1978 pour une durée de vie de 40 ans, soit jusqu’à 2018. Deux problèmes se posaient en ce qui concerne le NPF. Primo, la pension maximale était de Rs 6 000 et secundo, la contribution se faisait sur le salaire de base et non sur les rémunérations. Ce qui fait que les pensionnaires du privé touchaient une moyenne de Rs 4 000 sur un plafond de Rs 6 000.  Il y a aussi le fait que Maurice a un faible taux de natalité et plusieurs jeunes mauriciens immigrent sous d’autres cieux après leurs études universitaires. C’est ainsi qu’au fil des années, de moins en moins de personnes ont contribué à ce fonds, ainsi que certains employeurs. Le NPF, en fin de compte, était voué à la faillite. 

Qu’on le veuille ou non, la CSG est la réponse à ce problème. Il transforme la pension en une allocation de retraite basée sur une contribution solidaire. C’est une allocation fixe et uniforme pour tout le monde. Les 250 000 personnes qui touchent un salaire minimal n’auront plus à retourner dans le monde du travail après l’âge de la retraite, car ils vont toucher une allocation de retraite qui va les permettre de vivre.  Bien sûr, la CSG doit être soutenue par un cadre légal pour ne pas ouvrir la porte à des abus. 

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