La compagnie sucrière de Medine lutte pour sa survie, a soutenu le ministre de l’Agro-industrie, Mahen Seeruttun. L’occasion pour nous de faire le point sur l’industrie cannière dans son ensemble. Qui sont aujourd’hui les acteurs majeurs de ce secteur ? Qui tire les ficelles ? Eléments de réponse.
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L’industrie cannière, autrefois appelée industrie sucrière, est aujourd’hui construite autour d’environ 15 000 planteurs, une dizaine de grandes compagnies sucrières, quatre usines, deux raffineurs et deux producteurs d’électricité. Centralisation faisant, pour réduire les coûts de production, le nombre de compagnies sucrières, usines et raffineurs a connu une forte baisse ces dernières années. Alors que certains ont tout bonnement disparu ou été rachetés, d’autres ont fusionné pour être mieux armés face aux défis qui se présentent dans le secteur avec la fin du prix garanti pour le sucre mauricien exporté vers l’Europe.
L’industrie compte cinq grands groupes. Ils possèdent tous de grandes superficies de terres et ont diversifié leurs activités dans différents secteurs. Quatre d’entre eux possèdent des usines.
Terra
Jusqu’à son rebranding en 2011, le groupe Terra portait le nom de Société Harel Frères. Celle-ci a été fondée en 1838 par Victor, Charles et Eugène Harel, fils de Charles Pierre Harel. Le but initial était d’acheter le domaine de Belle-Vue, à Pamplemousses. Jusqu’ici, le village demeure le centre névralgique de Terra.
La société a pris de l’ampleur grâce à des acquisitions. Les principales ont été l’achat des compagnies sucrières de Solitude (1925), de Labourdonnais (1915) et de Beau-Plan (1940). Plus récemment, il y a eu la fusion entre Harel Frères et la compagnie sucrière The Mount. À l’international, Terra possède également deux sucreries en Côte d’Ivoire.
Elle ne se limite cependant pas qu’au sucre. Elle produit et distribue du rhum, mais aussi du vin et autres spiritueux, des produits alimentaires ainsi que des cosmétiques à travers Grays Inc. Au début des années 90, elle a créé United Basalt Products (UBP). Elle est aussi présente dans la construction, avec Rehm Grinaker, et est un gros actionnaire de la compagnie d’assurances SWAN (34,03 %). Terra est le principal actionnaire de Harel Mallac.
Terra compte 1 300 employés, produit 77 500 tonnes de sucre en moyenne par an, et possède une centrale thermique avec Terragen Ltd, anciennement Compagnie Thermique de Belle-Vue Ltée. Le dernier gros développement du groupe est la création de Sagiterra Ltd. Ce promoteur foncier a déjà mis plusieurs produits sur le marché, dont le Domaine de Bon Espoir, le Domaine de Belle Vue et le Beau Plan Business Park.
Le groupe possède 29,03 % d’actions dans United Investment Ltd (UIL), un gros actionnaire d’Attitude Resorts, propriétaire de huit hôtels de moyenne gamme, et de bien d’autres compagnies. Terra projette d’ériger une smart city dans les environs de Pamplemousses. Si la famille Harel demeure le principal actionnaire, le groupe compte maintenant plus de 1 600 actionnaires.
Médine
Tout a commencé avec les frères Raffray qui ont racheté Meedine à une banque, le Crédit foncier, en 1911. En 1968, la compagnie a été rachetée par Flacq United Estates Ltd (FUEL). Elle se consolide en rachetant d’autres compagnies sucrières au fil du temps. En 2001, Médine est séparée de FUEL mais reste le principal propriétaire foncier du pays. Le groupe cultive de la canne sur 3 316 hectares de terre, principalement sur la côte ouest.
Médine produit de l’électricité grâce à sa centrale thermique. Elle est propriétaire du projet Integrated Resort Scheme (IRS) Tamarina Golf Club, du Tamarina Boutique Hotel, du parc de loisirs Casela et du centre commercial Cascavelle, entre autres. Ses deux gros projets en attente sont la Médine Smart City et le Wolmar Coastal Village qui s’étendront sur plus de 450 hectares. Parmi les gros actionnaires de Médine, on retrouve les familles Leclézio, Giraud, Doger de Spéville et Gujadhur.
Omnicane
Anciennement Mon Trésor & Mon Désert Ltd (MTMD), le groupe porte le nom d’Omnicane depuis juillet 2009. Son histoire remonte à 1850. Différentes compagnies en étaient propriétaires (Lornho, Illovo Sugar Ltd et la holding BBHM jusqu’en 2009). Depuis 2010, toutes les cannes à sucre coupées dans le Sud sont acheminées à l’usine de La Barque, appartenant à Omnicane. Cette dernière est aussi le fruit de la fusion entre la Société Union Saint Aubin, la Compagnie de Beau Vallon Limitée, Savannah Sugar Estates Co et la Compagnie Sucrière de Riche-en-Eau Ltée, entre autres.
Elle a également racheté la compagnie sucrière de Highlands. Elle raffine du sucre, produit de l’électricité, de l’alcool et de l’éthanol, parmi bien d’autres activités. Omnicane est le premier des grands groupes à avoir obtenu son Smart City Certificate pour son projet Mon Trésor Smart City, situé près de l’aéroport de Plaisance.
Alteo
Alteo a vu le jour en 2012 avec la fusion de Deep River Beau Champ et FUEL. Ces compagnies appartenaient respectivement au groupe CIEL – qui a pour principal actionnaire la famille Dalais – et à GML Investissement dont le principal actionnaire est la famille Lagesse. Au niveau de l’actionnariat, CIEL détient 20,96 % d’Alteo et GML Investissement 26,92 %.
Alteo est à la fois raffineur et producteur d’électricité. Elle est propriétaire de deux centrales thermiques. Elle a aussi diversifié ses activités à travers des morcellements. Elle est propriétaire du projet IRS Anahita et du Domaine de l’étoile. Ses terres se situent principalement dans l’Est du pays.
ENL
L’histoire d’ENL a débuté en 1821 avec Martial Henri René Noël qui crée la compagnie sucrière de Mon Désert Alma. Aujourd’hui, le groupe possède plus de 6 500 hectares, principalement dans la région de Moka, Saint-Pierre, Bagatelle et les alentours.
À travers Rogers, dont ENL est l’actionnaire principal, le groupe est propriétaire de la Compagnie Sucrière de Bel-Ombre (CSBO), où se trouve, entre autres, le château de Bel-Ombre. Elle y possède les 2 500 hectares du Domaine de Bel-Ombre, 1 000 hectares à Case Noyale et 250 hectares dans la région de Chamarel.
ENL est engagée dans de très nombreux projets fonciers et immobiliers (Bagatelle Mall of Mauritius, centre commercial de Phœnix, centre commercial de Riche-Terre, Villas Valriche, La Balise Marina, Kendra, les Allées d’Helvétia,…), mais aussi dans l’hôtellerie (New Mauritius Hotels, mieux connu comme Beachcomber) et l’automobile avec Axess. Contrairement aux autres, elle ne raffine pas son sucre et ne produit pas d’électricité.
La colère des petits planteurs
Les grands groupes sucriers produisent environ 70 % de la canne à sucre à Maurice. Le reste est cultivé par les petits planteurs. Depuis quelque temps, ces derniers sont pour le moins irrités. La promesse leur avait été faite il y a plusieurs années qu’ils allaient devenir actionnaires à hauteur de 35 % dans les raffineries et les distilleries de l’industrie. Or, ceci ne s’est pas encore concrétisé jusqu’à présent. Ils reprochent aussi au gouvernement d’offrir beaucoup de facilités et des exemptions fiscales aux grands groupes pour convertir leurs terres. Salil Roy, président de la Planters’ Reform Association, critique pour sa part la tentative d’un grand groupe sucrier de vouloir contourner le Mauritius Sugar Syndicate pour vendre son sucre. « Si les grands groupes commencent à être autorisés à vendre en dehors du syndicat, cela fera un tort immense aux petits planteurs, car ils passeront alors en second. Il faut aussi que tous les revenus de l’industrie cannière soient équitablement distribués », dit-il.
Ceux qui achètent le sucre mauricien
Le pays ne compte plus que deux raffineries. Tout le sucre produit sur le sol mauricien y est acheminé. Il s’agit d’Alteo Refinery Ltd et Omnicane Milling Operations Limited. Cette année, selon les prévisions, elles produiront 330 000 tonnes métriques de sucre, dont 230 000 tonnes métriques seront achetées par CristalCo et British Sugar avec lesquelles le Mauritius Sugar Syndicate a signé des accords à long terme. La première est française et la seconde anglaise. Le reste de la production sera vendu au plus offrant. Le Mauritius Sugar Syndicate est la seule entité qui a le droit légal de vendre le sucre mauricien. L’industrie cannière pèse maintenant 5 % du Produit intérieur brut du pays.
Ce que gagnent les planteurs
La canne rapporte de moins en moins aux planteurs car Maurice ne bénéficie plus de prix garanti. Ceci a provoqué une baisse de 38 % du prix de vente du sucre en quelques années. Raison pour laquelle de plus en plus de petits planteurs arrêtent de cultiver de la canne à sucre. En moyenne, un arpent produit 30 tonnes de cannes. Les terres marginales produisent beaucoup moins, alors que les terres situées dans les meilleures régions en produisent plus. Une tonne de cannes rapporte Rs 1 200 en moyenne par an. Un arpent rapporte donc plus ou moins Rs 36 000. Mais, de cette somme il faut déduire environ Rs 6 000 pour les fertilisants, Rs 3 000 pour l’herbicide, Rs 1 500 pour le chargement, le transport et la coupe et Rs 4 000 pour des frais divers. Les planteurs perçoivent le fruit de la vente auprès du Mauritius Sugar Syndicate qui ne paie pas en une fois, mais étale les paiements sur 12 mois.
Usages multiples
Auparavant, l’on parlait uniquement de production de sucre. Mais pour survivre, il a fallu diversifier. Pour tirer le maximum de revenus de la canne, Maurice a commencé à produire de la mélasse, avec laquelle on produit de l’éthanol, du vinaigre et du rhum, de la bagasse pour produire de l’électricité, de la vinasse pour fabriquer du fertilisant liquide, et des biofertilisants.
Superficie de terre cultivée
La superficie de terre sous cannes a constamment baissé depuis plus d’une décennie. La seule exception est l’année 2015, mais là aussi pour des raisons exceptionnelles. Il est prévu que la baisse de la superficie cultivée reprenne cette année.
- 2005 67 404 hectares
- 2010 57 670 hectares
- 2012 53 428 hectares
- 2014 49 792 hectares
- 2015 52 387 hectares
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