
Un rapport d’audit de performance, réalisé entre janvier 2023 et janvier 2025 et remis en juin 2025 au ministère de la Santé et du Bien-être, met en lumière des lacunes graves dans la gestion des services de restauration hospitalière. Intitulé « Améliorer la fourniture des repas aux patients dans les hôpitaux », ce document, obtenu par Le Défi Plus, pointe des manquements en matière d’organisation, d’hygiène, de planification nutritionnelle et d’utilisation des fonds, compromettant la qualité des repas servis aux patients et leur rétablissement. Conduit par le Bureau national d’audit (NAO) conformément à la section 16 (1A) de la Finance and Audit Act, ce rapport appelle à une réforme urgente pour garantir des services conformes aux besoins des patients et aux normes internationales.
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Un service essentiel mal géré
Les services de restauration hospitalière sont cruciaux pour la réhabilitation des patients. Comme le souligne le rapport, « Les services de restauration sont vitaux pour la réhabilitation et la récupération des patients. Par conséquent, les hôpitaux ont besoin d’un service de restauration bien géré pour fournir des repas quotidiens aux patients hospitalisés. » Avec environ 10 000 repas préparés quotidiennement, auxquels s’ajoutent 10 500 collations pour le personnel, la restauration représente un défi logistique majeur. Ces repas, servis dans 12 unités de restauration à travers cinq hôpitaux régionaux et deux spécialisés, doivent répondre à des standards stricts de nutrition, d’hygiène et de sécurité alimentaire. Pourtant, l’audit révèle des défaillances structurelles.
Le ministère de la Santé, responsable de ces services via ses administrations hospitalières, a dépensé environ Rs 180 millions en 2023-2024 pour les denrées alimentaires et les salaires de 160 employés. Malgré cet investissement, le NAO identifie des « écarts de performance » dans cinq domaines clés : l’absence de directives, une supervision inadéquate, le non-respect des normes d’hygiène, une planification nutritionnelle insuffisante et une utilisation inefficace des fonds.
1 Absence de directives et de procédures
Pas de supervision efficace de la gestion
Le rapport note que « le ministère n’a pas élaboré de lignes directrices spécifiquement adaptées aux hôpitaux publics. » Bien que la Food Act s’applique à l’industrie alimentaire, incluant les hôpitaux, aucune directive spécifique n’a été développée. Cette lacune entraîne une « manipulation inadéquate des aliments et une gestion des restes inappropriée », avec des restes parfois conservés pour de nouveaux patients ou consommés par le personnel sans protocole clair.
Le NAO constate qu’« il n’y avait pas de procédures opérationnelles standardisées complètes pour guider les opérations de restauration hospitalière, y compris la préparation des aliments, la sécurité et le contrôle de qualité en cuisine. » L’absence de directives claires se traduit par une gestion chaotique, sans cadre définissant les responsabilités. Le rapport précise : « Par conséquent, les services de restauration quotidiens étaient fournis sans une supervision efficace de la gestion. »
Des repas non servis consommés par le personnel
Concernant les déchets, le NAO observe que « il n’y avait pas de lignes directrices ni de réglementations pour la gestion des déchets alimentaires dans les hôpitaux. » Les visites ont révélé que « les déchets de plateaux n’étaient pas surveillés et les repas non servis étaient soit conservés pour les nouvelles admissions, soit consommés par le personnel. » Cette absence de protocole entraîne des coûts accrus et des opportunités manquées pour des pratiques durables.
Le rapport attribue ces problèmes à la classification de la restauration comme un « service allié plutôt qu’un service essentiel ou prioritaire », ce qui réduit l’engagement du ministère à établir des directives robustes. Le NAO recommande de « formuler des lignes directrices complètes et de développer des procédures opérationnelles standardisées couvrant tous les aspects clés de la planification des repas, de la préparation des aliments, de l’hygiène, de la sécurité et de la qualité », alignées sur la Food Act et les normes internationales. Il préconise également d’« identifier les sources et les causes du gaspillage alimentaire pour développer et mettre en œuvre des stratégies efficaces afin de le minimiser. »
Réponse du ministère donné au NAO
Le ministère répond : « Le ministère envisagera de développer des procédures opérationnelles standardisées et des lignes directrices concernant les exigences en matière d’hygiène et de sécurité telles que stipulées dans la loi. » Aucune échéance précise n’est mentionnée, laissant planer une incertitude sur la mise en œuvre.
2 Supervision et suivi insuffisants
Absence d’indicateurs de performance
Le rapport souligne que « le ministère et les administrations hospitalières n’ont pas établi d’indicateurs de performance clés (Key Performance Indicators) pour évaluer l’efficacité et l’efficience des services de restauration. » Des métriques comme la satisfaction des patients, la ponctualité des livraisons ou le gaspillage alimentaire ne sont pas suivies, rendant les données sur les coûts « non facilement disponibles ». Cela limite la capacité du ministère à prendre des décisions basées sur des données.
Rapports irréguliers
Le NAO note que « les administrations hospitalières n’ont pas régulièrement rendu compte des performances de la fourniture des services de restauration aux patients », les mises à jour étant fournies « sur une base ad hoc, principalement en cas de plaintes. » Cette approche réactive entrave le suivi de la qualité. Le NAO recommande « d’identifier et établir des indicateurs de performance clés » et de « mettre en place un mécanisme de reporting efficace à des fins de suivi. »
Cause profonde
Le rapport identifie comme cause : « Le ministère et les administrations hospitalières n’ont pas établi de mécanisme complet pour superviser et suivre les activités de restauration dans tous les hôpitaux. »
Réponse du ministère
Le ministère indique qu’il « envisagera de travailler sur les indicateurs de performance clés », sans préciser de calendrier.
3 Non-respect des normes d’hygiène
Pratiques d’hygiène inadéquates
Les inspections du NAO révèlent que « les pratiques appropriées d’hygiène alimentaire n’étaient pas mises en œuvre » dans les unités de restauration. Par exemple, « des légumes non frais étaient stockés dans la chambre froide » dans certains hôpitaux, augmentant les risques sanitaires.
Contrôles insuffisants
Le rapport note que « les officiers de santé publique n’ont pas suffisamment appliqué les normes d’hygiène et de sécurité alimentaire », avec « moins de 10 inspections effectuées à l’hôpital Jeetoo, l’hôpital Victoria et l’hôpital Brown-Séquard » entre janvier 2023 et décembre 2024. Les contrôles se limitent souvent à la propreté des installations. Le NAO recommande de « mettre en place un mécanisme de suivi approprié couvrant toutes les étapes du processus de restauration » avec une « liste de contrôle de suivi complète. »
Cause profonde
Le manque de personnel au sein de l’unité d’inspection de la santé publique et l’absence de mécanismes internes dans les hôpitaux sont pointés du doigt. Le ministère reconnaît que « les pratiques ne changent pas malgré de nombreuses inspections et remarques négatives » et prévoit de convertir les pratiques de sécurité alimentaire en une « liste de contrôle qui sera utilisée quotidiennement par le personnel de restauration. »
4 Planification nutritionnelle défaillante
Absence d’évaluation nutritionnelle
Le NAO constate qu’ « il n’existait aucun mécanisme pour effectuer une évaluation nutritionnelle des patients à leur admission et durant leur séjour. » Aucun plan nutritionnel documenté n’existe, et « le ministère ne disposait pas de lignes directrices nutritionnelles ou diététiques hospitalières. » Cela compromet la prise en charge des patients, notamment ceux souffrant de maladies chroniques.
Manque de qualification des nutritionnistes
Le rapport note que « les nutritionnistes n’étaient pas qualifiés pour établir un diagnostic thérapeutique », et leurs responsabilités dans la planification des repas ne sont pas clairement définies. De plus, « il n’y avait pas de plan de repas pour les enfants dans certains hôpitaux », et l’absence d’implication des patients entraîne des repas « peu appétissants ou ignorés. »
Absence de retour des patients
Le NAO relève qu’« aucun système de retour ou de plaintes des patients n’était en place », empêchant les hôpitaux d’ajuster leurs menus. Le rapport propose de :
- Intégrer l’évaluation nutritionnelle dans les normes de soins.
- Développer des « lignes directrices diététiques hospitalières intégrant des aliments locaux disponibles. »
- Recruter des diététiciens cliniques et former les nutritionnistes.
- Impliquer les diététiciens dans la planification des menus et standardiser les repas, y compris ceux destinés aux enfants.
- Conduire des « enquêtes de satisfaction des patients » et améliorer le goût des repas avec des « herbes et épices reconnues pour leurs propriétés thérapeutiques. »
- Explorer l’embauche d’un « scientifique alimentaire » et investir dans des équipements tels que des fours.
Réponse du ministère
Le ministère indique que « les lignes directrices diététiques de l’Organisation mondiale de la santé ont été traduites en échelles diététiques », avec une révision en 2018 pour diversifier les menus. Les nutritionnistes valident les plans de repas, mais leur rôle reste à définir.
5 Utilisation inefficace des fonds
Manque de transparence financière
Le NAO note que « les informations financières sur les services de restauration n’étaient pas facilement accessibles à des fins décisionnelles. » L’absence d’un poste budgétaire spécifique complique la gestion. De plus, « le projet de chariots et de conteneurs alimentaires n’a pas atteint ses objectifs » en raison de chariots trop lourds, et « le nombre de repas figurant sur les fiches diététiques des patients était surestimé », entraînant du gaspillage.
Recommandations
Le NAO propose de « créer un poste budgétaire distinct exclusivement dédié aux services de restauration », de mieux planifier les projets et de « réaliser des enquêtes régulières dans les services pour vérifier l’exactitude des fiches diététiques. »
Réponse du ministère
Le ministère envisage de regrouper les dépenses sous l’intitulé « Restauration » et de prendre en compte les recommandations pour les projets à venir.
Dans sa conclusion, le Bureau de l’Audit précise qu’avec 4 millions de repas servis en 2023-2024, les hôpitaux jouent un rôle clé dans la prise en charge des patients. Cependant, « l’objectif principal du ministère est de fournir des soins de santé de qualité aux patients, la fourniture de repas étant considérée comme un service allié. » Les défis identifiés exigent une refonte complète. Le NAO insiste : « Le ministère doit renforcer ses mécanismes de gouvernance en mettant en œuvre des lignes directrices opérationnelles claires, en établissant des systèmes de suivi des performances, en optimisant l’allocation des ressources et en veillant à ce que les besoins nutritionnels des patients soient satisfaits. » Un audit de suivi évaluera les progrès.
Des pratiques d’hygiène préoccupantes
Le rapport donne plusieurs exemples de problèmes majeurs relevés par les officiers de l’Audit dans deux hôpitaux :
À l’hôpital SAJ :
- « Des mouches ont été observées dans la cuisine », et « des filets n’étaient pas installés », augmentant les risques de contamination.
- « Des ustensiles brûlés ont été retrouvés » en raison de flammes de gaz inégales.
- « Des pichets en plastique étaient utilisés pour la soupe et le thé », le personnel expliquant que « les poignées en acier n’étaient pas adaptées. »
À l’hôpital Jawaharlal Nehru (JNH) :
- « La volaille et le poisson étaient décongelés sous l’eau courante », tandis qu’à SAJH, « ils étaient plongés dans l’eau puis laissés exposés dans l’évier. » Ces méthodes favorisent la prolifération bactérienne.
Ces observations soulignent un manque d’équipements adaptés et une gestion insuffisante, selon l’Audit.
Propreté et infrastructures défaillantes
Le rapport pointe aussi des lacunes en propreté et en infrastructure :
- Problèmes de propreté :
- À l’hôpital SAJ, « le sol était sale pendant la préparation des repas », et « l’eau de riz chaude se répandait sur le sol » en raison « d’un manque de drainage approprié. »
- « Un ustensile contenant du riz était laissé découvert, exposé aux mouches et posé au sol », exposant les aliments à des contaminants.
- Infrastructures inadéquates :
- À l’hôpital SAJ, « la cuisine n’était pas conçue pour répondre aux normes de sécurité alimentaire » : les zones de préparation pour le poisson, la volaille et les légumes n’étaient pas séparées, et « la zone de lavage des plats servait aussi à la préparation du poisson/poulet. »
- À JNH, « les cuisines manquaient de ventilation appropriée », rendant les conditions de travail insalubres pour les cuisiniers.
Ces défaillances structurelles aggravent les risques sanitaires, estime l’Audit.
Personnel non formé et suivi négligé
Le rapport met en évidence des faiblesses en matière de formation et de suivi :
Absence de formation :
- « Les chariots de nourriture étaient transportés par des préposés effectuant également des tâches de nettoyage », sans certificat de manipulation des aliments.
- « Des travailleurs généraux accomplissaient des tâches de nettoyage dans les cuisines » sans qualification adéquate.
- Contrôle des températures :
- À l’hôpital SAJ, « les relevés de température des chambres froides n’étaient pas enregistrés de manière continue. »
- « La température de stockage des aliments périssables n’était pas adéquate », bien que « l’hôpital SSRN dispose d’une pièce séparée avec contrôle de température » comme exemple positif.
Pour le Bureau de l’Audit, ces manquements compromettent la sécurité alimentaire.
Recommandations et réponse du ministère
Face à ces problèmes, le NAO propose des mesures urgentes :
- Renforcer les infrastructures.
- Former le personnel à la manipulation des aliments.
- Instaurer un suivi rigoureux des normes d’hygiène.
Hausse des dépenses pour les services de restauration malgré des failles persistantes
Un extrait du Health Sector Strategic Plan 2020-2024, publié dans le rapport d’audit Improving the Provision of Patient Meals in Hospitals, remis en juin 2025, met en lumière une augmentation significative des dépenses allouées aux services de restauration hospitalière. Ces fonds, destinés à garantir des repas de qualité aux patients, ont atteint 282,56 millions de roupies en 2023-2024, selon les données du système comptable du Trésor. Pourtant, ces investissements contrastent avec les défaillances opérationnelles identifiées par le Bureau national d’audit (NAO), soulignant un besoin urgent d’optimisation et de transparence dans la gestion budgétaire.
Les données financières montrent une hausse constante des dépenses pour les services de restauration sous l’intitulé « Provision and Stores » du budget. Voici les chiffres détaillés :
Année Dépenses (Rs en millions)
2019-2020 218,10
2020-2021 221,89
2021-2022 242,79
2022-2023 297,36
2023-2024 282,56
Cette augmentation reflète un effort croissant pour soutenir les services de restauration, qui préparent environ 10 000 repas quotidiens pour les patients, hors collations destinées au personnel. Cependant, ces chiffres ne tiennent pas compte des coûts salariaux des officiers de restauration et des cuisiniers, intégrés dans l’intitulé « Personal Emoluments », ni des dépenses d’entretien de l’équipement, classées sous « Maintenance ». Cette fragmentation budgétaire complique l’évaluation globale des ressources allouées, comme le souligne le plan : « Les informations financières sur les services de restauration n’étaient pas facilement disponibles à des fins de prise de décision. »
Le rapport insiste : « Le ministère doit renforcer ses mécanismes de gouvernance en mettant en œuvre des lignes directrices opérationnelles claires. »

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