Un mélange de pragmatisme, de conviction socialiste, de culture de respect institutionnelle et d’interventionnisme étranger. Ce sont quelques-uns des éléments du succès des premières années de l’île Maurice indépendante, estiment les deux historiens.
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Qu’est-ce qui a fait le succès de l’île Maurice indépendante au bout de ces 50 dernières années ? Les historiens Jocelyn Chan Low et Sadaseeven Reddy étaient sur le plateau de Gilbert Bablee et Patrick Hilbert, le lundi 26 février, pour apporter quelques éléments de réponse. Ils sont aussi revenus sur les circonstances dans lesquelles Maurice a accédé à l’indépendance. De la personnalité de sir Seewoosagur Ramgoolam lui-même, à l’interventionnisme français, tous deux ont passé plusieurs facteurs en revue.
Jocelyn Chan Low a mis en lumière l’héritage du système colonial propre à Maurice, comparé aux autres anciennes colonies. « La première chose, c’est ce que les Britanniques ont laissé à Maurice : nous étions le pays où il y avait le plus grand nombre de fonctionnaires par habitant. Ils avaient recruté des locaux. »
Cette présence de Mauriciens dans l’administration publique a favorisé une certaine culture de l’État, couplée à une bourgeoisie bien établie dont certaines anciennes colonies étaient dénuées. Puis il y a l’homme qui était à la tête du pays, estime Chan Low : « Sir Seewoosagur Ramgoolam a été un grand atout. Il était socialiste, mais pas communiste. Il a consolidé l’État-providence en laissant la bourgeoisie locale s’occuper de son sucre, tout en le taxant. »
C’est ce que Sadasseven Reddy qualifie de trade off mis en place par le leader du Parti travailliste (PTr) d’alors. « L’État-providence s’inscrit à l’intérieur d’un gouvernement capitaliste et il choisit de faire un trade off. Il laisse l’industrie sucrière exporter son sucre, mais en retour, il réclame une protection pour les travailleurs sous la forme de pension. Ce qui a été important pour stabiliser l’économie. » Le pragmatisme de Ramgoolam, qui abandonne l’idée de nationalisation après l’échec de la formule en Angleterre, aura eu son importance. Ce dernier reconnaît aussi l’importance de la tradition du rule of law et du respect du judiciaire, qui faisaient déjà partie de la culture de l’élite dirigeante. « L’élite mauricienne, qu’elle soit blanche, noire, indienne ou musulmane, a été formée en Angleterre. Elles sont capables de s’entendre entre elles, malgré tout, et épousent des valeurs similaires. »
Les facteurs externes auront aussi joué un rôle prépondérant dans le succès de la jeune nation mauricienne, a souligné Jocelyn Chan Low. « Le parti communiste réunionnais était extrêmement fort et de Gaulle craignait un effet de contagion. Il pensait que si le pays tombait dans la misère, il pourrait se tourner vers l’Union soviétique. »
Sans compter qu’il y aurait eu une fuite de Franco-Mauriciens vers la France, ce qui aurait créé un précédent inquiétant. C’est alors que Charles de Gaulle a promis l’assistance financière française, sous condition d’une coalition PTr-PMSD. « C’était une grande ingérence », estime Jocelyn Chan Low qui raconte que c’est à travers l’influence de Charles de Gaulle que Maurice intègre la convention de Yaoundé, qui ouvre la porte du marché commun. L’historien cite le travail d’économistes qui estiment que cette convention a contribué à 12 % du Produit intérieur brut du pays sur une période de 20 ans.
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