Le prisonnier Ravindranath Bappoo, incarcéré pour avoir sauvagement tué sa femme Sandya en 2004, a été gracié par la présidence dans le courant de l’année. Il a obtenu 15 ans de rémissions pour bonne conduite. Selon des recoupements, le détenu qui devait retrouver la liberté en 2031 après avoir purgé 40 ans de prison, sera probablement libéré entre 2022 ou 2024. Soit après avoir additionné le laps de temps que le détenu a passé en détention préventive et ses heures de corvée.
Outre Christopher Perrine, Ravindranath Bappoo est l’un des prisonniers à avoir bénéficié de la grâce présidentielle. Le détenu aurait été recommandé par les hauts gradés de la prison, en raison de sa « conduite exemplaire » dans le milieu carcéral.
La réduction de peine de l’assassin n’est toutefois pas perçue d’un bon œil au niveau de la prison. Des gardiens s’interrogent sur « les raisons qui auraient poussé le milieu carcéral à recommander le détenu » à la Commission de pourvoi en grâce. La raison évoquée par nos interlocuteurs est « l’atrocité du délit commis par le prisonnier en 2004 ». Le détenu Ravindranath Bappoo a été trouvé coupable d’avoir agressé sauvagement son épouse à coups de sabre.
C’est à la prison de Beau-Bassin qu'il a été incarcéré en 2008. Il a ensuite été transféré à l’Eastern High Security Prison de Melrose en 2012. Des Welfare Officers à la prison de Beau-Bassin, avancent que « le détenu Bappoo était classé comme étant un red-banned detainee » dans le sens qu’il s’adonnait aux corvées du centre pénitentiaire cier où il était incarcéré. « En prison, le détenu Bappoo est un homme à tout faire mais également un ‘hard worker’. Il fait preuve de bonne conduite », disent des hauts gradés.
Le calcul
Ces corvées sont calculées sous forme d’heures qui sont ensuite soustraites de la période d’incarcération du détenu. Dans la pratique, un prisonnier qui cumule des heures de travaux du lundi à dimanche, et même les jours fériés, peuvent bénéficier d’une dizaine de jours additionnels par mois. Tel serait le cas pour le détenu Ravindranath Bappoo.
Condamné à 40 ans de prison, il doit, conformément aux règlements de la prison, purger deux tiers de sa peine. Soit 27 ans. Quatre autres années (que le détenu a passées en détention préventive) seront déduites des 27 ans d’incarcération. Ce qui ramène le nombre d’années d’incarcération à 23 ans. C’est ainsi que le prisonnier devrait retrouver officiellement la liberté en 2031. Les 15 ans de remise de peine, ainsi que les corvées, accordées au détenu viendront toutefois avancer la date de libération de Ravindranath Bappoo.
Sollicité par Le Défi Plus, l’administration carcérale a confirmé la remise de peine du détenu. Ces derniers ont par ailleurs ajouté : « Le laps de temps que le détenu a passé en détention préventive, ainsi que le nombre d’années que le détenu a obtenues de la Commission de pourvoi en grâce seront additionnées lors de sa libération prévue pour le 20 septembre 2024 ».
Sandya Bappoo meurt sous les coups de sabre de son époux
Ravin Bappoo est le meurtrier de Sandya, son épouse. Cette dernière, qui était salesgirl de profession, a été agressée le 1er juin 2004 à coups de sabre dans la région de Port-Louis. L'agression a été d'une telle violence que la victime a passée 12 jours dans le coma avant de rendre l'âme. Elle avait 30 ans. Son époux, Ravin, a été interpellé par les limiers. Il avait craché le morceau et a été condamné en 2008.
Mais avant cela, Sandya était une femme battue. C'est trois ans après son mariage qu'elle a subi les premières agressions de son époux. En 2002, elle a été tabassée pour avoir assister au mariage de son frère. Une année plus tard, elle est une fois de plus victime de la violence de son époux et trouve refuge chez ses parents. La photo de la victime qui circulait dans la presse, le visage défiguré, avait défrayé la chronique.
La victime avait bénéficié d’un 'Protection order'.
Veda Baloomoody : « Il faudrait au moins expliquer pourquoi on prend une décision »
Y-a- t-il a une ligne directrice pour les décisions de la Commission de pourvoi en grâce ?
Les membres ne disent jamais pourquoi ils prennent leurs décisions. Les critères ne sont pas publics. Il y a un pouvoir absolu de la Commission. Officiellement, il n’y a pas de ligne directrice, je ne sais pas s’ils en ont une en interne.
N’y a-t-il aucun mécanisme pour faire la balance ?
Dans la loi, le Président de la République comme garde-fou. Il peut demander à la commission de revoir sa décision. La loi lui donne ce pouvoir même, s'il agit sur leurs recommandations.
Croyez-vous qu’il faille amender les lois à ce sujet ?
Aussi longtemps que nous allons vers plus de transparence, il faudrait au moins expliquer pourquoi on prend une décision. Le Privy Concil a donné un jugement qui dit que le DPP doit s’expliquer quand il décide de ne pas aller de l’avant avec une affaire. Je ne comprends pas pourquoi la Commission de pourvoi en grâce ne pourrait adopter la même attitude.
Des cadeaux aux trafiquants de drogue et délinquants sexuels
L’article 51A de la Reform Insitutions Act est clair : une personne condamnée pour un délit de drogue ou agression sexuelle sur mineur ou un handicapé ne peut bénéficier d’une remise de peine. Il s’agit toutefois du texte de loi régissant le Parole Board, dont les membres sont nommés par le Premier ministre. Cette instance peut décider d’une réduction de peine d’un maximum d’un tiers de la sentence initiale sous conditions.
La Commission de pourvoi en grâce ne répond pas à ces directives, étant créée sous la Constitution et n’ayant aucune ligne directrice claire (voir entretien de Veda Baloomoody). Un exemple récent : Christopher Perrine, condamné en 2008 pour agression sexuelle sur une handicapée, a bénéficié d’une remise de peine de neuf ans et a été relâché le 18 mai dernier. Il commettra un vol le 12 octobre chez la DCP Guneeta Aubeeluck. Sous le Parole Board, il n’aurait jamais bénéficié de rémission.
Le 27 novembre, le député Veda Baloomoody interroge le Premier ministre sur la possibilité d’amender la Constitution pour aligner les recommandations de la Commission sur la section 51A de la Reform Institutions Act. Refus du PM : « It would, therefore, be anomalous to amend the Constitution so as to align it with the provisions of the Reform Institutions Act. » Il ajoute : si la Commission a libéré Christopher Perrine, c’est qu’elle ignorait sa longue liste de délits à son actif.
La Commission a aussi octroyé des rémissions à des trafiquants de drogue, notamment à Peroomal Veeren. (cinq ans en août 2017) pour une peine de 34 ans. Ces cinq ans représentent le nombre d’années passées en détention préventive.
Deux autres cas similaires
Dewranee Devi Sowdagur et Noluvuyo N’Tamo ont été relâchées le 31 août. Dewranee Devi Sowdagur purgeait 35 ans de prison (en 2010) pour trafic de drogue. Durant la même année, sa peine a été réduite à 20 ans. Elle a été grâciée en 2018. Noluvuyo N’Tamo, d’origine sud-africaine, devait quitter la prison le 17 mars 2020, mais elle a retrouvé la liberté près de deux mois en avance.
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