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Global Business : impôt minimum mondial de 15 % : Maurice doit-il s’en faire pour sa compétitivité ? 

L’aval de 136 pays pour imposer une taxation minimale à 15 % sur les multinationales est qualifié d’accord historique.
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Daniel Essoo, CEO de la Mauritius Bankers Association.
Daniel Essoo, CEO de la Mauritius Bankers Association.

136 pays, représentant 90 % du produit intérieur brut mondial, ont donné leur accord vendredi dernier pour l’application d’un taux d’imposition minimum de 15 % aux entreprises multinationales à partir de 2023. Dans quelle mesure la juridiction mauricienne sera-t-elle impactée ? Qu’en sera-t-il de sa compétitivité ? Tour d’horizon. 

Un accord « historique » ! C’est en ces termes que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a qualifié l’aval de 136 pays pour imposer une taxation minimale à 15 % sur les multinationales. En effet, après plusieurs années de négociations, cet accord définitif sur une taxation des multinationales a été finalisé vendredi. Et cela à la suite du ralliement de l’Irlande, de l’Estonie et de la Hongrie (Ndlr : à savoir que les États-Unis, la Chine et l’Inde ont accepté ce texte in extremis. Cependant, quatre pays manquent à l’appel : le Kenya, le Nigeria, le Pakistan et le Sri Lanka). « La réforme majeure du système fiscal international finalisée vendredi à l’OCDE permettra de garantir l’application d’un taux d’imposition minimum de 15 % aux entreprises multinationales à compter de 2023 », a indiqué l’OCDE dans un communiqué. 

Autre étape maintenant : la validation de l’accord au sommet du G20 (Ndlr : le sommet réunira les chefs d’État de 19 pays les plus riches, plus l’Union européenne), qui se tiendra à Rome les 30 et 31 octobre.  

Nousrath Bhugeloo, consultante.
Nousrath Bhugeloo, consultante. 

Commentant cette décision, Shahed Hoolash, Managing Director de Vistra, affirme : « C’est quelque chose à laquelle on s’attendait. Au début, les Américains étaient réticents à une taxation globale avant de remettre le sujet sur le tapis. Ce qui vient rejoindre ce que l’OCDE a essayé de faire il y a quelques années. Aujourd’hui, les gros blocs économiques ont donné leur aval. Les petits pays devront suivre aussi. Ils n’ont pas le choix ». 

Daniel Essoo, CEO de la Mauritius Bankers Association, abonde dans le même sens. « Nous suivons ce dossier depuis 2018, quand j’ai pris mes fonctions à la MBA, et les opérateurs mauriciens sont au courant depuis plusieurs années. Cette mesure s’appliquera de la même manière dans le monde entier. Maurice n’est pas un cas unique », fait-il ressortir. 

Pour Nousrath Bhugeloo, consultante en matière de services financiers et directrice indépendante, le pays a l’avantage de pratiquer déjà une taxation de 15 %. « Cependant, chaque pays reste libre. À titre d’exemple, Dubaï n’impose pas de taxe », souligne-t-elle. Et Shahed Hoolash  d’ajouter : « C’est une taxe minimale et non une imposition maximale. Plusieurs pays vont continuer à pratiquer des taxes plus élevées. Quant à Maurice, cela fait plus d’une décennie que nous avons adopté une stratégie fiscale moins lourde. Cette mesure ne va donc pas affecter drastiquement notre juridiction, car le pays a déjà une fiscalité à 15 %. »

 Shahed Hoolash de Vistra.
 Shahed Hoolash de Vistra.

Maurice doit-il, cependant, craindre pour sa compétitivité ? Comme pour toute chose, soutient Nousrath Bhugeloo, il faut s’attendre à ce qu’il y ait de bons et de mauvais côtés. « C’est une bonne chose, car tous les pays seront sur un pied d’égalité en vue d’attirer les investisseurs. Cependant, on ne peut pas comparer la France, l’Angleterre et les États-Unis avec le Népal ou l’Indonésie, à titre d’exemples. Il y a des critères autres que la taxation à prendre en compte », soutient-elle. D’ailleurs, ajoute Nousrath Bhugeloo, les investisseurs ne viennent pas à Maurice que pour sa taxation. « Ils viennent pour notre facilitation à faire des affaires – nous sommes d’ailleurs premiers en Afrique à ce niveau –, mais aussi pour notre bonne gouvernance ou encore pour le fait que n’avons pas de contrôle des changes, entre autres raisons », explique-t-elle. 

Depuis plusieurs années, avance, pour sa part, Daniel Essoo, les clients de nos services financiers choisissent Maurice pour des raisons autres que la taxe - notamment notre gouvernance, notre cadre légal, notre système bancaire et notre expertise dans l’investissement transfrontalier. Il est d’avis qu’il faut maintenant réfléchir à accélérer cette tendance. « Ce travail de réflexion a déjà commencé avec le Blueprint on Financial Services publié en septembre 2018, et il se poursuit activement au sein de comités public-privé au niveau de la Banque de Maurice, la Financial Services Commission, l’Economic Development Board et le ministère des Services financiers. Cela permettra de maintenir la compétitivité de notre secteur des services financiers », soutient Daniel Essoo. Nousrath Bhugeloo est du même avis. « Nous allons devoir nous réinventer et tabler sur d’autres critères pour attirer les investisseurs », conclut-elle. 

L’importance de connaître les détails derrière l’application de la taxe 

Shahed Hoolash est catégorique : « Il est important de comprendre l’application transfrontalière de cette taxe. Jusqu’ici, nous n’avons eu que des bribes d’information. » Comment cette mesure va-t-elle s’appliquer aux sociétés multinationales ? Comment cela affectera-t-il les tarifs pour les doubles impositions ?  Comment cela s’appliquera-t-il dans les différentes zones économiques et affectera-t-il les relations bilatérales ? Ce sont autant de questions auxquelles les réponses sont attendues. 

Bon à savoir 

  • L’instauration d’un taux minimum mondial a été conçue comme une arme contre les paradis fiscaux et les stratégies de dumping. 
  • Le taux est fixé à 15 % et n’oublie aucun des GAFA (les géants américains de la technologie, Google, Apple, Facebook et Amazon).
  • Si le taux minimum mondial s’applique comme prévu à l’horizon 2023 -  le temps d’adapter les législations -, cet impôt minimum fera rentrer 150 milliards de dollars (129 milliards d’euros) dans les caisses des États chaque année. 
  • Si l’accord est présenté comme historique, des ONG et certains économistes l’ont jugé insuffisamment ambitieux et porteur d’inégalités entre pays riches et en développement. D’après Oxfam, les pays les plus pauvres récupéreront moins de 3 % des recettes fiscales supplémentaires. L’ONG a dénoncé un « simulacre » et une « capitulation » vis-à-vis des pays aux taux d’imposition les plus faibles.
  • Le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, qui militait pour une taxe minimum de 25 %, avait aussi regretté un accord qui « ne s’adresse pas assez aux inquiétudes des pays en développement et des pays émergents ».

Source : Internet 

 

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