La Finance and Audit Act sera amendée pour obliger les ministères et les départements gouvernementaux de remédier aux gaspillages et lacunes révélés dans le rapport de l’Audit. Cela fait suite à une mesure annoncée par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, dans le Budget 2018/2019.
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Unanimité
Rashid Imrith, le représentant de la Fédération des syndicats du secteur public, Krish Ponnusamy, l’ancien Senior Chief Executive dans la Fonction publique, et Kadress Pillay, ancien directeur de l’Audit et ancien ministre, sont tous en faveur de légiférer pour la nécessité de remédier aux gaspillages et autres manquements révélés par le bureau du directeur de l’Audit.
Krish Ponnusamy soutient que toutes les mesures visant à améliorer le contrôle sur les dépenses doivent être saluées. « Les amendements à la ‘Finance and Audit Act’ vont dans le bon sens, mais ils ne vont pas donner des résultats positifs à 100% si la mise en application ne se fait pas comme il faut. » Pour sa part, Kadress Pillay pense que c’est un bon début malgré que ce ne soit qu’en phase embryonnaire. « Le cancer de la démocratie est le manque d’‘accountability’. »
Il y a des faiblesses qui entraînent des gaspillages
Ligne de démarcation
De son côté, le syndicaliste Rashid Imrith estime que le terme « wastage of public funds » doit être défini, car il y a des recommandations du bureau de l’Audit et du Public Accounts Committee qui ne concernent pas seulement les gaspillages des fonds publics. « Les irrégularités commises par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions doivent également faire l’objet d’enquête. Dans la majorité des cas, ceux pointés du doigt ne sont pas forcément fautifs. Tout le monde doit avoir l’occasion de s’expliquer s’il y a des irrégularités dans leurs fonctions. Le gouvernement doit aussi se démarquer entre le pouvoir et les responsabilités entre un Political Head et un Administrative Head. Dans la pratique, les responsables ont tendance à s’ingérer dans le ‘day-to-day running of government business’ et dans l’administration où, dans certains cas, c’est l’allocation de contrats qui est louche. »
Kadress Pillay s’interroge aussi sur les projets dans lesquels le gouvernement a investi massivement mais qui n’ont hélas pas vu le jour. Pour exemple, il cite la route Terre-Rouge/Verdun qui est en réparation depuis trois ans. L’ancien directeur de l’Audit est d’avis qu’il faut aller plus loin en s’attaquant aussi aux départements qui ne tombent pas sous la supervision du directeur de l’Audit. « De ce fait, je pense qu’il y a un gros travail à abattre pour obtenir une vraie ‘accountability’. »
Une ‘National Accountability Commission’
L’ancien directeur de l’Audit, Kadress Pillay, propose au gouvernement de plancher sur la création d’une ‘National Accountability Commission’ comme c’est le cas en Angleterre. « Le but de cette commission est de faire un suivi des recommandations de l’Audit et celui du secteur privé. Le manque de redevabilité à Maurice et les responsabilités concernant les fautes graves n’ont pas encore été établies. Cela démontre un manque de sérieux », précise Kadress Pillay.
Rashid Imrith ajoute : « Les amendements à la ‘Finance and Audit Act’ ne doivent pas se limiter qu’aux gaspillages des fonds publics. Dans ce contexte, le ‘Public Service Bill’ est un projet de loi qui doit être réactivé. C’est un document qui dort dans les tiroirs depuis au moins dix ans. Il concerne la démarcation des pouvoirs et les responsabilités des chefs politiques et ‘Chief Executive’. »
Krish Ponnusamy s’interroge, lui, sur la mise en pratique de la mesure budgétaire. « Quel est le mécanisme qui sera mis en place pour permettre de donner plus d’appui aux amendements accordés à la ‘Finance and Audit Act’ ? Il est important d’implémenter des structures appropriées, voire celles déjà existantes, visant à établir des responsabilités spécifiques. »
Le ‘Chief Executive’ pointé du doigt
Kadress Pillay ne mâche pas ses mots à l’égard des hauts fonctionnaires. « La première personne responsable des faiblesses dans les ministères et autres départements gouvernementaux, ce sont les ‘Chief Executives’. » Rashid Imrith propose que les pouvoirs du directeur de l’Audit soient redéfinis. « Le rapport de l’Audit n’est que le sommet de l’iceberg. Dans le contexte de la transformation du secteur public, il est important de revoir le pouvoir du directeur de l’Audit et la structure des ressources humaines dans la bonne mise en opération du département. Le budget du bureau de l’Audit doit être indépendant et le nombre de postes à pourvoir est en fonction du budget du ministre des Finances. Plus d’argent permet de créer plus de postes. »
Krish Ponnusamy demande que les responsables répondent de leurs actes et que les amendements apportés à la ‘Finance and Audit Act’ soient plus profonds. « C’est la question qu’on se pose depuis pas mal de temps. Un contrat mal alloué, des équipements non-utilisés… Il y a beaucoup de faiblesses qui entraînent des gaspillages considérables dans les ministères et autres départements gouvernementaux», souligne-t-il. Il réclame que des enquêtes soient initiées afin de démontrer « s’il y a eu ingérence, voire maldonne, dans certains dossiers ». « Si on arrive à identifier une anomalie, il faudra mettre les charges en avant et les coller sur le dos des responsables. »
Des sanctions et des poursuites
Faut-il sanctionner les fonctionnaires mis à l’index ? L’ancien Senior Chief Executive de la Fonction publique, Krish Ponnusamy, fait ressortir que la ‘Public Service Commission’ est le seul organisme responsable de sanctions envers les fonctionnaires trouvés coupables de maldonne et autres gaspillages. « Est-ce possible d’entamer des poursuites contre les coupables ? La question se pose, car tous les fonctionnaires sont redevables envers le responsable du ministère.» Il ajoute que la PSC est l’organisme qui recevra les dossiers pour voir s’il faut aller de l’avant dans des cas. « On n’a jamais rapporté personne pour gaspillage. Bien souvent, les fonctionnaires sont rapportés pour mauvaise conduite, manque de respect vis-à-vis de l’autorité, ou encore, vol des biens de l’État. »
Kadress Pillay abonde dans le même sens que Krish Ponnusamy en soulignant qu’il est « impossible » d’entamer des poursuites contre ceux trouvés coupables de maldonne dans la Fonction publique car « selon notre Constitution, seule la PSC a le droit d’entamer des poursuites contre les coupables. » Et à Rashi Imrith d’ajouter : « On ne peut continuer à faire croire qu’il y a une culture d’impunité dans la Fonction publique. On doit donner l’occasion aux personnes qui sont pointées du doigt de répondre de leurs actes ».
Quelques gaspillages pour l’année financière 2016/2017 :
- Le gouvernement a dépensé une somme de Rs 47,2 millions pour le projet Heritage City qui n’a pas abouti.
- Un montant de Rs 30 millions a été injecté, par le biais des Collectivités locales, dans une institution foncière qui a été placée sous administration judiciaire en 2015.
- Rs 41 millions ont été payées en surplus pour les pensions. De cette somme, Rs 17,6 millions concernent des pensionnaires qui ont quitté le pays et un montant de Rs 16,4 millions a été payé à des personnes décédées.
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