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Financial Crimes Commission : les super pouvoirs du directeur général

Le Financial Crimes Commission Bill sera présenté au Parlement en première lecture, ce mardi. Cette entité remplacera l’Independent Commission against Corruption (Icac), ainsi que d’autres organismes engagés dans la lutte contre la criminalité financière. Les pouvoirs qui seront accordés au directeur général de cette Commission font l’objet de critiques sévères de toutes parts. Plongeons dans les détails de ce projet de loi.

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La Financial Crimes Commission

  • La Commission, dans l’exercice de ses fonctions et pouvoirs, ne sera pas soumise à la direction ou au contrôle de toute personne ou autorité.
  • Il y aura, au sein de la Commission, une Division d’enquête, qui comprendra : (i) l’Unité d’enquête sur les crimes financiers (Financial Crimes Investigation Unit) ; et (ii) l’Unité d’enquête sur le financement du trafic de drogue (Financing of Drug Dealing Investigation Unit).
  • La commission comprendra une Asset Recovery Unit, une Declaration of Asset Unit, ainsi qu’une unité dédiée aux richesses inexpliquées (unexplained wealth).
  • Le directeur général peut créer toute autre unité au sein d’une division.
  • Le directeur général peut ordonner à une division ou unité d’assumer les fonctions et d’exercer les pouvoirs qui peuvent avoir été attribués à une autre division ou unité.
  • Aucun acte accompli par une division ou une unité ne sera nul ou contestable au motif qu’une question aurait dû être traitée par une autre division ou unité.
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Composition de la Commission

La Commission comprendra un directeur général en tant que président et quatre commissaires. Ces derniers seront des personnes ayant une connaissance et une expérience suffisantes dans les domaines du droit, de la banque, de la comptabilité, de la finance, des services financiers, de l’économie ou de la détection de la fraude. 

Les commissaires seront nommés par le président de la République, agissant sur les conseils du Premier ministre, après consultation avec le leader de l’opposition. Chaque commissaire occupera ses fonctions pendant une période de 3 ans et sera éligible pour de nouvelles nominations aux mêmes postes. 

De plus, le président, sur les conseils du Premier ministre, pourra révoquer à tout moment la nomination d’un commissaire, s’il est reconnu coupable de toute faute, défaut ou violation de confiance dans l’exercice de ses fonctions ou ayant commis une infraction de nature à rendre souhaitable la révocation de sa nomination, ou s’il est physiquement ou mentalement incapable d’assumer ses fonctions en tant que commissaire.

Les pouvoirs de la Commission 

  • La Commission sera chargée de lutter contre les crimes financiers à Maurice et à l’étranger dans la mesure où ces crimes financiers sont liés à Maurice.
  • La Commission sera responsable de recevoir et d’examiner toute allégation ou plainte concernant un crime financier ou toute autre infraction en vertu du présent texte de loi et du Declaration of Assets Act, et de renvoyer cette allégation ou plainte à la division appropriée pour enquête.
  • À travers la Financial Crimes Investigation Unit de l’Investigation Division, la Commission sera responsable de détecter et d’enquêter sur les crimes financiers et autres infractions en vertu de ce texte de loi et de la loi sur la déclaration des avoirs, à l’exception des infractions liées au financement du trafic de drogue, ainsi que toute autre infraction en vertu de ce texte de loi.
  • À travers la Financing of Drug Dealing Investigation Unit de l’Investigation Division, la Commission sera responsable de détecter et d’enquêter sur les infractions liées au financement du trafic de drogue.
  • À travers l’Asset Recovery Unit de l’Asset Recovery and Management Division, la Commission sera responsable de mener des enquêtes concernant la récupération d’actifs et de récupérer et gérer des actifs qui sont des produits ou des instruments, y compris les biens liés au terrorisme.
  • À travers la Declaration of Assets Unit de l’Asset Recovery and Management Division, la Commission sera responsable de surveiller les actifs et passifs de tout déclarant en vertu de la loi sur la déclaration des avoirs.
  • La Commission sera responsable de faire tout ce qui peut être nécessaire pour lutter contre les crimes financiers et toute autre infraction en vertu de ce texte de loi et de la loi sur la déclaration des avoirs.
  • La Commission pourra enquêter sur les possibilités de crimes financiers au sein d’un organisme public.
  • La Commission sera en droit d’examiner et revoir les pratiques et procédures de tout organisme public afin de faciliter la détection des crimes financiers et les moyens par lesquels les crimes financiers peuvent être éliminés.
  • La Commission pourra surveiller, de la manière qu’elle juge appropriée, la mise en œuvre de tout contrat attribué par un organisme public, dans le but de garantir qu’aucune irrégularité ou inconvenance n’y soit impliquée.
  • La Commission devra protéger et assister les informateurs et les témoins.
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Le directeur général de la Commission

Le directeur général de la Commission sera nommé par le président de la République agissant sur les conseils du Premier ministre après consultation avec le leader de l’opposition. De plus, le directeur général doit être une personne qui :

  • a siégé en tant que juge à la Cour suprême ;  
  • a exercé en tant que magistrat à Maurice pendant une période d’au moins 10 ans ;
  • est, ou a été, avocat en exercice ou un officier de justice pendant une période d’au moins 10 ans ;
  • pendant une période totale d’au moins 10 ans, a exercé en tant que magistrat à Maurice ; 
  • et a été soit avocat en exercice, soit un officier de justice, ou les deux en tant qu’avocat en exercice et officier de justice.
  • Il devra aussi avoir occupé un poste de haut niveau au sein d’un organisme de lutte contre la corruption pendant une période d’au moins 5 ans et posséder une connaissance approfondie et une expérience au niveau national et international dans le domaine des crimes financiers.

Ses fonctions et pouvoirs 

  • Responsable de l’exécution de la politique et des fonctions de la Commission.
  • Responsable du contrôle et de la gestion des affaires quotidiennes et des opérations de la Commission.
  • Faire des recommandations à la Commission concernant les politiques et les décisions relatives aux mesures visant à lutter efficacement contre les crimes financiers.
  • Déterminer les priorités administratives et opérationnelles conformément aux priorités stratégiques définies par la Commission.
  • Fournir des informations à la Commission, si demandé, sur tout aspect des activités de la Commission, y compris les ressources.

Criminal Appeal Act : le directeur général doté d’un pouvoir de poursuite 

Le Criminal Appeal Act sera modifié à l’article 2 dans la définition « Appellant » au paragraphe (b) de la loi en insérant juste après les mots « Directeur des poursuites publiques », les mots « ou le Directeur général ». Cet amendement au Criminal Appeal Act permettra ainsi au directeur général de la Commission d’engager des poursuites pénales pour une infraction en vertu du Financial Crimes Commission Act. 

Pour l’ancien juge Vinod Boolell, ’il s’agit là d’un amendement majeur car dans le passé, le Prevention of Corruption Act ne donnait pas un tel droit au directeur de l’Icac pour entamer des poursuites. Ainsi, selon lui, cette loi vient tout simplement donner des pouvoirs absolus à un nominé politique.

Techniques d’enquête spéciales : surveillance intrusive

Lorsque le Directeur des enquêtes a des raisons de soupçonner une infraction sous ce texte de loi ou le Declaration of Assets Act, il peut, avec l’approbation du directeur général, demander à un juge une ordonnance autorisant l’utilisation de techniques d’enquête spécifiques, telles que la surveillance intrusive et l’utilisation de sources humaines d’intelligence secrète.

Le directeur général donne son approbation après s’être assuré que c’est juste, proportionné et dans l’intérêt public. Si le juge, sur une telle demande, est convaincu qu’une infraction a été, est en cours ou est susceptible d’être commise, il peut accorder l’ordonnance.

La « surveillance intrusive » désigne l’acte de surveiller, observer ou écouter une personne depuis un lieu autre qu’un lieu public, y compris la surveillance depuis des locaux résidentiels, des véhicules privés ou des propriétés privées, et l’utilisation de dispositifs de surveillance tels que des drones.

Droit d’émission de mandat par le directeur général 

Si le directeur général a des raisons valables de soupçonner la présence d’éléments de preuve sur des lieux autres que ceux spécifiés dans l’article 64 ou dans un lieu d’affaires, il peut émettre un mandat autorisant un agent à entrer et fouiller ces lieux à tout moment raisonnable. Lorsqu’une perquisition est effectuée en vertu du paragraphe (1), l’agent autorisé effectuant la perquisition peut saisir et prendre possession de tout livre, document, enregistrement, article, disque, système informatique ou autre article, que ce soit sous forme d’enregistrement électronique ou numérique, ou tout dispositif électronique ou de communication. 

Dans ce cas précis, l’ancien juge Vinod Boolell fait ressortir que ce n’est même pas la police qui va être impliquée à obtenir les mandats, mais des officiers choisis par le directeur général de cette nouvelle Commission.

Saisie de biens 

Si le directeur général est convaincu qu’un bien est lié à une infraction en vertu de ce texte de loi ou du Declaration of Assets Act, il est autorisé à le saisir. Une liste des biens saisis en vertu du paragraphe (1) sera consignée par le directeur général, et une copie sera remise à la personne dont les biens ont été saisis. La saisie effectuée se fera en confiant la garde des biens à la personne désignée par le directeur général et à l’emplacement qu’il déterminera. 

Pouvoir d’arrestation 

Lorsque le directeur général est convaincu, dans le cadre d’une enquête ou d’une poursuite pour une infraction en vertu de ce texte de loi ou du Declaration of Assets Act, qu’une personne a interféré avec un témoin potentiel, a détruit ou a l’intention de détruire des preuves en sa possession, la Commission peut, par écrit, donner instruction à un agent d’arrêter cette personne.

Le Comité d’examen des opérations réintroduit pour plus de transparence

Pour assurer une plus grande responsabilité et surveillance en ce qui concerne l’enquête et la gestion des affaires par la Commission, le Comité d’examen des opérations sera réintroduit. Ce comité avait été mis en place en vertu du Prevention of Corruption Act, avant d’être ensuite supprimé.

Le Prevention of Corruption Act, l’Asset Recovery Act, le Good Governance and Integrity Reporting Act, et le Part II du Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act seront abrogés et remplacés par ce nouveau cadre juridique. Les dispositions existantes des lois abrogées seront non seulement conservées, mais renforcées. En conséquence, la Commission assumera les fonctions et pouvoirs de l’Independent Commission against Corruption (Icac) en vertu du Prevention of Corruption Act, de la Asset Recovery Investigation Division (ARID) de la Financial Intelligence Unit en vertu de l’Asset Recovery Act, et de l’Integrity Reporting Services Agency (IRSA) en vertu du Good Governance and Integrity Reporting Act. 

De plus, la Commission sera désormais le dépositaire de toutes les déclarations faites en vertu du Declaration of Assets Act.

RÉACTIONS

L’ancien juge Vinod Boolell : « Le DPP et le judiciaire resteront les derniers remparts »

Vinod Boolell exprime certes des inquiétudes quant à la diminution des pouvoirs du Directeur des poursuites publiques (DPP) dans le domaine des crimes financiers du fait de la Financial Crimes Commission Act. Il souligne néanmoins que les deux dernières lignes de défense contre tout abus seront le DPP et les juges. 

En ce qui concerne le DPP, Vinod Boolell fait ressortir que ce poste, garanti par la Constitution, permet au titulaire de décider de la poursuite ou non d’une personne. Quant aux juges et aux magistrats, il met en avant le rôle essentiel qu’ils joueront en se prononçant sur les affaires et en accédant à certaines demandes de la Commission, notamment en ce qui concerne le droit de surveiller les suspects. Il affirme ainsi que le DPP et le pouvoir judiciaire demeureront les dernières lignes de défense.

Parvez Dookhy, avocat et membre de Linion Moris : « L’introduction d’un juge d’instruction serait la solution la plus pertinente »

« Nous sommes tous conscients que les institutions chargées de lutter contre les crimes économiques sont souvent sujettes à une politisation par le gouvernement. C’est le cœur du problème. La centralisation de ces institutions ne résoudra pas la situation. Le véritable problème réside principalement dans l’efficacité de la lutte contre la criminalité économique. Cependant, des interrogations subsistent. 

Qu’est-ce qui ne fonctionne pas ? Il s’agit de la capacité de nos institutions à mener des enquêtes approfondies, conformes aux normes et dans des délais raisonnables. Malheureusement, la plupart des enquêtes aboutissent à des impasses. Ce que nous observons au sein de l’Icac semble loin de répondre aux critères de professionnalisme. Nos institutions sont influencées par le gouvernement en place. Si l’objectif est simplement de regrouper ces institutions peu fonctionnelles sous une seule entité, cela ne justifie pas cette démarche. Il y a d’autres actions à entreprendre à Maurice. L’introduction d’un juge d’instruction serait la solution la plus pertinente, en particulier dans le contexte de la lutte contre la corruption, les crimes graves et le trafic de drogue. »

Nando Bodha, leader du Rassemblement mauricien : « Il est impératif qu’une institution soit totalement indépendante »

« Pour lutter efficacement contre la fraude et la corruption, la volonté politique demeure la condition sine qua non. Il est impératif qu’une institution soit totalement indépendante du gouvernement en place. La personne à la tête de cette institution doit incarner l’intégrité et la compétence. Le projet de loi aborde-t-il ces aspects cruciaux ? Bien évidemment, ce n’est pas le cas. De plus, nous avons tous été témoins du bilan du Premier ministre, Pravind Jugnauth, en matière de lutte contre la fraude et la corruption. La concentration des pouvoirs ne devrait pas se situer au niveau de la Financial Crimes Commission, mais plutôt consister à mettre en place des institutions qui permettront de faire de Maurice un pays exempt de fraude et de corruption, dirigées par des individus intègres et compétents. »

 

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