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Finances publiques- Ramener la dette à 60 % du PIB : un objectif pieu ?

La dette publique brute par rapport au PIB avait atteint un pic de 95 % en 2021.

Le montant de la dette publique passera de Rs 524 milliards en juin 2024 à Rs 622 milliards en 2027 selon les estimations du ministère des Finances. Celui-ci mise cependant sur la réduction de la dette du secteur public en pourcentage du PIB.

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La dette publique est une préoccupation nationale. Plusieurs économistes et des institutions, dont le Fonds Monétaire International (FMI), ont tiré la sonnette d’alarme face à la dette publique de Maurice qui a pris l’ascendant ces dernières années. Pour cause, une hausse de cette dette n’est pas sans conséquence sur l’économie par rapport au remboursement auquel la population devra, par les impôts, s’atteler. Cependant, le ministre des Finances livre une lecture différente de la situation. Le 7 juin 2024, Renganaden Padayachy a fait part de son optimisme quant au ratio de la dette du gouvernement sur le produit intérieur brut (PIB) qui diminuera de 69,8 % en juin 2023 à 65,4 % en juin de cette année, puis à 63 % à la fin juin 2025.  Le grand argentier a également soutenu que le ratio de la dette publique sur PIB devrait passer de 80,2 % du PIB en juin 2023 à 74,5 % en juin 2024 et à 71,1 % en juin 2025. « Nous ramènerons la dette publique à 60 % du PIB dans le prochain mandat, soit dans un maximum de 4 ans », a-t-il affirmé devant la presse le lendemain de son grand oral. Il précise, cependant, que le montant de la dette ne diminuera pas. « Aucun gouvernement n’a baissé le montant de la dette. Pour arriver à un Budget en surplus, il nous faudra une taxation de 30 % de notre PIB, ce qui calera notre économie. Nous préférons laisser croître notre économie », a-t-il indiqué. 

Il convient de souligner que la dette publique brute a augmenté à un taux de croissance annuel moyen de +8,3 % depuis 2010. Depuis 2010, elle a augmenté considérablement, passant de 57,8 % à 74,5 % du PIB en 2024, fait ressortir le rapport d’AXYS intitulé, « Mauritius Economic Deep Dive 2024 ». « La dette publique avait déjà tendance à grimper avant la pandémie, atteignant 65 % au cours de l’exercice 2019 », est-il mentionné. 

La pandémie a considérablement affecté la dette publique, la faisant largement dépasser le plafond de 65 % établi par la loi. Le gouvernement avait abrogé ce plafond après la promulgation de la loi Covid-19. « Cette dernière a également permis aux autorités de déclarer la dette publique nette des équivalents de trésorerie et des fonds propres détenus par les institutions publiques », rappellent les auteurs du rapport d’AXYS. Par conséquent, la dette publique brute par rapport au PIB a atteint un pic de 95 % en 2021. 

Le gouvernement a mis plusieurs mesures en œuvre au cours des dernières années pour contrôler l’augmentation du ratio dette/PIB.»

Revoir l’objectif

Renganaden Padayachy a fait comprendre que l’objectif de ramener la dette du secteur public en dessous du niveau statutaire de 80 % du PIB est atteint cette année. « D’ici juin 2025, nous serons largement en dessous de ce niveau statutaire et plus proche de notre objectif à moyen terme, qui est de 60 % du PIB », a-t-il ajouté.  Selon Yuven Peechen, chargé de cours en finances, si la croissance économique du pays continue d’augmenter significativement, le niveau de la dette publique pourrait être ramené à 60 % du produit intérieur brut. « La progression de notre PIB dépendra grandement du tourisme, mais aussi des autres piliers de notre économie. Le ministre des Finances mise davantage sur un grossissement de notre PIB que de réduire le montant absolu de la dette », explique-t-il.  

Par ailleurs, les mesures budgétaires auront aussi des effets sur le montant de la dette publique. La part belle attribuée à la protection sociale dans le Budget 2024-25 représente un tiers du total des dépenses prévues pour l’année. Or, Maurice est exposé aux risques de dépréciation future de la roupie, l’incertitude quant à la durée des conflits entre la Russie et l’Ukraine et au Moyen-Orient, ainsi que les augmentations du coût du fret. Même si, reconnaît-on chez KPMG Maurice, compte tenu de ces facteurs externes qui sont hors de contrôle pour le pays, l’octroi d’un soutien financier plus important semble être la solution appropriée à court terme. À plus long terme, cependant, fait-on comprendre, « il est absolument vital que le pays atteigne la croissance économique visée et plus élevée, faute de quoi le fardeau et la pression se feront cruellement sentir sur la dette publique ».

Le gouvernement a mis plusieurs mesures en œuvre au cours des dernières années pour contrôler l’augmentation du ratio dette/PIB. Les rentrées de fonds supplémentaires résultant du déploiement des mesures quasi budgétaires pour rembourser la dette et la modification des modalités de déclaration de la dette publique réduiront le ratio dette publique/PIB à court terme. Cependant, à moyen et à long terme, ces mesures peuvent entraîner des dettes éventuelles pour les autorités, ce qui aura pour effet d’accentuer la pression sur l’économie.

Le besoin de financement de l’État 

Le financement a multiplié de +9 % en taux de croissance annuelle composée (TCAC) depuis décembre 2014. Cette hausse, indique-t-on chez AXYS, est principalement due à l’augmentation des obligations à 5 et 7 ans et des emprunts à long terme. Les obligations à 5 et 7 ans et celles à long terme ont enregistré une progression de +11,8 % et +12,2 % en TCAC respectivement. Les titres à court terme ont augmenté de +4,7 % en TCAC.

Les besoins d’emprunt se sont légèrement améliorés en 2021 en raison de la vente des actions d’Airport Holdings Ltd à la Mauritius Investment Corporation (MIC). Néanmoins, en 2022, les besoins d’emprunt ont majoré de 6,8 % en glissement annuel et ont continué à augmenter bien au-delà du niveau d’avant la pandémie, pour atteindre un niveau record de Rs 390,1 milliards.

En chiffres

Taux de croissance annuelle composée de 2010 à 2024
Dette étrangère +9,6 %
Dette locale +7,9 %

  • La part de la dette étrangère est passée de 18,6 % en 2010 à 28,1 % en 2024.

Questions à…Pierre Dinan, économiste : «Il n’y a pas de signe que les emprunts vont diminuer»

pierreAprès avoir ramené la dette publique en dessous de 80 % du PIB, l’objectif est, selon le ministre des Finances, de descendre à 60 % du PIB. Est-ce réalisable ?
Ce sera réalisable à condition que le produit intérieur brut augmente. Il n’y a pas de signe que les emprunts vont diminuer. Pour que la proportion par rapport au PIB baisse, il faudra que le dénominateur, soit le PIB, grossisse. 

Concrètement, quels sont les facteurs qui peuvent contribuer à faire grossir le PIB du pays ?
Je dirais une utilisation efficace et continue de nos ressources. Celles-ci sont la population en âge de travailler et qui doit être productive. Il y a également notre économie bleue, nos terres et la ressource soleil. Je suis déçu de voir que nous continuons à importer pour nos besoins énergétiques. Je veux bien que l’on augmente le nombre de touristes, mais le plus important est de hausser les dépenses de ce secteur dans le pays.   

En 2019, la dette publique était à 65 % du PIB. La tendance à la hausse s’observait déjà pré-covid. Quelle serait une approche appropriée, alors que le montant de la dette pourrait dépasser les Rs 620 milliards en 2027 selon les estimations du ministère des Finances ?
En sus d’augmenter notre PIB à travers la contribution de nos ressources humaines et naturelles, il faudra revoir nos dépenses publiques. Celles-ci sont nécessaires, mais il ne faut pas tomber dans le risque de faire plaisir aux gens en offrant trop de cadeaux. Notre budget social doit être destiné à ceux qui en ont vraiment besoin. Certes, c’est le rôle du gouvernement de gouverner et d’aider, mais le ciblage est important. Il ne faut pas avoir de distributions en veux-tu, en voilà ! Les fonds publics ne doivent pas non plus être gaspillés.

Composition des devises 

La dette libellée en dollars et en euros continue de représenter une part importante (74 %) de la dette totale au cours de l’exercice 2024. Depuis 2021, fait-on comprendre chez AXYS, la part de la dette libellée en yens a augmenté en raison des prêts accordés par le gouvernement chinois et l’EXIM Bank of China pour financer les projets, notamment le complexe multisports de Côte d’Or, les travaux d’égouts de Plaine Wilhems, le barrage de Bagatelle et la construction d’un nouveau service et d’une salle d’opération à l’hôpital Victoria. « Bien que la dépréciation des taux roupie/dollar et roupie/euro puisse poser un risque de remboursement significatif, la situation reste bien contenue par rapport à d’autres pays africains. Par exemple, la dette extérieure représente 16 % du PIB à Maurice, contre 35 % au Kenya », est-il précisé dans le rapport d’AXYS.

Quelques mesures prises pour contrôler l’augmentation du ratio dette/PIB 

  1. Modifier la loi sur la Banque de Maurice pour autoriser l’utilisation des fonds du Fonds de réserve spécial pour les politiques fiscales également. Ceci a permis au gouvernement de retirer Rs 18 milliards pour le remboursement anticipé et le paiement programmé de certaines dettes étrangères du pays.
  2. Vendre certains actifs non stratégiques pour un montant d’environ Rs 11 milliards.
  3. Vendre à la Mauritius Investment Corporation (MIC) l’équivalent de Rs 25 milliards d’actions (participation de 49 %) de la société Airport Holdings Ltd, contrôlée par le gouvernement.

Les stratégies envisagées par le ministre Padayachy pour y parvenir  

Le gouvernement envisage de ramener la dette publique sous la barre des 70 %. Comment compte-t-il procéder ? « La trajectoire de la croissance amènera plus de recettes et de revenus. Plus on a de la richesse, plus le taux d’endettement baissera. La réponse est aussi simple que cela », a affirmé le ministre des Finances à la presse. Il précise qu’il ne mène pas une politique de réduction de la dette, mais celle d’une augmentation de la richesse. « Si la dette grimpe, la croissance augmente aussi, car cette dette sert à développer le pays et à améliorer nos infrastructures… », fait-il ressortir. Cela dit, poursuit-il, le gouvernement a la ferme intention de baisser le ratio de la dette publique par rapport au PIB, puisque le pays a une croissance plus forte et soutenable.

L’évolution de la dette publique 

  Juin 2024 estimations Juin 2024 révisée Juin 2025 estimations Juin 2026 estimations Juin 2027 estimations
Dette publique Rs 516 milliards Rs 524 milliards Rs 567 milliards Rs 596 milliards Rs 622 milliards
Dette domestique Rs 384 milliards Rs 409 milliards Rs 437 milliards Rs 459 milliards Rs 482 milliards
Dette externe Rs 131 milliards Rs 115 milliards Rs 129 milliards Rs 136 milliards Rs 139 milliards
Dette du secteur public en % du PIB 71,5 % 74,5 % 71,1 % 67,7 % 64,1 %
  • LDMG

 

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