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Expulsions, suspensions, insultes… : le Parlement est-il au point mort ?

Les observateurs politiques s’accordent à dire que la situation est « critique ».

Avec tout ce qu’il se passe, le temple de la démocratie est-il arrivé à un point mort ? Entre les expulsions, suspensions pour plusieurs séances, des représentants du gouvernement qui jouent à l’opacité, un Speaker qui est perçu comme défenseur de la majorité parlementaire et une opposition qui est accusée par certains de surréagir, rien ne va plus, semble-t-il.

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L’Assemblée nationale n’est-elle plus fonctionnelle ? Cette question est sur toutes les lèvres ces derniers temps, que ce soit sur les réseaux sociaux, dans la sphère politique ou auprès des observateurs. La réponse à cette question est loin d’être simple. 

Si certains observateurs estiment que le Parlement ne fonctionne plus, d’autres pensent que le terme « point mort » est peut-être un peu exagéré. Pour tenter d’y voir plus clair, nous avons recueilli les opinions de plusieurs observateurs, notamment celles d’Aavinash Munohur, politologue, de Faizal Jeerooburkhan, de Think Mauritius, et de Michael Atchia, de Democracy Watch.

Faizal Jeerooburkhan est catégorique : le Parlement se retrouve dans une situation critique. « Nous ne sommes jamais descendus à ce niveau-là », affirme-t-il. Il est d’avis que le Parlement ne fonctionne plus, ce qui a des conséquences graves pour la démocratie, l’économie, le social et le pays en général, explique-t-il. « La mafia continue d’étendre ses tentacules, alors que les institutions fonctionnent de moins en moins bien, et une crise plus sévère peut paralyser tout le système », craint-il.

J’aurais attendu de l’opposition qu’elle parvienne à se maîtriser un peu plus pour ne pas tomber dans le piège telles des mouches qui se posent sur de la colle»

« Si l’opposition ne peut jouer son rôle de chien de garde, la démocratie risque de sombrer. Et quand la démocratie n’est plus là, cela a des répercussions sur tout le reste. Les investisseurs ne viendront pas et les voyageurs risquent d’éviter Maurice », prévient-il

Cependant, Faizal Jeerooburkhan souligne que les torts sont partagés. « L’opposition devrait peut-être revoir sa façon de fonctionner et éviter de se faire piéger par le gouvernement. Les députés de l’opposition ne devraient pas prêter le flanc aussi facilement lorsqu’ils savent que de l’autre côté, on cherche à provoquer des fautes pour que des sanctions tombent. J’aurais attendu de l’opposition qu’elle parvienne à se maîtriser un peu plus pour ne pas tomber dans le piège, telles des mouches qui se posent sur de la colle », ironise-t-il.

« ce qu’il se passe est outrageant, mais nous sommes aussi dans un jeu psychologique en plus d’un jeu politique. Parfois, garder le silence est préférable à l’utilisation de mots déplacés pour attaquer un Speaker ou un Premier ministre. Savoir réagir face à une situation fait également partie de la démocratie », insiste le membre de Think Mauritius.

Michael Atchia, de Democracy Watch, est également préoccupé par la situation au Parlement mauricien. Il estime que lorsque le leader du MMM et le chef de file du PTr sont expulsés, cela remet en question la capacité du Parlement à fonctionner.

Il est important de noter qu’aux dernières élections, le MMM et le PTr, lorsqu’on additionne leurs scores, ont obtenu un pourcentage de votes plus élevé que l’alliance gouvernementale, rappelle Michael Atchia. « Ce sont quand même deux chefs placés dans le Parlement par la population. Les décisions prises en leur absence, qu’ils les approuvent ou non, sont en quelque sorte ultra vires, ce qui est inacceptable. » 

Il demande au Speaker de changer de comportement et d’afficher une neutralité. « Expulser quelqu’un devrait vraiment être le dernier recours et devrait donc être appliqué rarement. Mettre des élus du peuple dehors pour un oui ou pour un non est inacceptable ! » martèle-t-il.

L’Assemblée nationale est devenue une sorte de télé-réalité. Comme les travaux sont diffusés en direct, c’est devenu un spectacle»

Aavinash Munohur, politologue, pense que le terme point mort est peut-être approprié, mais il observe surtout que les standing orders sont détournés. « On les utilise pour faire du jeu politique plutôt que pour débattre des enjeux du pays. Des réformes sont nécessaires au niveau des standing orders », préconise-t-il.

Il est également préoccupé par la transformation du Parlement en spectacle, en grande partie due à la diffusion en direct des débats. Cette théâtralité renforce la politisation du Parlement. « L’Assemblée nationale est devenue une sorte de télé-réalité. Comme les travaux sont diffusés en direct, c’est devenu un spectacle. Si les Mauriciens ne pouvaient pas voir ce qu’il s’y passe, les choses auraient été probablement plus normales. Cette diffusion renforce ce côté spectacle que les Mauriciens adorent », analyse Aavinash Munohur.

En voulant rendre les choses plus transparentes, « on est entré dans le populisme ». « Si derrière, il n’y a pas une audience qui répond favorablement à cette théâtralité, on n’aurait pas vu tout ça », poursuit-il.

Le politologue trouve regrettable que l’opposition a tendance à tomber dans les pièges tendus par la majorité. « Ce speaker est là pour faire le travail qu’on sait et des députés de très grande expérience tombent dans le panneau. Devant cette tactique, l’opposition gagnerait à s’adapter, car cette situation joue aussi contre elle. Il y a une perception que si l’opposition ne fait pas de walk-outs, elle se fait expulser. Finalement, ils sont eux aussi payés pour être présents au Parlement », conclut Aavinash Munohur.

 

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