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Expropriation des terres : des familles marquées au fer rouge

Plusieurs familles sont désemparées et consternées après que le gouvernement a réquisitionné leur terrain pour des projets de développement. Du jour au lendemain, elles se sont retrouvées sans emploi, car la terre qu’elles cultivaient était leur unique gagne-pain.

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Les négociations buttent en ce moment entre les autorités compétentes et plusieurs familles de La Butte ainsi que de Résidence Barkly. Dans le passé, d’autres familles ont contesté le montant de la compensation que le gouvernement leur a proposée pour l’acquisition de leurs terrains, situés dans la région de Riche-Terre (pour les besoins du projet Tian Li) et à Petit-Camp, Belle-Terre et Highlands (pour le projet d’autoroute Terre-Rouge–Verdun). Ces familles qui cultivaient leur terre se sont retrouvées au chômage.

Elles reprochent au gouvernement d’alors de leur avoir proposé des miettes tandis que d’autres familles concernées par le projet de l’autoroute ont eu droit à des sommes plus conséquentes. Selon Suraj Fowdar, porte-parole de l’association Planteur Highlands, le gouvernement de l’époque n’a pas repris un terrain à bail mais il a réquisitionné ceux qui avaient des propriétaires.

Ci-dessus les montants auxquels ont été évalués les terrains réquisitionnés par l’État pour les besoins de projets de développement.

Une quinzaine de familles sont concernées. L’État avait proposé à chacune une compensation de Rs 600 000 par arpent. La superficie totale des terrains était de cinq arpents. Deux familles ont obtenu Rs 600 000 par arpent, tandis que trois autres ont reçu Rs 2,5 millions pour la même superficie. Suraj Fowdar précise que ces terrains n’étaient souvent séparés que par une rue : « L’évaluateur du gouvernement avait estimé notre terrain à Rs 600 000 l’arpent. Après quatre ans, le terrain a été évalué à Rs 2,5 millions. On se demande ce qui se serait passé si on avait pris cet argent. Le terrain d’une personne avait été évalué à Rs 6,5 millions. Mais après une réévaluation, elle a perçu Rs 16,5 millions. Le terrain d’un autre individu avait été évalué à Rs 600 000, mais ce dernier a par la suite obtenu Rs 6,5 millions. » Le porte-parole de l’association Planteur Highlands indique que l’État aurait dû constituer un panel chargé de se pencher sur les terres qui devaient être réquisitionnées.

Chômage

Cela fera bientôt sept ans que Suraj Fowdar n’a plus accès à son terrain. « Mon père qui a travaillé plusieurs années durant sur son terrain s’est retrouvé au chômage bien qu’il possède toujours son lopin de terre. L’État a pris nos terres sans nous donner le moindre sou. Puis l’accès a été supprimé. Quand nous voyons ce que verse l’État en guise de compensation, nous nous disons qu’il y a un manque de justice. Une famille obtient 11 fois plus qu’une autre. Elle a déjà encaissé Rs 10 millions en 2013. Nous, qui avons dépensé presque Rs 500 000 par famille pour les frais d’avocat, d’avoué et d’arpenteur, sans compter les dépenses administratives, attendons toujours notre compensation », se lamente Suraj Fowdar. Il ajoute que « les familles concernées ont sollicité l’aide des autorités à plusieurs reprises, mais en vain ».

Suraj Fowdar, porte-parole de l’association Planteur Highlands, entouré d’autres personnes.

Harbour Bridge, un projet qui est resté à quai

Quand le précédent gouvernement voulait construire le Harbour Bridge, 63 portions de terre avaient été réquisitionnées. Finalement, le projet n’a jamais vu le jour. Pourtant, plusieurs familles ont reçu des compensations. Trente-deux familles ont déjà perçu, au total, Rs 204 millions après l’expropriation de leurs terres. Huit autres ont opté pour un « interim payment », ce qui signifie qu’elles ont accepté une certaine somme d’argent tout en étant autorisées à poursuivre les négociations. Ces familles ont obtenu Rs 40 millions. Les 23 autres n’ont pas accepté le montant proposé.

D’anciens planteurs en attente de terrains

Fleurette Casimir et Marie Aurela Edouard affirment qu’elles attendent toujours le terrain qui leur aurait été promis pour qu’elles recommencent à cultiver la terre.

Dans le Nord, plus précisément à Riche-Terre, l’État avait réquisitionné près de 450 arpents de terres pour la construction de la Tianli Economic and Trade Cooperation Zone, un parc industriel. Le projet n’a jamais vu le jour. Aujourd’hui, c’est JinFei qui occupe le terrain. Dans le passé, les terres de cette région étaient les plus fertiles. Tout y poussait. Mais ce n’est plus le cas. « Il aurait fallu encadrer ces planteurs afin de relancer le secteur », soulignent des planteurs.

Selon Salim Muthy, porte-parole des planteurs de Riche-Terre, plusieurs d’entre eux ont reçu la somme de Rs 200 000 à Rs 400 000 et certains ont même eu jusqu’à Rs 600 000. « En sus des compensations, le gouvernement leur a aussi proposé une autre portion de terrain, soit à Calebasses ou à Bois-Marchand. Mais les planteurs ont refusé car le sol dans ces régions n’est pas propice à l’agriculture. J’ai proposé au gouvernement de leur donner un lot de terrain résidentiel de 110 toises à Khoyratty. J’en ai parlé au Premier ministre. Mais depuis bientôt deux ans, on n’entend toujours rien. Les planteurs n’ont toujours rien obtenu et trois d’entre eux ne sont plus en vie », a-t-il expliqué. Ce dernier lance un appel au gouvernement afin que les 20 planteurs restants aient leur lopin de terre car ils sont tous âgés.

Depuis 2009, Marie Aurela Edouard attend toujours son lopin de terre. « On a dû faire deux grèves de la faim et une enquête a été ouverte. L’État nous a offert une compensation mais ce n’est pas suffisant. Si j’avais mon terrain, je serais encore en train de cultiver des légumes. J’aurai 50 ans cette année et pendant 20 ans j’ai planté à Riche-Terre. Du jour au lendemain, je me suis retrouvée au chômage. Je n’ai plus de terre à cultiver », déplore-t-elle. « Quand on plantait, on pouvait vendre les légumes », dira cette habitante de Baie-du-Tombeau. Quant à sa collègue Fleurette Casimir, elle confie que sa vie a pris une autre tournure du jour au lendemain. « Les séquelles ont été multiples. Rien n’est plus comme auparavant », dit-elle.

«J’ai commencé à l’âge de huit ans…»

Anand Pahlad, président de la Mauritius Planters Association, relate qu’il a commencé à cultiver son terrain à l’âge de huit ans. « Il y a toute une génération qui a travaillé sur le terrain. Mon père s’en est occupé et par la suite moi. En ce moment, je n’ai pas de terrain pour cultiver des légumes. » Selon lui, son père avait obtenu le terrain quand le pays était toujours sous la souveraineté britannique.

« À l’époque, on avait fait comprendre à mon père que les quatre arpents lui reviendraient. Mais quand l’État m’a ensuite repris le terrain. J’ai uniquement reçu une compensation pour la plantation à laquelle s’adonnait mon père, pas pour la maison qu’il avait érigée sur le terrain. » Il souligne que si le gouvernement n’avait pas pris les quatre arpents, il serait toujours en train de s’adonner à la plantation. « Je me suis retrouvé au chômage », fait-il part. Par la suite, dit-il, le précédent gouvernement n’a pas renouvelé le bail. Le groupe Tianli la ensuite pris possession de cette terre, mais il n’a pu le développer. JinFei a enfin eu le terrain.

Le terrain de Suraj Fowdar et de sa famille avait, dans un premier temps, été évalué à Rs 600 000 par arpent. Quatre ans après, il avait été estimé à Rs 2,5 millions par arpent.

Photos : Longanaden Pillay

 

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