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Entre augmentations et réajustements : enjeux salariaux et défis sociaux en marge du Budget 

À quelques jours de la présentation du Budget, les citoyens aspirent à un avenir financier plus sûr et prospère.

Alors que l’horloge tourne vers la présentation tant attendue du Budget 2024-25, la question des salaires occupe une place prépondérante dans les discussions. Certains estiment que le Grand Argentier en fera une de ses cartes maîtresses. D’autres évoquent le paiement d’un 14e mois comme mesure-phare. Les entreprises pourront-elles subsister à une nouvelle hausse salariale ? Le gouvernement pourra-t-il continuer à les épauler afin que la charge fiscale soit moindre ?

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Deux événements majeurs sont au programme du gouvernement pour améliorer les salaires des employés des secteurs public et privé. Le ministère du Travail prévoit de présenter et mettre en pratique deux rapports déterminants : celui sur la relativité salariale et un autre dédié aux « occupation-based salaries ».
Le rapport sur la relativité salariale, par exemple, vise à corriger les anomalies créées par la hausse du salaire minimum, mise en œuvre sur les paies de fin janvier. Cette augmentation a provoqué des déséquilibres dans les échelles salariales. Qu’en pensent les opérateurs ? 

Réflexion

François de Grivel, industriel, souligne les difficultés auxquelles les entreprises sont déjà confrontées en raison de la charge fiscale accrue, expliquant que le salaire minimum est passé de Rs 11 575 à Rs 16 500. « En janvier, il y a eu une grosse augmentation de salaire, ce qui est très difficile à supporter. Il n’y a pas de catégories spécifiques. Les jeunes qui arrivent perçoivent le même salaire que ceux qui ont 20 ans d’expérience. Il aurait fallu une réflexion plus approfondie. J’espère que le Budget tiendra compte de cette catégorie », dit-il. 

Consommation

François de Grivel va plus loin en avertissant qu’une nouvelle augmentation serait « dangereuse » pour le pays. « En augmentant les salaires, on accroît les coûts, ce qui fait souffrir la consommation. Les salariés paieront plus cher les biens de consommation, ce qui augmentera le coût de la vie et ne produira pas l’effet escompté. On ne peut pas bâtir une économie nationale sur des hausses de salaires répétitives. Ces augmentations ne sont pas accompagnées d’une productivité additionnelle », estime-t-il. 

Objectif à long terme

François de Grivel poursuit en expliquant que l’objectif doit être de créer richesse et emploi. « Si nous n’arrivons pas à cette structure, ce sera contre-productif pour n’importe quel gouvernement. Dans l’état actuel des choses, une nouvelle hausse est difficile. Les augmentations précédentes pèsent lourd. Il faut être prudent et plus objectif sur le long terme, et non pas prendre des décisions à court terme. Cela concerne autant les employeurs que les employés personnellement », met-il en avant.

Pour sa part, le syndicaliste Reaz Chuttoo parle d’« extrapolation » et estime que le Budget ne doit pas nécessairement amener des hausses salariales. « Ce sont des mesures que le gouvernement paiera. Une augmentation salariale doit être décidée par le National Wage Consultative Council. Le Budget pourrait annoncer un 14ᵉ mois et le gouvernement le paiera », estime-t-il. 

Classification par métier 

Reaz Chuttoo souligne l’importance de classer les individus en fonction de leur occupation afin de garantir une rémunération équitable. Selon lui, depuis 1975, les femmes travaillant dans le secteur des services ne sont couvertes par aucun Remuneration Order. 

« Cette omission a conduit à une situation alarmante, où près de 30 % des femmes ne gagnent que le salaire minimum, en vigueur depuis 2018, quel que soit le travail qu’elles effectuent. Il y a des femmes dans le secteur commercial qui ne perçoivent que le salaire minimum. Il est important de corriger cette injustice sociale. La classification par occupation est essentielle », insiste le syndicaliste. 

Reaz Chuttoo s’appuie sur le fait que le ministre du Travail avait promis que cette classification viendrait. Le Budget devrait, selon lui, apporter des changements au niveau social. « Le salaire minimum a été défini en 2017 en fonction de la sécurité alimentaire. Est-ce normal qu’aujourd’hui, les personnes qui perçoivent une pension n’aient pas droit à cette sécurité ? », demande-t-il. 

Il estime qu’il faudrait augmenter les pensions à Rs 16 500 pour assurer un niveau de vie décent aux bénéficiaires. « Est-ce normal que les familles doivent payer pour l’éducation de leurs enfants en situation de handicap ? Pas moins de 200 organisations non gouvernementales reçoivent des subventions, mais ce sont les parents qui doivent payer », déplore-t-il. 

Décisions politiques 

Le syndicaliste ajoute qu’aujourd’hui, la préoccupation générale porte sur l’augmentation des prix. « Les décisions politiques doivent viser à soulager la population. Ne serait-il pas grand temps de prioriser la production, le stockage et la transformation de notre propre nourriture ? Est-il vraiment nécessaire d’importer des tomates alors que nous avons la capacité de les produire localement ? », dit-il. 

Il ajoute que nous nous tirons une balle dans le pied en persistant dans cette voie. « L’exercice budgétaire est l’occasion pour le gouvernement d’adopter des mesures correctives pour favoriser l’harmonie sociale et corriger les injustices sociales », lance-t-il. 

Mesures correctives

Reaz Chuttoo souligne également l’importance d’agir dans un contexte de forte croissance économique, où la richesse est générée. « Maurice est désigné comme un pays à revenu intermédiaire supérieur. De nombreuses entreprises privées réalisent des bénéfices. C’est donc l’occasion de prendre des mesures correctives », affirme-t-il, insistant sur l’importance de garantir un travail décent et une rémunération équitable. 

Limites

Quant à l’économiste Chandan Jankee, il met en évidence le cycle récurrent d’augmentations salariales et note que le gouvernement a régulièrement introduit des hausses par le passé. « Je pense qu’il doit équilibrer ses revenus en tenant compte de ses performances économiques actuelles et de ses prévisions futures. Il doit se baser sur les performances attendues, les revenus prévus et les dépenses. Tout cela doit être réalisé dans certaines limites, car le gouvernement doit maintenir un déficit budgétaire à un niveau gérable et continuer à réduire la dette publique », souligne-t-il.

Prévisions

Chandan Jankee exprime son opinion selon laquelle chaque Budget est crucial pour soutenir la croissance économique. « Si un gouvernement a la capacité, dans ses prévisions, de maintenir une croissance économique à un taux de 5 % à 6 %, il n’aura aucune difficulté à maintenir et à ajuster les salaires conformément à ses engagements ainsi qu’à son objectif de préserver la qualité de vie, en particulier pour ceux en bas de l’échelle sociale », affirme-t-il.

L’économiste souligne également qu’avec l’augmentation des salaires, la masse monétaire dans le pays connaît une hausse, en particulier après une période de fermeture économique due à la pandémie de COVID-19. « C’est bénéfique pour l’économie et le développement. Plus les gens gagnent de l’argent, plus ils ont tendance à dépenser une partie de leurs revenus, à rembourser des prêts et à épargner. Cela crée un effet multiplicateur, stimulant ainsi le dynamisme économique », explique-t-il. 

Il estime aussi que le gouvernement doit persévérer dans la recherche de moyens pour stimuler l’expansion économique. « Ce dynamisme attirera davantage d’investissements, favorisera la croissance et engendrera plus de richesse dans l’économie. Le rôle de l’État-providence est de redistribuer cette richesse. Il est important de ne pas s’engager dans un débat négatif à ce sujet », conclut Chandan Jankee. 

 

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