Des jeunes qui font de petites bêtises, d’autres qui tombent dans la délinquance, des petits voyous, des adolescents qui touchent aux drogues. Tous sont malheureusement considérés comme des ‘Children beyond Control’. Que faire d’eux et comment les aider ? Tour d’horizon.
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«Il a 15 ans et depuis qu’il est entré au collège, son comportement a beaucoup changé. Je ne sais plus quoi faire. Il vole et je pense qu’il fume, qu’il se drogue. » C’est Sandrine, une maman en pleurs, qui a témoigné à l’antenne de Radio Plus récemment. « C’est difficile pour une maman d’aller rapporter son fils aux autorités mais il ne nous écoute plus… En tant que mère, je veux ce qu’il y a de bien pour mon fils. Je ne veux pas qu’il finisse en prison plus tard. Il tombe dans la délinquance sous mes yeux et je me sens impuissante. »
Elle est allée à la CDU et la Brigade pour la Protection des mineurs. « J’ai frappé à plusieurs portes, je n’en peux plus. » Comme Sandrine, de nombreux parents ont des difficultés à gérer leurs enfants en conflit avec la loi. Le psychothérapeute, Samcoomar Heeramun, explique que les parents réalisent souvent trop tard qu’il y a un problème. « Ils ne veulent pas croire que leurs enfants ont des problèmes, ils ne veulent pas remettre leur éducation en cause. Puis, ils se sentent coupables et dans l’impasse. En même temps, ils ont honte de se tourner vers les autorités et avouer qu’ils n’ont plus d’autorité parentale sur leurs enfants. D’un autre côté, ils ne veulent pas les dénoncer. Ils pensent que leur rôle est de protéger leurs enfants. Ils ne veulent pas qu’ils aient des problèmes avec les autorités. Donc, c’est vraiment difficile. » Ainsi, il recommande que les enfants comme les parents bénéficient d’un bon encadrement.
Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for children : «La RYC n’est pas la solution»
De nombreux parents se retrouvent en ce moment perdus face au comportement de leurs enfants en conflit avec la loi. Ils ne savent quoi faire. Y a-t-il une faille quelque part ?
Effectivement, nous vivons dans une société où le nombre de cas d’enfants en conflit avec la loi ne cesse d’augmenter pour diverses raisons. Bien souvent hélas, les parents ne savent pas quoi faire. Ils ne sont pas préparés et c’est malheureux de les entendre dire qu’ils frappent en vain à plusieurs portes. Dans le rapport de l’Ombudsperson et depuis deux ans, j’ai souligné qu’il y a des manquements sur la prise en charge des enfants en conflit avec la loi. Il manque une structure intermédiaire. Ces enfants ont besoin de ce qu’on appelle ‘Intensive Therapy’. à l’heure que je vous parle, je ne connais aucune structure qui prévoit un suivi régulier, serré, intense à ces enfants. Cela n’a rien à voir avec le fait d’être vu par un psychologue une fois par mois. Il faut un encadrement thérapeutique intense et poussé qui va donner des résultats.
Certains enfants, en conflit avec la loi, se retrouvent finalement au RYC. Arrivent-ils à y obtenir l’encadrement nécessaire ?
D’abord, chaque enfant est différent et chaque cas diffère. Il faut étudier cas par cas pour connaître les besoins spécifiques de chaque enfant et trouver des solutions individualisées. Nous savons tous que la situation au RYC est très difficile. C’est vraiment le dernier des recours, car la RYC n’est pas la solution. Nous ne voulons pas que les enfants se retrouvent au RYC. Comme ce sont des mineurs, nous devons être en mesure de leur offrir d’autres alternatives comme l’encadrement thérapeutique. Cependant, le RYC offre un encadrement sécurisé et ils y trouveront des personnes qui sont là pour les aider. Même si ce n’est pas la situation idéale.
Que conseillez-vous donc à ces parents ?
Ils peuvent se rendre à la Child Development Unit (CDU), à la Brigade pour la Protection des Mineurs et au Probation office car les officiers font du counselling. Ils peuvent aussi venir au bureau de l’Ombudsperson for children pour une médiation. Nous ferons du counselling, nous lui parlerons de l’importance de respecter ses parents et nous l’écouterons. Il faut comprendre qu’il est très important que les droits de ces enfants mineurs soient respectés.
Des jeunes piégés dans l’univers de la drogue
Les travailleurs sociaux estiment qu’on se voile trop la face. « Il y a un gros problème de drogue à Maurice et on nous prend pour des alarmistes alors qu’il est plus qu’important de trouver des solutions concrètes pour venir en aide à nos jeunes. La drogue est en train de produire de nombreux délinquants. Les enfants de 12 ans se droguent, c’est grave. Des adolescents de 14 et 15 ans prennent de la drogue synthétique et n’hésitent pas à voler leurs parents et leur entourage pour avoir de l’argent pour s’en procurer. C’est alarmant ! », explique Ally Lazer.
Malheureusement, il regrette qu’au lieu de leur venir en aide et de les aider à se réhabiliter on les qualifie tous de ‘Child beyond Control’ et on les envoie au RYC. « Il faut revoir les objectifs du RYC, car je ne crois pas en son efficacité. Les enfants n’en ressortent pas plus responsables. Au contraire ils deviennent encore plus agressifs. C’est une solution facile mais sans résultat. »
Il propose que la RYC soit fermée et remplacée par une autre structure « Il faut qu’il y ait une structure avec, toute la journée, des psychologues et des travailleurs sociaux, où l’enfant en conflit avec la loi peut se rendre et retourner dans son environnement familial le soir. Malheureusement beaucoup de ceux qui vont à la RYC passent également par la prison parce qu’ils n’ont pas été réhabilités. »
La Brigade pour la Protection des Mineurs très sollicitée
Intervenant à l’antenne de Radio Plus après l’appel de détresse d’une maman, le Sergent Parmass explique qu’effectivement, la brigade est très sollicitée pour intervenir dans les cas d’enfants en conflit avec la loi. « Nous faisons de notre mieux pour répondre à toutes les sollicitations. Lorsque les parents viennent nous voir avec leurs enfants, nous les informons des procédures et des services disponibles. Nous faisons du counselling avec les parents et les enfants et parfois, avec la permission des parents, nous parlons avec l’enfant en aparté afin de lui permettre de se confier et de dire ce qu’il n’arrive pas à dire devant ses parents. Nous faisons également du ‘Peer counselling’ si besoin est. »
Il ajoute que si le comportement de l’enfant ne change pas ou empire, il explique aux parents qu’ils peuvent avoir recours à la loi. « L’enfant est conduit devant un juge qui décidera de la marche à suivre. Cela se passe devant un juge en Chambre et où les parents et l’enfant ont l’occasion de s’expliquer. » Un officier de la brigade peut intervenir pour faire part des actions qui ont été prises. Ensuite, le magistrat peut décider si le Probation Office doit enquêter ou si l’enfant doit être placé au RYC au cas où il ne peut rester chez parents. « Evidemment, c’est le dernier recours. »
Les failles soulignées dans le rapport de l’Ombudsperson for Children
« Zot avoy tou bann ki ‘beyond control’ dan nou shelter. Apre zot dir nou pa pe kapav kontrol zanfan. Kouma mo fer ek 15-20 garson ‘beyond control’ ? Zot zoure, lager, bate, sove. Zot pa ekout nou ditou. Nou ‘shelter’ set enn RYC. Nou bon dir balans group zanfan, personn pa tande. »
C’est ce qu’on peut lire dans le dernier rapport du bureau de l’Ombudsperson for Children. « It is unfortunate that there is no legal provision enforcing the requirement to define clear placement aims based on the established evidence-based criteria and the needs of each child. Current local legislations also do not include an obligation for periodic reviews of placement decisions in line with the UNCRC. To date, there is sadly no legislation or regulations specific to RCIs for looked after children in the Republic of Mauritius. When placement decisions are based on a single factor, this inevitably results in ineffective practices that are not responsive to the complexity of the children’s needs. One likely outcome of this is that RCIs become overwhelmed with an incompatible mix of children. The needs of highly vulnerable children are not matched to the needs and behavioural characteristics of those already in these institutions. »
Les centres de réhabilitation sont bien souvent remplis à craquer et le personnel qui y travaille ont des difficultés à bien encadrer les enfants à cause de la mixité. « Ils ont des problèmes différents. On les entasse ici et on nous demande de faire des miracles. Chaque cas devrait être traité de manière individuelle car leurs besoins ne sont pas les mêmes malheureusement. Nous en parlons depuis longtemps mais c’est seulement quand il y a des problèmes, qu’on nous écoute », témoigne une des personnes qui y travaillent.
Témoignages
Sweety, mère de quatre enfants : « Il me frappait »
« Je n’ai pas eu le choix. Je suis allée en cour et j’ai demandé au magistrat de le placer au RYC car non seulement, à 14 ans, il volait, il buvait, il ne voulait pas aller à l’école mais il me frappait quand je refusais de lui donner de l’argent. Il ne voulait rien comprendre. Parfois, il ne revenait pas à la maison pendant trois jours. » .
Jina, mère de trois enfants : « Ma fille se prostituait »
« La première fois qu’elle a été envoyée au RYC, j’étais vraiment triste. Elle me promettait qu’elle allait changer. Je l’ai cru et j’ai demandé au magistrat de la reprendre chez moi. Cependant ma fille de 15 ans continuait à s’adonner à la prostitution. J’en ai informé la police et la CDU mais j’avais l’impression que personne ne m’entendait. à la fin j’ai dû demander qu’elle soit à nouveau placée. C’est vraiment dur pour un parent d’en arriver là ! »
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