
À l’occasion de la Journée mondiale de la santé, ce 7 avril, lumière sur l’endométriose, maladie invisible mais dévastatrice. Une femme sur dix en souffre. Pourtant, le silence persiste. Il est urgent de sensibiliser, faciliter l’accès aux soins et briser les tabous.

Le Dr Pravesh Ramdaursingh, gynécologue-obstétricien, revient sur les causes, les traitements et l’importance du soutien pour mieux vivre cette maladie invalidante. À découvrir également : des témoignages inspirants d’« endo warriors ».
« Des douleurs menstruelles intenses ne sont pas normales »
Beaucoup de jeunes filles entendent parler de cette maladie sans vraiment la comprendre. Comment expliquer simplement ce qu’est l’endométriose ? Et pourquoi l’a-t-on ?
Il existe des cellules situées à l’intérieur de l’utérus appelées cellules endométriales. Normalement, elles restent à l’intérieur de l’utérus. Ce sont ces cellules qui permettent aux femmes d’avoir leurs règles. Sous l’effet des hormones, notamment la progestérone et les œstrogènes, ces cellules se développent et, à la fin du cycle, elles se détachent, entraînant les menstruations.
Ces cellules ne doivent pas se retrouver en dehors de l’utérus ; elles doivent rester dans l’endomètre. Or, dans le cas de l’endométriose, ces cellules migrent à l’extérieur de l’utérus. La plupart du temps, elles se retrouvent dans les ovaires, qui sont situés à proximité. Une fois dans les ovaires, sous l’effet des hormones, ces cellules prolifèrent et forment des kystes.
Les ovaires grossissent et accumulent du sang à l’intérieur. Ces cellules peuvent également se propager aux intestins ou à d’autres parties du corps, comme les poumons, le nez ou des cicatrices.
Pendant le cycle menstruel, ces cellules situées hors de l’utérus réagissent aux hormones, se développent et, à la fin du cycle, elles saignent. La femme a alors des règles abondantes, avec des caillots de sang très douloureux et de couleur brun chocolat. De plus, les cellules présentes en dehors de l’utérus – dans les cicatrices, les ovaires ou les intestins – saignent également.
Ainsi, chaque mois, la femme peut avoir des saignements à différents endroits. Par exemple, en cas d’endométriose au niveau du rectum, elle peut présenter des saignements rectaux cycliques. Si l’endométriose atteint le nez, elle peut avoir des saignements nasaux récurrents pendant deux ou trois jours chaque mois. Si elle touche les poumons, la patiente peut cracher du sang à chaque cycle menstruel.
« La maladie survient généralement chez les femmes présentant un déséquilibre hormonal, notamment une production excessive d’œstrogènes »
Quelles sont les autres complications de santé qu’une femme atteinte d’endométriose peut rencontrer ?
Les conséquences sur la santé sont nombreuses. La première est une douleur intense. Les rapports sexuels peuvent devenir très douloureux. La femme peut également éprouver des difficultés à aller à la selle, avec parfois des douleurs aiguës lors de la défécation. Elle peut aussi souffrir de constipation ou, au contraire, de diarrhée.
L’un des problèmes majeurs est la douleur abdominale récurrente, accompagnée d’un risque d’infertilité. De plus, si les saignements sont abondants, la femme peut devenir anémique.
On entend souvent dire que « c’est normal d’avoir mal pendant les règles ». À partir de quel moment faut-il s’inquiéter et consulter ?
Il n’est pas normal d’avoir mal pendant les règles. Des douleurs légères et supportables, disparaissant d’elles-mêmes sans prise de médicaments, ne sont pas inquiétantes. En revanche, si une femme doit prendre des analgésiques comme des anti-inflammatoires, utiliser une bouillotte pour soulager la douleur, ou si elle est incapable de se lever et de travailler à cause de ses règles, elle doit consulter un médecin pour vérifier s’il existe un problème sous-jacent.
Toutes les douleurs menstruelles ne sont pas forcément dues à l’endométriose. Certaines peuvent être causées par un fibrome, des kystes ou des infections pelviennes, notamment en cas de consommation insuffisante d’eau. Des pertes blanches inhabituelles ou une urine foncée peuvent également être le signe d’une infection urinaire, qui peut elle-même entraîner des douleurs pendant les règles.
Il est donc essentiel, en cas de douleurs intenses et persistantes, de consulter un médecin, de réaliser une échographie et d’obtenir un diagnostic précis.
Pourquoi tant de patientes passent-elles des années sans réponse, dans une errance médicale, malgré des douleurs intenses ? Comment accélérer le diagnostic ?
La chose la plus importante à comprendre, c’est que le diagnostic de l’endométriose est histopathologique. Il faut effectuer un prélèvement des tissus situés à l’extérieur de l’utérus pour une analyse microscopique, afin de vérifier s’il s’agit bien de cellules censées se trouver à l’intérieur de l’utérus.
Techniquement, lorsqu’un kyste est détecté dans l’abdomen lors d’une échographie, on ne peut pas être certain qu’il s’agit d’une endométriose. Même si la patiente ressent des douleurs typiques de cette maladie et présente des problèmes d’infertilité, un diagnostic définitif nécessite une biopsie des tissus, qui seront analysés au microscope.
C’est la raison pour laquelle de nombreuses patientes mettent du temps avant de consulter un médecin. Beaucoup pensent qu’il est normal d’avoir mal pendant les règles et que ce n’est pas un problème grave. Une douleur modérée et supportable est effectivement normale, mais lorsque la douleur devient atroce, ce n’est plus le cas.
Certaines femmes pensent souffrir d’une infection vaginale lorsqu’elles ressentent des douleurs lors des rapports sexuels et prennent des médicaments au lieu de consulter un médecin. D’autres patientes retardent leur consultation par peur d’un diagnostic inquiétant : fibrome, kyste, cancer ou endométriose.
À Maurice, il est assez facile d’obtenir des médicaments sans ordonnance en pharmacie, sans consultation médicale préalable. Ce n’est que lorsque ces médicaments ne soulagent pas la douleur que certaines patientes se résolvent à voir un médecin.
On parle souvent de l’« endométriose », mais il existe plusieurs formes : superficielle, ovarienne, profonde, ou encore l’adénomyose. Pouvez-vous nous en parler ?
L’adénomyose se caractérise par la présence de cellules endométriales, normalement situées dans la cavité utérine, qui pénètrent la musculature de l’utérus. Cette forme est particulièrement douloureuse, car, à chaque cycle menstruel, ces cellules saignent à l’intérieur du muscle utérin. L’utérus gonfle alors sous l’effet de la douleur.
Lorsque les cellules d’endométriose se logent dans les ovaires, les intestins ou d’autres zones de l’abdomen, elles peuvent former des kystes qui exercent une pression sur les organes environnants, provoquant ainsi des douleurs intenses. La douleur liée à l’endométriose est souvent l’un des symptômes les plus marquants de la maladie.
« Le soutien du partenaire est crucial, car l’accompagnement joue un rôle essentiel dans la gestion de la maladie »
Existe-t-il un profil type des femmes les plus touchées ou la maladie peut-elle se manifester de façon totalement aléatoire ?
L’endométriose survient généralement chez les femmes présentant un déséquilibre hormonal, notamment une production excessive d’œstrogènes. Ce phénomène est accentué par des conditions de vie stressantes, le surpoids, une alimentation déséquilibrée (notamment la consommation fréquente de fast-foods et d’aliments riches en graisses saturées) et un mode de vie sédentaire.
Les femmes travaillant dans des environnements stressants ou occupant des emplois sédentaires (comme les postes de bureau) sont plus exposées à la maladie. Il existe également un facteur génétique : les femmes ayant des antécédents familiaux d’endométriose sont plus susceptibles d’en souffrir.
Un excès d’œstrogènes peut non seulement favoriser l’endométriose, mais aussi entraîner d’autres complications comme des kystes ovariens, des fibromes, voire un cancer de l’utérus. Il est donc essentiel de maintenir un équilibre hormonal optimal.
Faut-il toujours craindre l’infertilité quand on a cette maladie ?
L’endométriose ne provoque pas systématiquement l’infertilité. La maladie est classée en quatre stades :
Stade 1 : Les lésions d’endométriose sont superficielles, souvent localisées sur les ovaires.
Stade 2 : L’endométriose pénètre l’ovaire et un kyste se forme, mais les trompes de Fallope restent intactes.
Stade 3 : Les ovaires et les trompes de Fallope sont affectés, et des adhérences apparaissent d’un seul côté.
Stade 4 : Des adhérences se forment dans tout l’abdomen, au point qu’il devient difficile d’identifier les ovaires, et l’utérus est souvent collé derrière les intestins.
Dans les stades avancés (3 et 4), la conception devient plus difficile et nécessite souvent des traitements spécialisés. Cependant, dans les stades 1 et 2, il est encore possible de concevoir naturellement, ou avec l’aide de traitements hormonaux simples.
Quand la douleur rend les rapports sexuels compliqués, comment en discuter avec son partenaire sans tabou ni honte ?
Le partenaire doit comprendre que la femme est atteinte d’endométriose et que les rapports peuvent être très douloureux. Lorsque l’endométriose se trouve à l’arrière de l’utérus, sur la paroi abdominale, des frictions surviennent lors des rapports sexuels, ce qui peut être extrêmement douloureux. Il est essentiel que le partenaire fasse preuve de compréhension et d’attention pendant l’acte sexuel. Mais parfois, la douleur est si persistante que certaines femmes ont peur d’avoir des rapports.
Est-ce que changer de mode de vie peut aider ? Que dit la science à ce sujet ?
Il n’existe malheureusement pas de traitement définitif contre l’endométriose. Actuellement, la maladie est prise en charge de manière symptomatique avec des médicaments antidouleur ou des traitements hormonaux visant à empêcher les ovaires de fonctionner, ce qui entraîne l’arrêt des règles. C’est un soulagement temporaire, mais il n’est pas possible de maintenir une ménopause artificielle pendant des années, car cela pourrait engendrer des complications liées à la ménopause.
Lorsque des adhérences sont présentes, une intervention chirurgicale permet d’enlever les kystes, mais il n’existe aucune garantie qu’ils ne réapparaîtront pas. Il est donc impératif d’adopter un mode de vie plus sain : gérer son stress, pratiquer une activité physique régulière, surveiller son poids, éviter de manger à l’extérieur et privilégier une alimentation saine et équilibrée.
Il est également recommandé de consulter régulièrement son médecin, même après une opération de l’endométriose.
Douleurs chroniques, fatigue intense… Cette maladie peut-elle aussi affecter le moral et l’énergie au quotidien ?
Oui, énormément. Les femmes souffrant d’endométriose se sentent souvent très mal à l’aise, surtout en l’absence de traitement définitif. Elles peuvent se sentir déprimées, notamment lorsqu’elles sont confrontées à des difficultés dans leur vie intime ou à des problèmes de fertilité. Cela peut être extrêmement éprouvant moralement. Le soutien du partenaire est crucial, car l’accompagnement joue un rôle essentiel dans la gestion de la maladie.
Il existe des traitements qui procurent un soulagement temporaire mais efficace, notamment des injections destinées à stopper le fonctionnement des ovaires. Cependant, tous les médicaments ont des effets secondaires. Il est donc important d’ajuster les doses et de déterminer la durée optimale du traitement avec un médecin.
Certains pays proposent un congé menstruel pour les femmes souffrant d’endométriose. Bonne ou fausse bonne idée ?
C’est une bonne idée, mais il faudrait instaurer un certificat médical obligatoire afin d’éviter tout abus. Le gouvernement a déjà évoqué la possibilité d’un congé pour les femmes pendant leurs règles. Pour l’endométriose, un congé supplémentaire de deux ou trois jours pourrait être envisagé, sur présentation d’un certificat médical.
Médicaments, thérapies alternatives (ostéopathie, acupuncture, hypnose…) : quelles méthodes ont prouvé leur efficacité ?
La première approche consiste à diminuer la production d’œstrogènes, ce qui peut être fait grâce à des pilules ou des injections anti-œstrogènes. Mais au-delà des traitements médicaux, il est primordial que la femme gère son stress. Des pratiques comme la méditation, le yoga ou l’acupuncture peuvent être bénéfiques. Ce sont des traitements alternatifs qui, bien que non curatifs, peuvent aider à améliorer le bien-être.
Par ailleurs, de nombreuses femmes ont recours à l’automédication avec des produits dits « herbaux », notamment pour soulager les bouffées de chaleur. Il faut être vigilant, car certains de ces produits naturels contiennent des œstrogènes, ce qui pourrait aggraver la maladie. Il est essentiel de vérifier que les produits naturels ne contiennent pas cette hormone.
Qu’il s’agisse de médicaments homéopathiques, ostéopathiques ou ayurvédiques, il est toujours préférable de demander un avis médical avant de les consommer.
La chirurgie est parfois une solution. Quels sont les cas où elle est incontournable et ceux où d’autres traitements suffisent ?
Pour diagnostiquer l’endométriose, il faut réaliser une laparoscopie. C’est une intervention qui suscite de nombreuses craintes chez certaines patientes. Elles redoutent que l’opération se passe mal et s’inquiètent de découvrir que leur endométriose est à un stade avancé (trois ou quatre), ce qui pourrait compromettre leur fertilité. Dans certains cas, des femmes pensent que leur médecin leur ment pour les inciter à subir une intervention chirurgicale à des fins lucratives.
L’endométriose est toujours diagnostiquée par la chirurgie. Une fois la laparoscopie réalisée, le médecin peut mieux adapter le traitement médicamenteux à la patiente.
Il existe deux types de chirurgie : l’une pour le diagnostic et l’autre pour le traitement, notamment lorsque des kystes volumineux ou de nombreuses adhérences sont présents. La chirurgie curative est plus complexe, car elle consiste à retirer les adhérences et les kystes, et dans certains cas à libérer l’utérus.
Lorsque la femme a déjà fondé sa famille, une hystérectomie (ablation de l’utérus) peut être envisagée si les douleurs sont trop intenses et qu’aucun autre traitement ne fonctionne. Toutefois, cette décision dépend de plusieurs facteurs, dont l’âge de la patiente et le nombre d’enfants qu’elle a déjà eus.
Que peut-on faire quand une patiente n’est pas opérable ou que la maladie revient malgré une intervention ?
On prescrit des médicaments à base d’hormones ou des injections pour stopper le fonctionnement des ovaires et réduire ainsi les symptômes.
Certaines solutions populaires (automédication, régimes…) sont-elles à éviter ?
L’automédication est absolument déconseillée en cas d’endométriose, pour plusieurs raisons majeures. Il est essentiel de diagnostiquer précisément la maladie avant d’entamer un traitement. On ne peut pas se fier uniquement aux symptômes pour affirmer que l’on souffre d’endométriose.
Lors d’une échographie, un médecin peut suspecter la présence d’endométriose et recommander une intervention chirurgicale pour confirmer le diagnostic. Cependant, dans certains cas, il peut simplement s’agir de saignements dans les ovaires liés à l’ovulation. C’est pourquoi une biopsie est indispensable pour poser un diagnostic fiable et administrer le traitement approprié.
Y a-t-il une amélioration après la ménopause ?
Oui, car après la ménopause, les ovaires ne sécrètent plus d’œstrogènes, ce qui entraîne généralement une diminution des symptômes. Une grossesse peut également apporter un soulagement temporaire, bien que l’endométriose puisse malheureusement être une cause d’infertilité.
Où en est la recherche ? Y a-t-il des traitements en cours qui pourraient révolutionner la prise en charge de cette maladie ?
De nombreuses études sont en cours et donnent des résultats prometteurs. Certains médicaments sont encore en phase expérimentale, et nous espérons qu’ils seront bientôt disponibles. Cependant, pour l’instant, l’endométriose reste une maladie chronique très douloureuse qui épuise de nombreuses femmes. Il est crucial de leur apporter un soutien constant, que ce soit de la part de leur partenaire, de leur famille, de leurs proches ou même de leurs employeurs.

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