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Drogue synthétique : quand les vidéos fusent sur la Toile

Drogue synthétique

Des vidéos montrant des jeunes sous l’emprise de la drogue synthétique fusent sur la Toile depuis le début de février. Ces clips font réagir les internautes sur les réseaux sociaux, ne cessant d’accumuler le nombre de vues. Doit-on aider les jeunes impliqués ou se contenter d’être des spectateurs ? Dossier.

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«Flakka », « C’est pas bien », « Strawberry », ou encore « Black Mamba »… Ces noms sont très connus à l’île Maurice. La drogue synthétique fait des ravages, surtout chez les jeunes. Ce qui est plus alarmant, c’est que des collégiens ou des enfants de rue sont ciblés par les trafiquants des drogues synthétiques.

Malgré les campagnes de sensibilisation, les dégâts liés à la consommation de ces drogues se font ressentir, surtout dans les endroits où leur trafic se fait impunément. À titre d’exemple, à Résidences Sainte-Claire, Goodlands, la vidéo montrant deux jeunes sous l’effet du Flakka, sur le seuil d’une boutique de la localité. Les deux jeunes, transformés en zombies, ont attiré de vives réactions des internautes.

Ce clip a non seulement fait le buzz sur Facebook, mais n’a pas laissé insensibles l’Anti-Drug Smuggling Unit (Adsu). Elle a effectué une descente pour mettre la main sur les présumés trafiquants.

En début de cette semaine, une deuxième vidéo a fait surface. Il s’agit d’un homme visiblement sous l’influence de la drogue synthétique. Il errait dans une rue dans les environs de Mer-Rouge, près du port.

Dans les deux cas, les badauds n’hésitent pas à sortir leur téléphone cellulaire pour enregistrer les images de la personne affectée avant de les poster sur les réseaux sociaux. Toutefois, dans le deuxième cas, la personne qui a capturé les images à Mer-Rouge a alerté le Samu, qui a transporté la victime à l’hôpital.

Doit-on être un spectateur devant de telles situations ou doit-on intervenir pour alerter les secours ou même donner assistance à la personne qui est dans un état second ? Il est temps de mener une lutte inlassable contre la drogue, afin que ce fléau fasse encore plus de dégâts. Si rien n’est fait, la jeunesse mauricienne est vraisemblablement menacée.

Breach of ICTA

La publication de photos, voire de vidéos sur les réseaux sociaux à l’insu de la personne concernée est un délit. « Les gens aiment créer du sensationnalisme en postant des photos et des vidéos sur la Toile, pour se faire de la publicité. Ils sont loin de se douter que ce geste leur coûtera très cher. La personne dont la photo a été publiée peut poursuivre celle qui l’a filmée au civil et l’accuser de Breach of ICTA », explique l’inspecteur Shiva Coothen.

Commentant la publication de telles vidéos montrant les jeunes sous l’emprise de la drogue synthétique sur la Toile, le responsable de la cellule de communication indique qu’il ne s’agit pas d’un délit concernant la personne qui a enregistré les images avant de les poster sur Facebook.

« Si les acteurs de la vidéo portent plainte à la Cybercrime Unit sur la base que la vidéo postée à leur insu leur porte préjudice, elle sera considérée comme un délit », souligne l’inspecteur Shiva Coothen. 

Si vous avez aperçu un incident ou des personnes en situation de danger ou en risque de l’être, soyez le premier à informer les autorités sur le numéro vert de la police soit le 999, le 148 ou le Samu. Si besoin est, vous pouvez donner une assistance à la personne qui est en danger, en attendant l’arrivée des secouristes et de la police.


 

Kunal Naik : «La plupart des consommateurs ne veulent ou ne peuvent pas arrêter»

Pour l’Advocacy & Communications Coordinator du Collectif urgence Toxida (Cut), que ce soit légal ou pas, des individus consomment de la drogue pour diverses raisons. Pour certains, c’est une échappatoire, pour d’autres c’est une nouvelle expérience, affirme Kunal Naik. 

« Bien que la situation actuelle concernant les drogues à Maurice soit alarmante, la vérité est que la majorité des consommateurs ne développent pas de dépendance. Quand il s’agit de drogues synthétiques, en raison de la puissance variable et de la multitude de substances actuellement sur le marché, nous serons confrontés à d’autres problèmes. »

Étant sur le terrain, Kunal Naik dit rencontrer beaucoup de ces consommateurs et la plupart ne veulent ou ne peuvent pas arrêter. Ils décrivent les effets, qui durent environ 15 minutes. « Il n’y a pas de moyen scientifique pour vérifier ces produits et on ne sait pas comment les trafiquants les produisent. Cela augmente les risques et les doses sont variées. Comme il n’y a pas d’études, on ne connaît pas le nombre de consommateurs de drogues synthétiques à Maurice », souligne-t-il.

Lutte

De ce fait, ajoute-t-il, avant de pouvoir développer une quelconque stratégie pour combattre ce fléau, nous devons recueillir des données. « Certaines ONG et la Harm Reduction Unit du ministère de la Santé font de la prévention, mais qui a vraiment une expertise sur les différentes substances sur le marché actuellement, mis à part la Forensic Science Laboratoty et l’Adsu ? On parle de campagnes de prévention en cours, mais combien de personnes ont été atteintes ? Est-ce efficace ? La bonne méthodologie est-elle utilisée ? Malheureusement, il n’y a aucun organisme de coordination pour superviser cela correctement. »

Kunal Naik est d’avis que la prévention est, certes, l’une des premières lignes de défense contre l’usage de drogues, mais qu’elle doit s’appuyer sur des preuves et être réalisée par des personnes ayant des antécédents appropriés.

« La réforme de la politique de drogue pour créer un système dans lequel les utilisateurs ne sont pas punis, mais plutôt encouragés à accéder à la santé. Les services sociaux dont ils ont besoin devraient être la clé. La répression, particulièrement orientée vers les consommateurs, a échoué dans le passé et ne peut que causer plus de mal que de bien à long terme. Le plus tôt nos décideurs comprendront ce fait, le mieux ce sera. Réglementer un produit connu, tel que le cannabis, peut aider à réduire les méfaits des produits synthétiques, mais les décideurs ne sont pas disposés à écouter. »

Notre interlocuteur estime que nous devons penser sérieusement à la dépendance des utilisateurs de drogues synthétiques. Selon lui, des mesures de réduction des méfaits, telles que la prévention/gestion des surdoses, peuvent aider à sauver des vies. Il faut aussi s’attaquer aux problèmes réels de notre société : la pauvreté et l’inégalité, qui s’ajoutent aux problèmes de la consommation de drogues.

Kunal Naik précise que le Cut travaille dans le domaine de la réduction des risques, avec des personnes qui restent souvent cachées. L’accent est mis sur la prévention sur les différents médicaments utilisés. « En ce qui concerne les drogues synthétiques, nous avons recueilli des informations auprès des utilisateurs, pour mieux informer les autres des effets ressentis lorsqu’on en fume. Un bon exemple est que nous expliquons aux gens que les drogues synthétiques ne sont pas similaires au cannabis, en ce qui concerne la puissance. Si on l’utilise, malgré les risques, on ne devrait pas l’utiliser comme le cannabis et surtout, on ne doit pas s’isoler, en raison du risque élevé de surdosage. Ces mesures simples peuvent aider à sauver des vies. »

Bryan, 23 ans : «Le prix des drogues de synthèse généralement entre Rs 75 et Rs 200, ce qui est bon marché»

Bryan travaille comme maçon et pour lui, consommer de la drogue est une façon de décompresser. Initialement, c’était un adepte de gandia. Toutefois, depuis l’année dernière, avec la hausse de prix qu’a connu le gandia, il a régulièrement dû faire des concessions et s’est ainsi tourné vers les drogues de synthèse, qui sont moins chères. Il dit qu’il a vu les vidéos montrant comment les consommateurs deviennent incontrôlables.

« Un gramme de gandia est actuellement entre Rs 1 000 à Rs 2 000. Ce qui n’est pas évident pour un maçon. Le prix des drogues de synthèse est généralement entre Rs 75 et Rs 200, à meilleur marché. » Conscient des effets qu’entraînent les drogues de synthèse, il dit avoir connu plusieurs mauvaises expériences. Il se souvient d’une fois où il a vécu un black-out, après avoir tiré deux bouffées sur une cigarette. Il a, par la suite, été dans un état second pendant une heure et ne pouvait pas dire un mot.

Il se dit conscient des dangers que comportent les drogues de synthèse et soutient qu’il fume avec prudence. Il limite ses doses à deux fois la semaine, ce qui lui permet de garder le contrôle. Si certains de ses amis ont l’habitude de fumer ces drogues dans des appareils artisanaux tels que le bong, afin d’augmenter les effets, il soutient qu’il s’en tient à la cigarette.


Les composantes de la drogue synthétique sont dangereuses

« Les composants de la drogue synthétique sont néfastes pour la santé », explique un membre de l’Anti-Drug Smuggling Unit (Adsu). « C’est pas bien », « Black Mamba », « Strawberry » et « Flakka » sont des noms inventés par les consommateurs de cette drogue. La consommation de la drogue synthétique est plus importante que celle du cannabis.
« Selon un rapport du Forensic Science Laboratory, l’analyse des drogues synthétiques saisies par la brigade antidrogue révèle qu’il y a plus de 300 produits chimiques dans leur composition. Et toutes les informations sur les ingrédients utilisés ne sont pas disponibles », confie le limier. 

« C’est un produit qui se fume. Et les effets que ces produits chimiques ont sur la santé du consommateur sont extrêmement puissants. Cela dépend des doses ingérées dans la fabrication de la drogue synthétique. Certaines peuvent endormir le consommateur, d’autres peuvent lui faire perdre le contrôle ou avoir des effets hallucinatoires », explique une inspectrice du quartier général de l’Adsu.

Selon notre interlocutrice, le fabricant de la drogue synthétique utilise des produits disponibles sur le marché. « Il fait le mélange avec des herbes séchées, du dissolvant de vernis à ongles, des feuilles de manguier, du phosphore rouge, qui se trouve sur le bout des allumettes, entre autres. Pour la touche finale, le fabricant utilisera une bombe aérosol, dans lequel il pourrait y avoir du gaz toxique, pour pulvériser sur le produit. Et voilà, la drogue synthétique est prête à être consommée », avance l’inspectrice. Selon elle, une dose de cette drogue peut se vendre à Rs 100. De ce fait, le fabricant peut vendre en une journée entre Rs 10 000 et Rs 15 000 de drogue.

L’inspectrice souligne que les jeunes, surtout les adolescents, représentent la cible parfaite pour les trafiquants. Curieux de nature, ils sont en quête de petits plaisirs. « Après avoir fumé cette drogue, les jeunes consommateurs perdent le contrôle. Par conséquent, leurs gestes attirent plus d’un. Ce qui pousse certains à les prendre en photo ou en vidéo. Les adolescents sont tellement naïfs qu’ils sont facilement influencés par les personnes qu’ils fréquentent. La vigilance est donc de mise », indique-t-elle.


Drogues de synthèse : Explications et conseils du Dr Yasheel Aukhojee

« Drogue de synthèse » est un terme informel désignant les drogues psychoactives ayant été initialement découvertes par la recherche et l’expérimentation sur la structure et l’activité de drogues psychoactives existantes. Elles sont fabriquées dans des endroits dissimulés et/ou des laboratoires artisanaux.

En général, une drogue de synthèse imite les effets de drogues populaires telles que la cocaïne, la morphine ou le cannabis, par la combinaison de produits chimiques légalement disponibles sur le marché. Les drogues qui en découlent ont des effets similaires à ceux des drogues populaires, mais leurs structures chimiques sont totalement différentes.

Effets

En fonction des drogues prises, un consommateur peut ressentir une ivresse, une période prolongée de difficulté à trouver le sommeil, une diminution de l’appétit, une relaxation extrême, une amnésie ou un sentiment de détachement. Les effets indésirables peuvent comprendre : hallucinations, crise de panique ou sentiment paranoïaque. De plus, il peut y avoir des effets physiques tels que nausée, changement significatif de tension artérielle, crise d’épilepsie, discours inarticulé et perte de connaissance. Ces drogues peuvent même entraîner un coma ou la mort.

Consommation excessive

Dans le cas des drogues de synthèse, beaucoup de signes de consommation excessive sont similaires à la dépendance à l’alcool ou aux drogues illicites :

Changements de comportement : isolation de la famille ;

Défensif concernant la consommation de drogues ;

Perte ou prise de poids injustifiée ;

Changements liés à l’hygiène ou l’apparence personnelle ;

Confusion ou désorientation ;

Paranoïa ;

Troubles du sommeil : insomnie, agitation, cauchemars ;

Vol d’argent aux membres de la famille ;

Baisse des résultats à l’école ou au travail ;

Difficultés à entretenir des relations.

Risques pour la santé

Les incertitudes quant aux sources, produits chimiques et éventuels contaminants utilisés pour fabriquer de nombreuses drogues de synthèse rendent la détermination de la toxicité et des conséquences médicales associées extrêmement difficiles.

Certaines drogues sont mélangées à de l’alcool ou à des drogues illicites, ce qui aggrave les effets secondaires.

La consommation de drogues de synthèse peut diminuer les inhibitions et encourager des comportements à risques, en augmentant les chances qu’un adolescent conduise en ayant consommé, ait des rapports non protégés ou souffre d’une blessure accidentelle.

De nombreuses drogues de synthèse ne peuvent être détectées par l’analyse d’urine ou d’autres méthodes de dépistage, ce qui rend l’estimation du niveau d’intoxication difficile.

Effets secondaires dangereux

Dépendance physique et psychologique ;

Changements d’humeur ;

Trouble du sommeil ;

Comportement psychotique ;

Hyperthermie (surchauffe) ;

Insuffisance cardiaque ;

Arrêt du cœur  ;

Problèmes de respiration fatals ;

Coma, voire mort.

Symptômes de manque

Étant donné que les drogues sont fabriquées dans des laboratoires illégaux, leurs ingrédients et puissances peuvent énormément varier, ce qui fait qu’il est impossible de savoir de quoi elles sont composées réellement ou les effets qu’elles peuvent avoir sur quelqu’un. Certains des effets de manque identifiés sont : l’insomnie, l’anxiété, les tremblements et sueurs, la dépendance physique et l’addiction.

Un consommateur en sevrage de drogues de synthèse peut souffrir de dépression, d’agitation, de nausée et de vomissements, de tremblements ou de sueurs froides, ainsi que d’autres symptômes, tels qu’une fréquence cardiaque et une tension artérielle élevées.

Dépendance aux drogues de synthèse

Il n’y a que très peu d’informations disponibles dans la littérature scientifico-médicale à propos du traitement de personnes ayant une consommation excessive ou qui sont dépendantes des drogues de synthèse. Leur traitement est difficile, car ne sachant pas exactement ce que le patient a consommé, on traite généralement les symptômes.

Tout comme lors d’une détoxification, des thérapies de « discussions » psychologiques sont proposées aux patients. L’essentiel est d’aider la personne à comprendre comment la consommation excessive a commencé et ce qui peut être fait dans le futur, afin d’éviter le retour des mauvaises habitudes et la prévention de rechute.

Les consultations avec des médecins jouent un rôle primordial. Dans certains cas, un suivi psychiatrique est indispensable pour aider le consommateur.

 

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