De pays consommateur, Maurice est passé au stade de pays producteur avec les drogues de synthèse qui sont fabriquées dans des laboratoires clandestins. Ces mêmes drogues ont pris d’assaut le marché, d’où la hausse dans la consommation, en sus d’un rajeunissement chez les toxicomanes.
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Pas plus tard que la semaine dernière, la police a démantelé un laboratoire clandestin dans le sillage du meurtre de la policière Dimple Raghoo. Cet accident dramatique braque les projecteurs sur les laboratoires clandestins où des ‘savants fous’ font un mélange de produits illicites.
Produits de base
Kunal Naik, directeur plaidoyer chez Pils (Prévention Information Lutte contre le SIDA), explique qu’il n’existe pas de laboratoire sophistiqué pour la fabrication des drogues de synthèse. Il est plutôt question de laboratoire artisanal installé dans un garage ou dans une cuisine. « Pour fabriquer de la drogue synthétique, les trafiquants importent un produit brut qui est ensuite dilué avec des solvants qu’ils pulvérisent sur du thé ou imbibant dans du papier », indique notre interlocuteur. Il avance avoir dénoncé le phénomène de drogue synthétique en 2013, mais à cette époque il avait été accusé de faire du sensationnalisme. « Ce qu’on avait prédit est arrivé. Le phénomène a pris de l’ampleur. Il y a une niche et c’est un marché en constante évolution avec de nouveaux produits qui sont préparés. Les prix élevés du cannabis incitent certains consommateurs à se rabattre sur les drogues de synthèse », déplore le directeur de plaidoyer.
Pas détectable à l’aéroport
Pour sa part, Danny Philippe, le chargé de prévention chez DRIP, soutient que les molécules utilisées comme produit de base dans les drogues synthétiques sont dangereuses. « Il faut de la haute technologie pour fabriquer ces molécules. Ce sont des produits qui ne sont pas détectables à l’aéroport. En pâte ou en liquide, ils sont mélangés avec des solvants dans les laboratoires clandestins », indique-t-il.
Il précise que c’est difficile de déterminer ce que contiennent ces molécules. « Il faut un examen toxicologique pour déceler le contenu. Seuls leurs fabricants savent de quoi il s’agit », dénonce Danny Philippe. Ce dernier fait aussi ressortir que les drogues sont si dangereuses que les cas d’overdose ont pris l’ascenseur.
Situation alarmante
Même son de cloche chez José Ah-Choon du Centre d’Accueil de Terre-Rouge (CATR) qui tire la sonnette d’alarme sur le nombre grandissant de laboratoires clandestins à travers le pays. « Les autorités doivent agir. Un travail de fourmis s’impose si on veut démanteler ces lieux où des personnes sans scrupules et guidées par l’appât du gain fabriquent des cocktails explosifs », évoque-t-il tout inquiet.
Pour lui, la situation est alarmante. « Tous les acteurs concernés doivent conjuguer leurs efforts pour mettre un frein à la prolifération des drogues de synthèse qui font des ravages », estime José Ah-Choon.
Importation de Chine
Le Deputy Commissioner of Police et chef de l’Anti Drug and Smuggling Unit (Adsu), Choolun Bhojoo, indique que les drogues de synthèse entrent sur le territoire mauricien essentiellement par voie aérienne. « Le produit est envoyé par de petites quantités. On parle de 10 à 50 grammes. Les commandes se font sur internet, tout comme le paiement. Cette drogue vient généralement de Chine. Les commanditaires ont tendance à privilégier les services courriers pour l’acheminement vers Maurice », explique le DCP. « Le composant principal est importé, mais le mélange se fait à Maurice. Au sujet des laboratoires, ce sont plutôt des sites de préparation », précise-t-il.
32 produits illicites identifiés
Le Forensic Science Laboratory a identifié jusqu’ici 32 substances différentes utilisées dans la fabrication de la drogue de synthèse. Par ailleurs, le nombre d’individus arrêtés par la police pour des délits de drogue synthétique est passé de cinq arrestations en 2013 à 1 100 en 2019.
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