Interview

Dr Veyasen Pyneeandee :  «L’hémorragie est souvent sous-estimée et la réaction trop tardive»

Dr Veyasen Pyneeandee

Deux femmes et deux bébés sont morts à l’accouchement. Est-ce des cas isolés et inévitables vu l’état de santé des mères ? Ou résultent-ils de complications qui peuvent survenir durant l’intervention ? Ou encore la faute revient-elle au système qui fonctionne mal et qui demande à être amélioré ? Le point avec le Dr Veyasen Pyneeandee, gynécologue du privé. 

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En une semaine, deux femmes sont mortes à l’accouchement. Les bébés non plus n’ont pas survécu. Votre point de vue ?
Chaque jour dans le monde, 1 500 femmes meurent de complications liées à la grossesse ou à l’accouchement. La plupart de ces décès, qui surviennent dans les pays en voie de développement, pourraient être évités.

Les principales causes de la mortalité maternelle sont les suivantes : 

  • Dans 25 % des cas d’hémorragies sévères, d’infections, d’hypertension de grossesse, d’accouchement difficile ou d’avortement à risque, on peut éviter la plupart des décès maternels, car les solutions médicales pour prévenir et prendre en charge ces causes de mortalité sont bien connues. 
  • Les soins à la naissance peuvent faire la différence entre la vie et la mort. Exemple : une hémorragie sévère au moment de l’accouchement peut tuer une femme en bonne santé en moins de deux heures, alors qu’une injection de produits spécifiques immédiatement après l’accouchement peut réduire le risque hémorragique. Dans les pays développés, un protocole en cas d’hémorragie est établi pour combattre ce fléau. 
  • La septicémie (infection), qui est la 2e cause de mortalité, peut être limitée en appliquant les techniques d’asepsie.
  • La 3e cause, la pré-éclampsie, est un trouble hypertensif courant pendant la grossesse qu’on peut traiter et surveiller.
  • Tout ceci bien sûr doit être encadré par la présence d’un accoucheur qualifié et des visites prénatales (au moins cinq durant la grossesse) afin de dépister les possibles complications que pourraient présenter les accouchements à risque. 

Il y a parfois un problème d’hypovolémie (la perte d’une grande partie de sang) lors de l’accouchement. Est-ce que ce problème n’est pas sous-estimé par les professionnels ? 
L’hémorragie se produit au moment de la délivrance ou peu de temps après. Elle est souvent modérée au départ avant de s’aggraver durant les heures suivant l’accouchement. On parle d’hémorragie de la délivrance lorsque la maman perd plus de 500 ml de sang. La notion d’hypovolémie signifie simplement que la femme perd une grande partie de son volume sanguin pour entretenir son activité cardiovasculaire. 

Mais la plupart du temps, on note que 50 % de ces décès sont considérés comme « évitables » parce que l’hémorragie est souvent sous-estimée et la réaction trop tardive, ou encore la transfusion est insuffisante, ce qui réduit les chances de survie. C’est pourquoi il est indispensable que les professionnels connaissent les bonnes pratiques lorsqu’une hémorragie survient après l’accouchement et qu’ils prennent l’habitude de prendre en charge ce type de complications chaque 15 minutes, selon les protocoles établis par l’équipe médicale. Par exemple, la pose d’une sonde de Bakri pour une hémorragie est monnaie courante. Malgré tout cela, il faudra aussi accepter qu’il y a des cas qu’on ne peut éviter. 

Les accouchements à risque sont réels tant pour les jeunes de moins de 18 ans que pour les mères de plus de 39 ans. »

Dans l’un des cas, on a enlevé l’utérus de la mère, mais cela n’a pas aidé à la sauver… 
L’enlèvement de l’utérus (hystérectomie) est parmi les dernières étapes d’une hémorragie qui menace la survie de la femme. Elle est lourde de conséquences et la mortalité maternelle peut être réduite jusqu’à 35 %.  

D’autres mesures préventives, comme l’injection de la carbetocine (pabal) lors d’une césarienne, diminue fortement le risque d’hémorragie quand le Syntocinon (médicament utilisé pour contracter l’utérus après un accouchement) ne marche pas. 

L’estimation des pertes sanguines lors de la césarienne doit apparaître dans le compte-rendu opératoire. L’anesthésiste-réanimateur ainsi que toute l’équipe médicale tiennent un rôle essentiel. 

Dans l’un des cas, le cordon ombilical entourait le cou du bébé. Pouvait-on le voir en amont ?
Un cordon ombilical autour du cou du bébé n’est pas toujours synonyme de compression et d’arrêt de circulation sanguine. Beaucoup naissent sans problème avec le cordon autour du cou. On peut le diagnostiquer grâce à l’utilisation de l’échographie en consultation et en salle d’accouchement de même que le CTG (enregistrement du coeur du bébé), ce qui permet à l’obstétricien de prendre des actions adéquates. 

Quels sont les risques de l’accouchement aux forceps ?
L’accouchement aux forceps par rapport aux ventouses se pratique toujours. C’est faux de dire que les accouchements aux forceps ne se font plus. Les gynécologues d’expérience et les nouveaux bien formés dans l’utilisation de cet instrument s’en servent à bon escient, selon des indications très précises.

Le forceps est un instrument d’extraction métallique en forme de pince qui permet de saisir la tête d’un foetus pour faciliter son expulsion. C’est un instrument de traction qui est utilisé lorsqu’il faut accélérer l’accouchement ou faciliter la naissance. Plusieurs indications précises existent et une anesthésie doit être pratiquée. 

Quant à la ventouse, elle est un instrument de matière souple posé sur le crâne du bébé qui permet la flexion et la rotation du bébé dans le bassin de sa maman. Les deux sont utilisés selon l’expérience du gynécologue obstétricien. 

On parle d’hémorragie de la délivrance lorsque la maman perd plus de 500 ml de sang. »

Les accouchements à risque concernent les moins de 18 ans et les plus de 40 ans. Pourtant, il y a des femmes âgées qui mettent au monde des bébés sans problèmes.
Les accouchements à risque sont réels pour les jeunes de moins de 18 ans et les mères de plus de 39 ans. Elles sont plus aptes à avoir des complications, comme l’hypertension ou la prématurité, ce qui nécessite souvent une césarienne ou un accouchement instrumental. Mais la formation des acteurs de santé reste encore la meilleure prévention, vu qu’il y a une hausse du nombre de mères de plus de 35 ans liée aux impératifs socio-économiques et professionnels de la femme de nos jours.

La question divise : les césariennes sont programmées dans les cliniques privées, dit-on, pour une question de sous, alors que dans les hôpitaux, c’est plus pour gagner du temps. Quel est votre point de vue ? 
Ce sont de fausses croyances, car faire une césarienne comporte plus de risques pour la patiente et le chirurgien qui la pratique. Donc une indication de césarienne n’est pas quelque chose qui doit être prise à la légère, car il y a un réel risque de mortalité et de complications. Les césariennes restent une méthode d’accouchements selon des indications précises posées par l’obstétricien.

Les débats vont bon train tant à Maurice qu’à l’étranger sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Votre avis en tant que gynécologue ?
L’IVG est une notion ancienne. La tendance générale est en faveur d’être bien encadré dans les pays occidentaux et dans les pays en voie de développement. L’IVG reste interdite bien qu’elle se pratique clandestinement. Ceci est une cause de mortalité maternelle et de complications résultant à l’infertilité. Je pense qu’en dehors de tout débat religieux et institutionnel, la réponse appartient à la femme. Pour réduire cette pratique, il y a pleins de moyens de contraception.

 

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