Le Dr Rajiv Reebye, Canadien d’origine mauricienne, était de passage à Maurice à l’invitation de NEURAM pour animer un atelier de travail sur la spasticité à l’hôpital Victoria, à Candos. Nous avons rencontré un être charmant, pétri des valeurs canadiennes de la tolérance et surtout un Associate Professor et médecin simple et engagé.
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Qui êtes-vous Dr Reebye ?
Je vis au Canada mais suis fier de mes origines mauriciennes. Ma famille a quitté Maurice quand j’avais 10 ans et j’ai d’excellents souvenirs de mon enfance dans mon pays d’origine. J’ai 47 ans, suis marié à une Trinidadienne et nous avons trois enfants. Je suis à Maurice pour animer un atelier de travail sur la spasticité.
C’est quoi la spasticité docteur ?
C’est une condition qui se passe après un traumatisme cérébral (AVC) ou un problème de la moelle épinière. Cela va causer un raidissement physique pour marcher, s’habiller et se nettoyer. Le patient peut aussi avoir des douleurs chroniques. Nous devons donc traiter par différentes méthodes la spasticité pour atténuer le handicap du patient.
Il y a toute une équipe dévouée dans l’Association NEURAM dirigée par le Dr Anba Soopramanien qui travaille pour améliorer le sort des patients ayant subi des traumatismes neurologiques et de la moelle épinière. Comment vous êtes-vous trouvé embarqué sur le bateau NEURAM ?
En mars 2018 était organisée une conférence internationale sur la diaspora mauricienne. Mon père, qui est aussi médecin dans le domaine de la réhabilitation, avait rencontré Anba après de nombreuses années et c’est là qu’il lui a parlé de moi en tant qu’un des spécialistes canadiens de la spasticité. Lorsque le Dr Soopramanien m’a contacté en 2018, je dois dire que j’étais ravi de renouer avec mes racines mauriciennes. Voyez-vous, bien que j’adore mon pays d’adoption, le Canada, mon cœur est toujours à Maurice et NEURAM me donne l’opportunité de partager mon expérience et d’aider mon pays d’origine. Je suis convaincu de la vision de NEURAM et suis disposé à mettre beaucoup d’énergie à aider l’organisation à se développer.
Vous êtes un spécialiste de la réhabilitation à l’Université de British Columbia au Canada mais aussi directeur d’une clinique de la spasticité, donc à la fois académique et clinicien. Comment arrivez-vous à concilier ces deux activités ?
Cela demande du temps effectivement mais, en fait, ces deux activités sont intrinsèquement liées. J’ai dû faire énormément de recherches pour comprendre le sujet et me servir des meilleures méthodes pour traiter les patients. Travailler sur la base des évidences est plus logique que le trial and error, n’est-ce-pas ? Mais ce qui est important de souligner, c’est la collaboration avec les autres pays et autres chercheurs du monde, se baser sur les lignes directrices, analyses et résultats des malades ayant souffert de traumatismes neurologiques. Moi, je ne suis qu’une partie de ce vaste mouvement mondial et j’apprends tout le temps. Par exemple, à Maurice il n’y a pas trop d’infrastructures dans ce domaine mais les médecins évoluent avec ce qu’ils ont et ces techniques m’intéressent.
Quant à l’enseignement j’en suis un passionné et enseigne, sur une base hebdomadaire à l’Université, la médecine gériatrique, la rhumatologie, la neurologie et la réhabilitation.
Même si Maurice a fait du progrès au niveau de la perception des personnes à handicap, il reste encore beaucoup à faire pour montrer qu’être handicapé n’est pas négatif»
Vous êtes comme Anba Soopramanien ce que j’appelle des médecins engagés, c’est-à-dire des humanistes qui sont sincèrement dévoués à alléger la souffrance. Durant ce séminaire sur la spasticité vous avez partagé vos connaissances acquises dans des pays où le niveau de la réhabilitation est très élevé. N’avez-vous pas quand même été déçu de l’absence de médecins spécialistes mauriciens à ce séminaire quand on considère qu’en matière de réhabilitation post-traumatisme, le pays en est encore au degré zéro ?
Je suis quelqu’un de positif. Bien sûr que j’aurais aimé que les spécialistes soient là pour partager leurs acquis mais je suis convaincu que ce sont les jeunes médecins qui seront les instruments du changement dans ce domaine à Maurice. Et je vais vous dire que j’ai été surpris et ravi de rencontrer ces jeunes médecins, intelligents, dévoués et passionnés d’apprendre. L’atmosphère qui a été créée dépasse le cadre professionnel et nous serons appelés à travailler ensemble avec amitié.
Un simple calcul arithmétique nous fait voir que l’île Maurice est déjà concernée par le vieillissement de la population. Dans une décennie, pratiquement un quart des Mauriciens sera âgé de 60 ans ou plus et avec le vieillissement et les maladies émergentes le risque d’un/des handicap(s) s’accroît. Quelles seraient vos priorités en ce qui concerne la réhabilitation si vous étiez un décideur politique à Maurice ?
Vous savez, dès qu’on est né on commence à vieillir. Au Canada, si l’espérance de vie est très élevée c’est parce qu’on travaille en amont. Les campagnes de santé publique débutent très tôt et il est important de sensibiliser les citoyens sur les possibilités d’handicap qui les attendent en vieillissant. Mais vous savez, un jeune de 35 ans peut être handicapé lors d’une activité sportive et les strokes peuvent aussi traumatiser des personnes encore jeunes. Je dirai aussi que les infrastructures sont essentielles. Il faudrait une équipe dédiée à la réhabilitation et un système multidisciplinaire qui prendrait en charge le malade dès le traumatisme. Au Canada, le système prend en charge pendant 6 semaines la personne qui a subi une attaque cérébrale. Le planning est donc très important. Je suis certain que les autorités publiques (qui accordent déjà beaucoup d’avantages aux personnes âgées) se rendent compte qu’il faudra investir dans ces infrastructures avec le vieillissement de la population.
Mais en attendant que nos décideurs politiques fassent preuve d’un peu plus de vision, que compte faire NEURAM pour améliorer le sort des personnes à handicap qui ont subi un traumatisme neurologique ?
NEURAM ira de l’avant avec un projet d’une unité de réhabilitation/réadaptation mobile. Ce sera, je pense, une nouveauté pour l’Afrique. En quoi consistera le projet ? Nous aurons un bus/ambulance qui voyagera à travers l’île pour identifier des traumatismes très élevés. Il y a tant de choses qui peuvent être faites pour améliorer la vie de ces personnes au niveau de l’accessibilité, du traitement et de l’éducation. Même si Maurice a fait du progrès au niveau de la perception des personnes à handicap, il reste encore beaucoup à faire pour montrer qu’être handicapé n’est pas négatif.
DIS-MOI travaille beaucoup tant au niveau local, régional et mondial pour les droits des personnes âgées. Est-ce que ce concept est aussi populaire au Canada ?
Je trouve cela extraordinaire que DIS-MOI vulgarise ce concept car c’est important qu’on comprenne que la société a un devoir vis-à-vis de ses citoyens surtout quand ils sont dans un état de vulnérabilité. Je me demande même si au Canada ce concept est si populaire.
Mais disons qu’au Canada la voix des patients est importante et le système de santé et les autorités vont considérer cette voix. C’est une culture qui existe qui fait que le citoyen n’aura pas peur de se confronter à ses élus locaux ou ses députés pour faire entendre sa voix. D’après ce que j’ai compris, les malades mauriciens sont plus timides et très peu de citoyens vont écrire aux députés pour exiger que leurs droits basiques soient respectés.
Ceci dit, je trouve extraordinaire que le système de santé soit gratuit totalement à Maurice. Je suis fier de mon pays d’origine pour cela.
Le mot de la fin docteur Reebye
Nothing is impossible. C’est ma devise et c’est de cette façon que je vois la médecine et c’est ainsi que je vois la vie. A Maurice aussi, je suis convaincu qu’avec une collaboration de la communauté, des pouvoirs publics et les confrères médecins, les choses changeront pour le meilleur dans le domaine de la réhabilitation.
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