
Cette semaine, le Président américain Donald Trump a annoncé que son administration devrait communiquer à 150 pays les taxes douanières sur leurs produits respectifs. Au vu du nombre d’économies concernées, Maurice devrait y figurer. Cependant, il n’y a aucune confirmation des autorités. Qu’est-ce qui est en jeu pour Maurice et ses partenaires régionaux et internationaux ? Faisons le point.
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Qu’est-ce qui pousse Donald Trump à utiliser les taxes douanières comme une arme contre ses partenaires commerciaux ?
Première économie mondiale, les États-Unis importent beaucoup plus qu’il n’exporte. Les montants, dans un contexte mauricien, sont stratosphériques. L’année dernière, le déficit commercial a augmenté de 17 % - 133 milliards de dollars – pour passer à 918 milliards. D’une part, les importations du reste du monde ont crû de 253,3 milliards de dollars, atteignant 4, 110 milliards de dollars. Les exportations ont connu une hausse de 120 millions de dollars, se hissant à 3,192 milliards de dollars.
Donald Trump est d’avis que les pays et blocs régionaux qui exportent vers les États-Unis ont abusé de l’appétit américain pour l’importation. Et ces mêmes pays et blocs ont, selon lui, imposé des taxes sur les produits américains avant d’entrer dans leurs marchés respectifs.
Par le biais de taxes douanières plus élevées sur les importations, il essaie de protéger l’industrie manufacturière américaine. Cela dans le but que le consommateur américain achète local au lieu des produits importés (plus chers). Ce faisant, le déficit commercial se rétrécirait. Les États-Unis seront alors en position de force par rapport à ses partenaires commerciaux.
Il y a un début à tout…
En effet ! Moins de deux semaines après la prestation de serment de Donald Trump – soit le 1er février – ce dernier impose des droits de douane de 25 % sur les importations des pays voisins, le Mexique et le Canada. Deux jours plus tard, il suspend sa menace pour 30 jours. Un mois après, il utilise la même stratégie d’annonce et de suspension par rapport à ces deux pays…
…avant de sortir l’artillerie lourde
Le 2 avril, les États-Unis annoncent différents paliers de taxes douanières sur les produits importés. Maurice fait face à une taxe de 40 %. Les clients américains hésitent avant de confirmer ou de passer une commande auprès des fournisseurs mauriciens. L’incertitude s’installe. L’industrie manufacturière exportatrice se prépare au pire et sollicite l’appui du gouvernement.
À travers le monde, les marchés s’affolent et perdent le Nord. Les indices boursiers prennent la direction sud. Les places boursières effacent des milliers de milliards de dollars en termes valeur.
La Maison Blanche réagit. Les droits de douane sont suspendus pour 90 jours. Un palier généralisé de 10 % sur la quasi-totalité des importations américaines est maintenu.
Maurice, punition contre le bon élève cité en exemple
L’économie mauricienne bénéficie d’un accès privilégié hors-taxe au marché américain, ce après l’entrée en vigueur de l’Africa Growth and Opportunity Act. Au cours des 25 dernières années, le pays a fourni des produits textiles haut de gamme, des sucres spéciaux et des macaques (pour la recherche scientifique). Micro-exportateur comparé aux géants chinois, indiens ou même sud-africains, le pays rayonne grâce à sa capacité à s’adapter aux exigences américaines. Les préférences dont bénéficie Maurice sont maintenues alors que d’autres pays africains, à l’instar de l’Ethiopie, perdent leurs privilèges.
Et quid des sucres mauriciens ?
Les États-Unis achètent des sucres mauriciens. Dans un entretien téléphonique, samedi matin, le Chief Executive Officer du Mauritius Sugar Syndicate, Devesh Dukhira, a partagé son analyse : « En moyenne, Maurice exporte quelque 15 000 tonnes de sucres spéciaux vers les États-Unis annuellement. Ces exportations sont hors taxes, selon les engagements des États-Unis auprès de l’Organisation mondiale du commerce. Chaque année, les États-Unis importent environ trois millions de tonnes de sucres et c’est le marché le plus rémunérateur pour les sucres mauriciens.
Le Président américain a annoncé que les produits importés de quelque 150 pays seront sujets à une taxe de 10 % à 15 %. Or, il n’y aurait aucune communication officielle de l’administration américaine. Ce serait imprudent de commenter sur cette annonce pour le moment, sans davantage de clarté ni de visibilité.
Cette semaine, nous avons aussi appris du Président américain que Coca-Cola a accepté d’utiliser du sucre de canne pour ses boissons. Est-ce à l’avantage de Maurice ? « Le monde consomme environ 180 millions de tonnes de sucres chaque année. Et Coca-Cola utiliserait environ huit millions de tonnes. Si Coca-Cola décide d’utiliser exclusivement du sucre de canne, par rapport au High Fructose Corn Syrup souvent utilisé, nous devrions assister à une hausse de la demande, donc une pression sur les cours sucriers, ce qui serait bénéfique pour les producteurs comme Maurice », fait ressortir le CEO du MSS.
Quelle est la stratégie mauricienne face aux taxes américaines ?
Il va sans dire que Maurice ne peut se permettre d’émuler la Chine ou l’Europe, qui sont en mesure de durcir le ton face aux Américains. Ces pays disposent du muscle financier pour contrer la politique commerciale de Donald Trump. En tant que petit État insulaire, Maurice bénéficie du soutien de la Grande-Bretagne et de l’Inde. Le deal Chagos est dans sa phase finale chez les parlementaires britanniques. De plus, les États Unis soutiennent ce deal. Et les Américains reconnaissent l’importance stratégique de Maurice. D’ailleurs, une nouvelle ambassade, au coût de Rs 13,5 milliards est actuellement en construction au cœur du pays. Donc, dans cette équation à multiples variables géopolitiques, Maurice joue la carte de la négociation.
Le 10 avril, le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, a écrit au Président Donald Trump, demandant la suspension des tarifs en attendant les négociations bilatérales. Le PM cherche aussi conseil sur la façon de procéder afin d’aboutir à un accord commercial.
Le 23 avril, c’est au tour des ministres des Affaires étrangères et de l’Industrie – Ritesh Ramful et Aadil Ameer Meea – d’envoyer une correspondance conjointe au représentant commercial des États-Unis pour entamer des discussions pour donner suite à la lettre du Premier Ministre.
Un mois plus tard, le 27 mai, le Premier ministre adjoint, Paul Bérenger, et le ministre Aadil Ameer Meea avancent l’idée de démarrer des discussions, y compris sur le renouvellement de l’Africa Growth and Opportunity Act.
Au cours du mois écoulé, Maurice réaffirme sa volonté d’approfondir les liens commerciaux et économiques avec les États-Unis, en soumettant des propositions après des consultations avec les décideurs et opérateurs des secteurs public et privé. En marge du 17e Business Summit États Unis-Afrique, le représentant mauricien tient une rencontre bilatérale avec les Américains. Il est question de l’impact négatif des annonces tarifaires sur les économies telles que Maurice.
Tenant compte de ces appels au dialogue, des analystes estiment que Maurice et les États-Unis seront appelés à trouver un terrain d’entente favorable aux deux pays. Et, pourquoi pas, importer davantage de produits américains et solliciter l’expertise des States ?
Que recommandent les États-Unis ?
Dans un récent entretien accordé au Défi Media Group, l’ambassadeur des États-Unis Henry V. Jardine a rappelé que l’Africa Growth and Opportunity Act a été le pilier des relations commerciales entre les États-Unis et Maurice. Ladite loi a permis aux entreprises mauriciennes d’accéder au marché américain sans qu’il y ait des droits de douane. Cela a boosté la création d’emploi, a assuré la promotion des exportations et a soutenu la croissance économique.
L’ambassadeur a fait ressortir que Maurice est engagé dans des pourparlers avec le gouvernement américain afin d’établir un accord-cadre commercial pour atténuer l’impact des droits de douane imposés par l’administration de Donald Trump. Maurice, a-t-il dit, devrait poursuivre ces négociations.
Quel est le poids des exportations vers les États-Unis ?
En 2024, nos exportations ont progressé de 3,3 % par rapport à 2023 pour atteindre les Rs 8,2 milliards et représentant 10 % des ventes. Les États-Unis sont alors le troisième marché après l’Afrique du Sud et Madagascar. Cette année, la donne est différente. Les exportations sont en baisse de 23,7 % (février à mai), selon les chiffres mensuels publiés par Statistics Mauritius.
Mois | 2024* | 2025* |
---|---|---|
Février | 938 millions | 374 millions |
Mars | 465 millions | 610 millions |
Avril | 525 millions | 646 millions |
Mai | 822 millions | 743 millions |
Total | 2,75 milliards | 2,373 milliards |
*en roupies mauriciennes |

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