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Différends entre le PTr et le MMM : l’alliance gouvernementale sauvée in extremis

L’entente du début n’est plus.

Après plusieurs jours de tensions, l’Alliance du Changement a frôlé la rupture. La crise est désamorcée, mais les fractures demeurent.

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Soulagement palpable dans les rangs des quatre partenaires au pouvoir. L’angoisse, entretenue depuis plusieurs jours au sein de la majorité, s’est dissipée jeudi après-midi, au terme d’un tête-à-tête jugé « concluant » entre le Premier ministre et leader du Parti travailliste, Navin Ramgoolam, et le Deputy Prime Minister et leader du MMM, Paul Bérenger. L’Alliance du Changement, menacée de rupture, a été repêchée in extremis.

Dans les couloirs du pouvoir, les visages se sont décrispés. « Ouff… mo ti pe santi mo latet pe exploser », lâche, soulagé, un ministre mauve. Comme plusieurs de ses collègues, il faisait partie de ceux qui ont résisté à la tentation de la rupture prônée par leur leader. « Nou finn tenir tet à Paul Bérenger, pa parski nou oule gard konfor ministeriel. Nou finn get enn realite : apre 19 an dan lopozision, ou krwar militan pou kontan ki nou kit gouvernman pou bann rezon pa solid ? », explique-t-il.Un autre député du MMM confie, sans détour : « Si nou ti kit gouvernman, nou pa ti pou kapav mars lor lari. Nou militan ti pou bat nou. Zot vot nou pou diriz pei, pa pou retourn dan lopozision. » Des propos qui traduisent la peur d’un vide politique, mais aussi l’attachement viscéral du militant de base à l’exercice du pouvoir après tant d’années d’attente.

Pourtant, jeudi à la mi-journée, la rupture semblait inévitable. Paul Bérenger, enfermé dans son domicile entouré de son état-major, se disait déterminé à claquer la porte du gouvernement. Il déplorait la lenteur du gouvernement à constituer les conseils d’administration d’organismes clés — Information and Communication Technologies Authority, Independent Broadcasting Authority, Development Bank of Mauritius — et à procéder aux nominations stratégiques, notamment à la tête de la Financial Crimes Commission. Il rappelait, non sans amertume, qu’il avait fallu un forcing pour que des sanctions suivent le rapport sur les événements de la prison de Melrose. Le leader du MMM doutait ouvertement de la volonté réelle du Premier ministre de donner suite à la réforme électorale, un engagement de campagne devenu serpent de mer. Il dénonçait enfin « les manœuvres de la bande des cinq » au Bureau du Premier ministre, qu’il soupçonne d’agir dans son dos. À cette heure-là, l’idée d’une démission collective du MMM commençait à s’effriter.

Paul Bérenger, stratège aguerri, avait bien compris que la grande majorité de ses élus ne le suivraient pas dans cette aventure incertaine. La perspective d’un revers cuisant au Bureau politique, prévu à 17 heures, se précisait : plusieurs membres réclamaient que la décision de quitter le gouvernement soit soumise au vote. Une telle issue aurait constitué une humiliation politique pour le leader historique du MMM. Déjà, mardi lors du BP, quelques membres très en vue lui tenaient tête.

Pendant quelques heures, un scénario intermédiaire a circulé : celui d’une démission symbolique de Paul Bérenger et de quelques ministres ou Junior Ministers désireux de se retirer de leurs fonctions pour siéger comme backbenchers. Une solution de compromis, vite rejetée par la majorité des élus mauves, farouchement opposés à toute rupture. Pour eux, la priorité restait claire : maintenir le MMM au cœur du pouvoir et préserver la stabilité de l’Alliance du Changement.

C’est dans ce contexte qu’a émergé l’idée d’un tête-à-tête entre Paul Bérenger et Navin Ramgoolam. L’initiative, soutenue discrètement par plusieurs ministres, a reçu une réponse immédiate du Premier ministre. Le rendez-vous est fixé pour 15 heures, au Bâtiment du Trésor. Pendant plus d’une heure, les deux hommes ont abordé sans détour les contentieux accumulés : nominations retardées, divergences sur la réforme électorale, lenteurs administratives et méfiances réciproques. À sa sortie, Paul Bérenger affiche un calme retrouvé. Devant ses proches, il parle d’un échange « positif » et d’une « page tournée ».
Lors du Bureau politique tenu en fin d’après-midi, le ton est apaisé. Le leader du MMM confirme que le point sera fait au Conseil des ministres du vendredi. Dans l’immédiat, l’essentiel est sauvé : l’Alliance du Changement respire encore.

Au final, le pire a été évité, mais rien n’est encore gagné. L’Alliance du Changement sort de cette crise comme un malade convalescent : soulagée, mais toujours fragile. Entre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, la confiance reste un exercice d’équilibriste, fondé sur la nécessité plus que sur la conviction. Le gouvernement peut reprendre son souffle, mais chacun sait que le moindre faux pas pourrait rallumer la mèche. À Port-Louis, on parle de trêve ; à l’Hôtel du Gouvernement, on murmure plutôt un mot plus juste: répit.

 


La stratégie de Joanna avant la rupture ?

La diffusion d’une vidéo signée Joanna Bérenger, Junior Minister à l’Environnement, a fait grincer bien des dents dans le giron du pouvoir. Dans cette séquence largement partagée sur les réseaux sociaux, la jeune ministre dresse son bilan de sa première année au ministère de l’Environnement. C’était une mise en ligne en pleine tourmente politique, alors que son père, Paul Bérenger, menaçait encore de rompre avec l’Alliance du Changement. Le timing a intrigué jusque dans les coulisses du pouvoir. Beaucoup y voient un geste calculé : si Joanna Bérenger a pris soin de dresser un bilan personnel, c’est qu’elle semblait anticiper une rupture imminente du MMM avec le gouvernement. L’initiative aurait alors eu valeur de conclusion — une façon d’apposer sa signature avant le clap de fin. Autre lecture possible : une démarche d’émancipation politique. La vidéo, centrée sur le ministère dirigé par Rajesh Bhagwan, a été perçue par certains comme une initiative isolée. Pour d’autres, elle illustre la volonté de Joanna Bérenger d’affirmer une autonomie grandissante au sein du parti. Plusieurs voix estiment toutefois qu’un bilan conjoint Rajesh Bhagwan– Joanna Bérenger aurait été plus cohérent — politiquement et institutionnellement.

La rencontre décisive 

Les tensions qui menaçaient de fracturer l’alliance au pouvoir à Maurice connaissent un répit, à la suite d’une rencontre entre le Premier ministre Navin Ramgoolam, leader du PTr, et son adjoint Paul Bérenger, leader du Mouvement militant mauricien (MMM).  

Initialement programmée comme une réunion élargie impliquant cinq représentants de chaque camp, la discussion s’est muée en un tête-à-tête, décrit comme constructif, tenu à 15 heures. . Cette évolution marque un passage d’une phase de tension larvée à une période d’observation prudente, où la responsabilité de consolider cet équilibre repose désormais sur les épaules du Premier ministre.

Au cœur de ces frictions internes, qui couvaient depuis plusieurs semaines, voire quelques mois, figurent des divergences sur la gouvernance et des nominations contestées au sein de l’appareil d’État. Jeudi matin, l’incertitude planait encore : une convocation en urgence du bureau politique du MMM, fixée à 17 heures, laissait craindre une rupture imminente. Mais l’initiative des deux leaders a permis de désamorcer la crise dans l’œuf.

La rencontre de 15 heures, décrite par des sources proches des deux parties comme une « bonne séance de travail », a permis d’aborder frontalement les points litigieux. « Les discussions ont été dans la bonne direction », confie un cadre du MMM, sous couvert d’anonymat. Parmi les sujets évoqués figurent les agissements présumés de certains collaborateurs au sein du Bureau du Premier ministre, ainsi que des nominations à des postes stratégiques. Le MMM, a fait comprendre Paul Bérenger aux membres du bureau politique mauve, n’exige pas des départs immédiats – comme ceux du commissaire des prisons, Dev Jokhoo, ou du commissaire de police, Rampersad Sooroojebally –, mais plaide pour des « évolutions en temps et lieu », afin de restaurer une gouvernance perçue comme exemplaire. 

D’autres dossiers sensibles, parmi bien d’autres : certains aspects autour de la rétrocession des archipels des Chagos à Maurice – un enjeu diplomatique majeur en cours de négociation avec le Royaume-Uni – ou l’affaire du milliardaire malgache Mamy Ravatomanga, arrivé à Maurice par jet privé le 12 octobre dernier dans des circonstances rocambolesques. Du côté travailliste, l’on se réjouit de ce développement. L’atmosphère s’est avérée constructive sur un « bon nombre de points », selon les échos recueillis chez les rouges.

Du côté du MMM, l’apaisement s’est cristallisé lors de la session spéciale du bureau politique. Paul Bérenger y aurait tenu un discours optimiste, insistant sur la nécessité de montrer que le pays est gouverné correctement. « Tout le monde est en très bonnes dispositions pour que ça ne casse pas », résume une source. Le leader mauve a réaffirmé ses exigences – des résultats tangibles et une coalition exempte de controverses –, tout en écartant l’hypothèse d’une sortie du gouvernement. Il aurait aussi déclaré être conscient que « beaucoup de militants ne sont pas en faveur d’une rupture ». 

 

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