
Alors que les embouteillages paralysent de plus en plus les routes du pays, deux experts, Alain Jeannot et Michael Atchia, appellent à un changement de cap. Covoiturage encadré, horaires de travail décalés, électrification progressive du parc automobile ou encore inspiration du modèle seychellois : ils esquissent des solutions concrètes et audacieuses pour enrayer la congestion chronique.
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Les bouchons n’épargnent plus aucune région. Que ce soit à l’entrée ou à la sortie de Port-Louis, à Ébène avec l’autopont, sur le pont SAJ ou encore au rond-point de Hillcrest à Quatre-Bornes, la congestion routière est devenue un quotidien infernal. Un constat : il y a trop de véhicules sur nos routes. C’est d’ailleurs l’avis du ministre du Transport, Osman Mahomed, qui a été interpellé sur cette crise lundi dernier à l’Assemblée nationale lors d’une Private Notice Question du leader de l’opposition, Joe Lesjongard.
Malgré les infrastructures déployées – nouvelles routes, Metro Express – la situation n’a pas été désengorgée. « C’est l’effet contraire qui s’est produit. Deux exemples concrets : l’entrée de la capitale et l’autopont d’Ébène. Puis, il y a le pont SAJ, des véhicules de la route A1 qui se déversent désormais sur l’autoroute M1, ce qui cause des bouchons énormes tous les jours », a souligné Osman Mahomed.
En réponse à la grogne populaire et aux critiques sur les nouvelles taxes sur les véhicules, le ministre s’est défendu : ces mesures visent avant tout à freiner la croissance incontrôlée du parc automobile en réduisant le nombre de véhicules neufs ou de seconde main sur nos routes.
Une justification que partage Alain Jeannot, président de Prévention Routière Avant Tout (PRAT) : « L’augmentation de la taxe routière vise surtout à réduire la croissance de véhicules chez nous. Si on ne fait rien, ce sera pire dans quelques années. »
Il cite l’exemple de Singapour : « Ce pays, avec seulement 3 000 km de routes, a un réseau routier performant qui répond aux exigences économiques du pays. » Il salue la décision du gouvernement d’aller de l’avant avec cette réforme pour les véhicules, mais estime qu’il faut développer le transport public.
Selon lui, un bon réseau de transports en commun peut faire la différence : « Si vous avez un bon timing des horaires, avec des autobus propres, les gens privilégieront ce type de transport, laissant leur véhicule au garage. »
Pour ce qui est des augmentations des taxes, le consultant en prévention routière est partagé dans sa réflexion : « Je crains que mettre des taxes sur les véhicules n’encourage certains à se tourner davantage vers les deux-roues motorisés, ce qui risque de provoquer plus d’accidents. »
Autre piste : le covoiturage. Une solution économique et écologique pour laquelle l’organisation non gouvernementale PRAT a mené campagne, selon Alain Jeannot. « Nous avons mené une campagne pour encourager les automobilistes à laisser leur véhicule au garage pour partager leurs trajets avec d’autres. »
BlaBlaCar
Mais il précise qu’il y a des résistances, notamment du lobby des taxis, qui craignent une concurrence déloyale. « Pourtant, ce qu’ils ne disent pas, c’est qu’ils sont pénalisés dans les embouteillages et qu’il y a un prix à payer en termes d’essence et de temps. Eux aussi sont bloqués dans les bouchons. »
Alain Jeannot souligne l’importance de bâtir la confiance autour du concept, à l’image de plateformes sécurisées et motorisées comme BlaBlaCar en Europe. « C’est tout un ‘mind-set’ à changer. Mais il faut aussi du sérieux de la part des opérateurs de ce concept. »
Parmi les autres propositions : les « staggered hours », soit des horaires de travail décalés entre public et privé, c’est-à-dire faire travailler les fonctionnaires et ceux du secteur privé à différents horaires tant le matin que dans l’après-midi. Pour le président de PRAT, c’est une idée à creuser, mais qui nécessite une volonté politique et un réel consensus intersectoriel : « Il devrait y avoir consensus, mais il y a tellement d’autres facteurs à prendre en considération. »
De son côté, le consultant Michael Atchia préconise une stratégie inspirée du modèle seychellois, où il a contribué à la mise en place d’un système de contrôle strict. « Il faut absolument stopper la croissance de véhicules sur nos routes », dit-il.
Aux Seychelles, explique-t-il, pays tout petit dans le Main Land, soit de 2 km x 18 km, l’achat d’un véhicule est conditionné à la destruction d’un ancien. « Pour l’acquisition d’une voiture neuve, il faut démolir l’ancienne au cimetière des vieilles carcasses », dit-il. Cela permet de maintenir un nombre constant de voitures en circulation, sans aggraver l’encombrement routier.
Il va plus loin en plaidant pour une transformation progressive du parc automobile : « Il faut imposer une taxe très forte sur les voitures à essence, mais zéro taxe sur les véhicules électriques. » À terme, dit-il, le pays pourrait rouler presque exclusivement en électrique.
Il estime que la fin du pétrole est inévitable dans les prochaines décennies et qu’il est temps d’anticiper. « D’ici quinze à vingt ans, les puits seront à sec. Le prix du baril flambera. Nous risquerons des protestations sociales. »
D’où l’importance, selon lui, d’encourager les voitures électriques avec l’apport de batteries avec quelques ajustements. « On pourrait rouler gratuitement en ayant de quoi électrifier le véhicule. » Michael Atchia en est convaincu : il faut absolument changer de stratégie et d’approche.

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