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Crimes, clans et violence sociale à Maurice : qu’en pensent les jeunes ?

Le phénomène des gangs et des clans est présent dans le monde entier. Avec les récents cas de criminalité et d’agressions, Maurice n’est pas épargné. Ces sujets interpellent tout le monde, dont les jeunes qui nous ont fait part de leurs ressentis. Le point dans cet article. 

Daren Paquiom (24 ans) : «La violence qui prévaut à Maurice résulte d’un mauvais encadrement»

darrenDarren Paquiom, qui a fait des études en sociologie, est d’avis que les gangs sont bel et bien présents à Maurice. « Autrefois, les Mauriciens voyaient les gangs à la télévision, mais dorénavant ce phénomène est ancré dans la vie réelle ». Selon lui, la violence qui prévaut à Maurice résulte d’un mauvais encadrement à divers niveaux.

« Sociologiquement parlant, les causes sont liées à des lacunes, notamment un manque d’éducation, l’absence de communication entre parents et enfants, les facteurs environnementaux ou encore un manque d’intérêt pour la religion et les valeurs morales », indique le jeune homme. « De plus, avec la globalisation, les réseaux sociaux et l’industrialisation, les crimes sont devenus communs et c’est dangereux. Les gangs et les clans peuvent briser l’harmonie et la paix qui règnent dans notre pays et créer le chaos ». 

Daren Paquiom se dit particulièrement choqué par certains crimes, notamment la pédophilie, la prostitution infantile, le trafic humain, le viol et le meurtre. « Dans la plupart de ces cas, les victimes sont des personnes innocentes, voire des enfants qui seront marqués à jamais psychologiquement et émotionnellement. Leur avenir est brisé par des individus qui n’ont aucune pitié. Le jeune homme craint que les enfants abusés dans leur jeunesse viennent à leur tour des criminels une fois adultes. C’est pourquoi il pense que les lois doivent être plus sévères à l’encontre des criminels. Quant aux victimes, celles-ci doivent être mieux encadrées ».

Pour réduire l’impact de la violence sociale, Daren Paquiom soutient qu’il faut briser en premier lieu les tabous. « Par exemple, une victime de viol doit avoir le courage de dénoncer son agresseur sans honte ou peur. C’est seulement à ce moment-là que les autorités concernées pourront arrêter le ou les coupables afin de les empêcher de sévir à nouveau. Ensuite, punir les criminels ne va pas éradiquer la criminalité, car quand ces derniers retrouvent la liberté, ils sont de nouveau hantés par leurs vieux démons. Il faut donc qu’un psychologue arrive à déterminer les raisons qui les poussent à commettre de tels actes afin de les aider de manière adaptée ». 


Jamie Cartick (23 ans) : « Après l’illusion d’une période de répit durant le confinement, la violence a repris ses droits »

jamieJamie Cartick, qui travaille dans une ONG, a 23 ans. C’est avec une grande angoisse qu’elle constate le nombre croissant de meurtres et de violences à Maurice où les clans et les gangs s’affichent sans complexe.

« Après l’illusion d’une période de répit durant le confinement, la violence a repris ses droits », fait-elle ressortir. Elle dit être particulièrement bouleversée par les viols, les incestes et les cas de pédophilie où les auteurs restent impunis ou écopent d’une peine minime alors que leurs crimes glacent le sang. La jeune femme est aussi marquée par les crimes liés à la drogue.

Quand la justice ne fait pas son travail correctement, elle nous fait douter du système judiciaire actuel. Pour réduire l’impact de la violence sociale, il est essentiel de bien encadrer les personnes vulnérables, ainsi que celles susceptibles de violence. « Je pense que les consommateurs de drogue devraient être redirigés vers des centres de réhabilitation afin d’être aidés. Alors que les mettre en prison, cela va les rendre encore plus violents et frustrés. La campagne « Support. Don’t Punish. » du Collectif Urgence Toxida (CUT) est un exemple de l’approche que l’on devrait avoir dans la société », conclut la jeune femme.


Milasha Thumiah (26 ans) : «On a l’impression que la vie humaine n’a aucune valeur»

melishaMiss Humanity Hope of Miss India Worldwide Mauritius 2018, Milasha Thumiah, est âgée de 26 ans. Cette jeune cadre estime que les crimes à Maurice sont de plus en plus terribles et inhumains. « On a l’impression que la vie humaine n’a aucune valeur. Le pire, selon moi, c’est qu’il y a plusieurs crimes qui  ne sont pas signalés à la police. Il est vital que les Mauriciens prennent conscience qu’il y a des gangs et des clans dans le pays et que la situation est vraiment alarmante. Ces groupes peuvent faire davantage de ravages qu’un seul criminel », fait-elle remarquer. « Je pense personnellement que les autorités devraient être plus préventives que correctives afin de mettre un terme à la violence », avance Milasha Thumiah. 

Et  pour réduire l’impact de la violence sociale, que faut-il faire selon elle ? « Ne pas normaliser la violence, ne pas craindre de dénoncer les crimes et ne pas pointer du doigt les victimes », dit la jeune femme. « Les victimes devraient disposer de plus de droits et les procédures pénales devraient être davantage axées vers elles. Il faut aussi accélérer les procédures légales, car les retards peuvent affaiblir psychologiquement encore plus les victimes », conclut-elle.


Chetan Gukhool (27 ans) : « Pour que la paix sociale prime à Maurice, il faut une politique propre, digne et avant-gardiste » 

chetanOfficier de communication pour une ONG sise dans l’ouest, Chetan Gukhool a 27 ans. Que pense-t-il des gangs, des clans et de la violence au pays ? « Ces trois mots ont, certes, chacun une définition, mais dans le fond, ils font tous référence au pouvoir, à la violence et à une démonstration de force. Les crimes, les clans et les gangs ont toujours existé à Maurice, mais pourquoi en parler maintenant, vous diront certains », fait-il ressortir.

« Bientôt 53 ans après notre indépendance, nous dépendons toujours de quelques familles. C’est aberrant ! Il faut arrêter de se voiler la face », dit-il. Mais pourquoi parler de politique alors que le sujet de notre article est la violence à Maurice ? « C’est simple », dit-il. « À Maurice, quand on parle de politique, il est question de contrôle, de pouvoir, d’attaques physiques ou psychologiques et de démonstration de force. Vous voyez, il n’y a aucune différence. Ainsi, si les Mauriciens constatent que les crimes ne cessent d’augmenter, c’est parce que les divers clans eux prônent « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous » (NDLR : Il s’agit d’une citation de George W. Bush prononcée au monde entier le lendemain des attentats du 11 septembre 2001). Ne soyez donc pas étonnés de voir les gangs ou autres clans pousser comme des champignons !  Pour que la paix sociale prime à Maurice, il faut une politique propre, digne et avant-gardiste », affirme-t-il.

Quant aux cas de violence qui l’a plus marqué, il s’est forgé sa propre opinion.  « Aujourd’hui, avec le flot d’informations qui circulent sur tous les médias,  particulièrement sur Internet, il est difficile de distinguer le vrai du faux. C’est ainsi que les jeunes mauriciens sont confus », fait-il ressortir. Il se dit aussi attristé par le fait qu’à chaque crime atroce, les politiciens et les autorités concernées font une conférence de presse pour rassurer la population que les criminels seront retrouvés et punis. « Mais, selon moi, la ligne est très fine entre la vérité et la réalité. Certes, nous, en tant que jeunes, on ne connait pas tout de la loi, mais un peu de logique et de bon sens ne font de mal à personne ! », ajoute le jeune homme. Et selon lui, que doivent faire les autorités pour diminuer la violence à Maurice ? « Ne pas encourager les adeptes de politicaillerie et de chatwas.  Savez-vous que le terme chatwas est utilisé pour décrire les sangsues politico-administratives qui ont un seul but ? Celui de permettre aux politiciens de se mettre en avant pour profiter ? C’est ce qui explique pourquoi ce sont les premiers à réagir ! Ils n’ont qu’une idée en tête, se faire remarquer. Alors, pour que le nombre de crimes diminue, il faut que les Mauriciens évitent leurs pièges. Puis, ils doivent avoir le courage de dénoncer les maldonnes. Avec plusieurs impacts positifs, la balance sera  rétablie. Puis, il faut éviter la peur artificielle et se capitaliser sur nos capacités qui nous unissent », conclut-il.


Dipti Neerputh (22 ans) : «Il faut prôner la politique de zéro tolérance envers les criminels»

diptiÉtudiante en philosophie indienne, Dipti Neerputh est inquiète des cas de violence qui prévalent dans le pays. « Il suffit de voir comment les gangs font leur loi. De plus, ils sont armés jusqu’aux dents. Ce n’est pas normal ». Elle dit avoir été traumatisée par le meurtre de Sita Devi Lutchiah survenu le 2 décembre dernier. Pour rappel, cette habitante de Grande-Rivière-Nord-Ouest a été tuée par son petit-fils pour avoir refusé de lui donner de l’argent. La jeune fille craint qu’un jour, sa propre grand-mère soit victime d'un voyou assoiffé d’argent. 

Dipti Neerputh a aussi été marquée par le décès du présumé dealer Caël Permes retrouvé mort dans sa cellule à la prison de La Bastille, à Phoenix, dans la soirée du  5 mai dernier. « Nous grandissons avec l’idée que les policiers sont là pour protéger la population. Mais quand on constate le nombre de cas de violence policière, on ne sait plus quoi penser. Certes, l’homme qui est mort en prison n’est pas un enfant de chœur, mais il ne faut pas oublier que selon la présomption d'innocence, toute personne est réputée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été légalement démontrée ».

Quant aux mesures à prendre pour réduire la violence sociale dans le pays, elle pense qu’il faut prôner la politique de zéro tolérance envers les criminels. « Il faudrait plus de peine d’emprisonnement à vie et au niveau de l'éducation, donner des leçons de vie aux enfants dès la primaire. Ces leçons aideraient les enfants agressifs à canaliser la violence ou encore à mieux gérer leurs émotions. Ainsi, les générations futures seront plus responsables et calmes », conclut-elle.


Divesh Luchmun (22 ans) : «Certaines personnes pensent que la loi est entre leurs mains»

diveshDivesh Luchmun, qui en est à sa deuxième année de cours journalistiques, considère que le taux de criminalité à Maurice a pris l'ascenseur depuis quelques années. « Auparavant, il était très peu question de clans et de gangs, mais désormais, ils font souvent la une de l’actualité. Cela donne une autre image de Maurice. Il ne faut pas non plus oublier que les meurtriers font de plus en plus preuve d’une grande atrocité ». 

« Les crimes passionnels, familiaux, ainsi que les homicides entre voisins suscitent une grande interrogation. Cela nous fait prendre conscience que la société mauricienne est en train de se dégrader. Je pense que les  producteurs d’Hollywood pourraient s’inspirer des crimes commis dans l’ile pour leurs séries ! Vous imaginez que depuis le début de l’année, il y a une moyenne de deux à trois homicides par semaine ! », fait-il ressortir.

Il est aussi choqué par les nombreux cas de violence domestique et la maltraitance envers les animaux. « Il y a des crimes dans toutes les couches de la société. J’ai été particulièrement choqué par le cas d’Aslam Noursing qui a eu les poignets sectionnés en 2016. Cela  prouve à quel point certaines personnes à Maurice pensent que la loi est entre leurs mains ».

Pour réduire la violence sociale, il abonde dans le même sens que Dipti Neerputh. Il faut mettre l’accent sur l’éducation. « C’est primordial. Il faut inculquer le civisme aux enfants », dit-il en guise de conclusion.

 

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